Coronavirus : charges, procédures, l'inquiétude des médecins généralistes en Pays de la Loire

Comment payer des charges alors que le cabinet médical s'est vidé d'une bonne partie de ses patients ? Quelles procédures de consultation mettre en place pour les mois à venir ? Des médecins s'interrogent sur leur avenir professionnel. Témoignages en Mayenne, Sarthe et Vendée.

 

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Luc Duquesnel est médecin dans la ville de Mayenne, dans le département du même nom. Il est aussi la président national du syndicat Les Généralistes-CSMF. Pour lui, la priorité des généralistes aujourd'hui n'est pas économique mais reste leur mobilisation en première ligne contre le covid-19.

Car ce sont les généralistes qui reçoivent en premier les appels des patients.

Mais comment ces praticiens envisagent-ils les semaines, les mois à venir ?

Luc Duquesnel reconnaît que dans certaines conversations, ici et là, des praticiens en âge de prendre leur retraite disent envisager de partir, les difficultés s'accumulant.

"En Mayenne, explique-t-il, tous les patients (suspectés d'avoir le coronavirus) vont vers les centres covid mais quelle sera leur pérénité ? On ne peut pas travailler avec les mêmes process de désinfection dans nos cabinets médicaux et pourtant il faut protéger les médecins et leurs salariés. Alors oui, on peut être tenté de prendre sa retraite." 

Car on sait très bien, que dans 6 mois, un an ou 18 mois, il y aura encore des patients covid.
 

40% de baisse d'activité

Quant à la baisse d'activité actuelle et son impact sur les "entreprises médicales" que sont les cabinets, elle met en difficulté les praticiens. Cette baisse est estimée à 40 % au niveau national selon le président du syndicat Les Généralistes-CSMF.

"Dans tous les cabinets de médecins libéraux, les charges restent les mêmes" fait remarquer Luc Duquesnel qui attend du Ministre de la Santé une déclaration à ce sujet. Peut-être une aide.
 

La reprise d'activité se fait sentir

De son côté, le Dr Philippe Collen, généraliste à Saint-Philbert-de-Bouaine dans le nord de la Vendée, constate une reprise progressive de l'activité depuis au moins une semaine.

"Je vois un retour des patients, constate-t-il, quelques messages sont passés, ils ont moins peur de croiser des patients contaminés et, comme on reçoit moins de monde, les distances peuvent être respectées."

Dans le cabinet médical qu'il partage avec un autre médecin, deux tiers des chaises ont été enlevées pour éloigner les patients les uns des autres dans la salle d'attente. Dans d'autres cabinets, les médecins demandent à leurs patients d'attendre dans leur voiture et les appellent sur leur portable quand vient leur tour.

Economiquement, si la reprise se confirme, il pense que ça devrait être soutenable mais il faudra sans doute se faire à l'idée d'une activité réduite encore un certain temps.Une activité réduite mais des frais en plus.

"Si on ne voit que 11 patients au lieu de 15 sur la demi-journée explique Philippe Collen, et si on doit recruter du personnel pour assurer l'accueil, le filtrage sanitaire, la désinfection..." donc, forcément, moins de recettes et plus de frais. Toute entreprise, même médicale, peut s'inquiéter des conséquences.
 

Les médecins âgés tentés de prendre leur retraite

Pour lui si certains médecins en fin de carrière sont tentés de prendre leur retraite, ce n'est pas tant pour éviter de faire face à cette évolution que pour le risque sanitaire lui-même. 

"Les médecins les plus âgés sont les plus exposés à des formes graves d'infection, rappelle Philippe Collen. Certains, en raison de leur vulnérabilité pourraient envisager de faire un choix de départ anticipé."

Ce qui ne peut qu'amplifier les phénomènes de déserts médicaux, comme en sud-Vendée.

Ce que craint Teddy Bourdet, délégué régional du syndicat MG France. Déjà, selon lui, des généralistes pour se protéger ont fait savoir qu'ils ne reprendraient pas tout de suite les consultations physiques mais plutôt des téléconsultations ou se positionneraient en régulateur pour renvoyer les demandes vers d'autres confrères.
 

Concernant les problèmes financiers que pourront connaître des praticiens, "S'il y a eu des mesures pour décaler les cotisations sociales, URSSAF ou retraites, explique Teddy Bourdet, ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de difficultés, ce n'est qu'un report, il faudra bien les payer."
 

Les paramédicaux plus en difficulté

Emmanuel Charrié, à Sillé-le-Guillaume, dans la Sarthe, est plus inquiet pour les paramédicaux. Ce médecin installé dans une maison médicale partage les lieux avec d'autres professions, kiné, psy, ostéo, diététicienne...

Si ses confrères médecins et lui ont vu leur activité se réduire depuis le début du confinement, pour les professions paramédicales, c'est plus proche de zéro. 

"Pour nous médecins, réduire de 25 %, ce n'est pas une situation de péril financier, avoue-t-il, on prendra peut-être moins de remplaçants cet été."

Emmanuel craint également que la situation n'aboutisse à la fermeture de cabinets médicaux tenus par des praticiens plus âgés. "En Sarthe, explique-t-il, la moyenne d'âge des médecins est de 60 ans. Il y a deux ans, ces médecins pouvaient dire : je continue. Pour assurer l'offre de soin. Mais aujourd'hui, s'ils voient moins de monde pendant plusieurs mois, qu'ils ont du mal à payer le loyer et la secrétaire, ils vont se poser la question."

La consommation médicale pourraient aussi évoluer selon ce généraliste. Les téléconsultations, ou plutôt, les "visioconsultations" qui s'étaient mises en place depuis deux ans déjà, pourraient bien se développer suite à l'épisode coronavirus. Des traitements pourraient être renouvelés pour des périodes plus longues, afin d'éviter une consultation si elle n'est pas nécessaire.
 
Mais ce qu'il craint aussi, et qui est partagé par ses confrères depuis les débuts du confinement, c'est la non consultation pour des pathologies qui risquent de s'aggraver. 

Ce matin même, le généraliste se déplaçait au domicile d'un patient qui se plaignait de douleurs thoraciques. Un  patient qui d'ordinaire se serait présenté à son cabinet ou qui aurait appelé le 15. Mais il n'a pas osé...
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