Le député Jean Leonetti, auteur de la loi sur la fin de vie, a insisté mercredi devant la Cour d'assises du Maine-et-Loire, qui juge en appel l'ex-urgentiste Nicolas Bonnemaison, sur la nécessité de la "collégialité" des décisions médicales en fin de vie pour "protéger" patients et médecins.
"C'est la collégialité qui protège le médecin, l'équipe, la famille et le patient", a estimé le médecin, appelé une nouvelle fois à témoigner au procès de Nicolas Bonnemaison, jugé en appel à Angers pour "l'empoisonnement" de sept patients en phase terminale entre 2010 et 2011, après avoir été acquitté en première instance par la Cour d'assises des Pyrénées-atlantiques en juin 2014."Ce qu'on ne partage pas, ça laisse la place à l'émotion, à l'arbitraire et à la décision individuelle", a insisté le député LR, auteur de la loi de 2005 sur les droits des malades et la fin de vie, et co-auteur, avec le député PS Alain Claeys, d'une nouvelle proposition de loi sur le sujet.
"Le fait de ne pas se parler fragilise tout le monde: le malade, le médecin, l'équipe, les proches", a-t-il encore dit, alors qu'il est notamment reproché à l'ex-urgentiste bayonnais d'avoir administré des sédatifs -- de l'hypnovel et du norcuron, un médicament à base de curare -- sans en avoir informé ni les familles, ni le personnel soignant.
Pour Jean Leonetti, dans le cadre de la fin de vie, "l'inscription au dossier médical est un élément de transparence et de protection du médecin lui-même". "La majorité des médecins pense que si on écrit rien on est protégé. En réalité, on l'est encore moins", a-t-il affirmé.
Interrogé par la présidente sur la nouvelle proposition de loi, adoptée en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 6 octobre et qui instaure un "droit à la sédation profonde et continue" jusqu'au décès pour les malades incurables, le député a estimé que cette loi "ne changeait rien" aux faits présumés reprochés à l'ex-urgentiste.
Le nouveau texte, qui doit être à nouveau examiné par le Sénat en vue d'une adoption définitive d'ici fin 2015, rend également contraignantes les "directives anticipées" par lesquelles chacun peut stipuler son refus d'un acharnement thérapeutique. "La seule modification de cette loi, c'est qu'on est passé d'un devoir des médecins à un droit des malades", a précisé Jean Leonetti.
"J'aimerais que vous soyez sûr que jamais je n'ai eu pour intention de provoquer la mort de ces patients", a réitéré l'urgentiste, à l'adresse du député, avant d'ajouter: "Mes torts je les reconnais: avoir fait la sédation sans en parler à la famille, à l'équipe et sans l'avoir noté" dans les dossiers médicaux des patients.
"Je ne suis pas là pour juger Nicolas Bonnemaison ni sur le plan moral, ni légal, ni (celui) d'un confrère. J'ai plutôt de la sympathie pour lui. J'ai déjà dit que pour moi, il n'était pas un assassin", a conclu le député.
Jugé en appel jusqu'au 24 octobre, Nicolas Bonnemaison, 54 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.