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Malgré plus de moyens, la justice reste en peine

Illustration de la justice

Jamais la justice n'a eu autant de moyens en France, avec une hausse historique de son budget. Mais on part de tellement loin, disent les syndicats, que la situation reste et restera encore compliquée pour les magistrats et les justiciables. Alors comment réduire les délais de jugement ? En créant des postes, mais aussi en évitant d'aller systématiquement jusqu’au procès.

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C’est une 1ère en France : un Tribunal de police qui ferme. En l’occurrence celui du Mans, fermé depuis février. Et qui ne rouvrira pas avant le printemps, faute d’effectifs pour le faire fonctionner.

Ce cas extrême est heureusement unique en France. Mais il montre bien à quel point la justice est en souffrance.

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Dimanche en Politique - Prolongation fermeture tribunal de police du Mans ©France Télévisions/M. Lecharpentier/B. Bonte

Un budget sans précédent

Et pourtant, tous les acteurs de la justice le disent : l’effort budgétaire du gouvernement est inédit. Historique même, car pour la 1ʳᵉ fois, il va dépasser cette année les 10 milliards d’euros (en hausse de 5 % sur un an). Et l’effort va se prolonger jusqu’en 2027, avec l’annonce de la création de 1 500 postes de magistrats, 1 500 de greffiers et 110 d’auxiliaires de justice d'ici à 2025.

Des efforts jugés insuffisants par les magistrats

Sauf, explique l’Union Syndicale des Magistrats, qu’on part de tellement de loin que même cet effort ne suffira pas à combler tous les besoins.

L'interview de Jérôme Dupré, délégué régional Union syndicale des magistrats, sur les moyens de la justice

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Dimanche en Politique - Interview de Jérôme Dupré - Délégué régional Union syndicale des magistrats ©France Télévisions/V. Charbonneau

À Nantes, pour atteindre la moyenne nationale, il faudrait au minimum 90 magistrats au Parquet… Il n’y en a actuellement que 28 !

Les enjeux de l'effort budgétaire du gouvernement

Les renforts annoncés sont malgré tout les bienvenus. Six étaient prévus en 2023 et promis par Eric Dupont Moretti, le garde des Sceaux, dès cette année.

"Nous commençons depuis l’été à avoir de réels renforts à la fois de magistrats du Siège (qui jugent) et du Parquet (qui poursuivent), ainsi que des greffiers, indispensables au fonctionnement de la justice. Tous ces renforts annoncés arriveront finalement au début de l’année 2024, mais ils arriveront" affirme le Procureur de la République de Nantes Renaud Gaudeul.

Le garde des Sceaux a aussi promis que les délais de jugement seront divisés par deux d’ici 2027… L’écrasante majorité des magistrats n’y croient pas. Car le retard est tel dans de nombreuses juridictions qu’il sera difficile à absorber en si peu de temps. C’est le cas en particulier dans les cabinets d’instruction, débordés.

L'interview de Jérôme Dupré, délégué régional Union syndicale des magistrats, sur les délais d'instruction

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Dimanche en Politique - Interview de Jérôme Dupré - Délégué régional Union syndicale des magistrats ©France Télévisions/V. Charbonneau

Difficile d’absorber le flux de nouvelles affaires, notamment dans des villes qui voient leur population augmenter fortement comme Angers (+ 2 200 habitants par an dans l’agglomération) voire exploser comme à Nantes (+ 9 000 habitants par an dans la métropole).

Alors la création de seulement 2 postes au Parquet d’Angers d'ici à 2027, c’est infime "Mais on fait avec des gouttes d’eau" veut croire le Procureur Éric Bouillard.

Vers une justice plus axée sur la médiation

Plus d’effectifs, c’est donc indispensable. Mais il faut aussi changer son rapport à la justice. En France, c’est presque "culturel", ne pas aller en jugement pose problème quand il y a litige. Et pourtant, régler plus d’affaires de façon amiable, sans passer par la case tribunal, doit se développer.

C’est d’ailleurs la volonté du gouvernement, qui a pris récemment une disposition : pour les différends de moins de 5 000 euros ou les conflits de voisinage, les parties concernées doivent désormais obligatoirement recourir à un conciliateur ou un médiateur avant d’envisager une action en justice.

Émergence des sanctions de travail non rémunéré

Même volonté pour des "petits" délits de trouver d’autres réponses qu’un jugement en audience. D’où le développement des sanctions de type "travail non rémunéré".

Ils sont réservés aux primo-délinquants, qui reconnaissent leur culpabilité. Dans les deux mois après leur interpellation, ils effectuent un travail non rémunéré au sein d’une collectivité ou d’une association, pour une durée maximale de 100 h, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois.

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Dimanche en Politique - mise en place du travail non rémunéré ©France Télévisions/E. Coussemacq/A. Ropert/B. Tang/B. Cogny/M. Gaudin
"Pour moi, c'est fondamental, déclare le Procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul. "Ça a plus de sens qu’une réponse pénale qui certes passera par un jugement, mais qui sera donnée beaucoup plus tard. Cela a aussi du sens pour la société de réparer ainsi une infraction".

Mais pour Me Carriou, avocat à Nantes et membre du bureau de la Conférence nationale des Bâtonniers, "il faut être vigilant. Cette réponse pénale doit être encadrée et il faut que la personne mise en cause comprenne ce qui va se passer. Car une bonne peine est une peine qui doit être comprise".

Un enjeu pour les collectivités

Et dernier obstacle à la multiplication de ces travaux non rémunérés : le faible nombre de collectivités ou d’associations qui acceptent de recevoir les délinquants sanctionnés. "C’est une recherche constante" reconnaît le Procureur d’Angers Éric Bouillard.

Pour l’instant, peu de villes ont contractualisé avec les Parquets pour la mise en place de cette procédure de travail non rémunéré. Saint-Herblain l’a fait il y a quelques jours. Mais aucune convention avec la ville de Nantes n’est pour l’instant signée.

Pour parler de cette thématique, Virginie Charbonneau reçoit :

Renaud Gaudeul  - Procureur de la République de Nantes

Éric Bouillard - Procureur de la République d'Angers

Maître Bruno Carriou - Avocat et membre de la Conférence nationale des Bâtonniers

► Dimanche en Politique, "Quelles peines pour quelle justice ? ", ce dimanche 29 octobre à 11 h 25 sur France 3 Pays de la Loire.

► À voir dès maintenant sur france.tv dans notre collection Dimanche en Politique 

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