Alors qu'un exploitant agricole se donne la mort tous les deux jours en France, les solutions pour prévenir ce fléau sont rares et bien difficiles à mettre en place, face à des agriculteurs bien souvent taiseux. Des chefs d'exploitations agricoles qui préfèrent ne pas tirer la sonnette d'alarme, quitte à rester seul face à leur détresse financière et morale.
Suite à notre article publié mardi dernier, le 28 juin 2022 sur notre site web, vous avez été nombreux à réagir sur les réseaux sociaux. Et parmi nos lecteurs, l'un d'entre eux, proche du milieu bancaire et dont le père était agriculteur, nous a contactés afin de nous soumettre sa "solution" pour tenter d'aider tous ces agriculteurs, esseulés face à leur surendettement.
Entretien avec Pierre Turenne (le nom a été changé)
" En France, dans toutes les banques , il existe des employés qui suivent les personnes endettées. Quand il y a un défaut de paiement (impayé ou retard), un voyant rouge s'allume, déclenchant une "alerte bancaire ", directement reliée à la Banque de France. Alerte qui déclenche l'intervention d'un « médiateur bancaire » auprès des personnes concernées, et un dossier de surendettement leur est alors proposé, avec un effacement partiel des dettes et la mise en place de mesures d'échelonnement. Dossier qui est généralement accepté par les "surendettés".
Et si la Banque de France suit les personnes endettées, pourquoi ne suivrait-elle pas les agriculteurs avant qu'il ne soit trop tard ?Un suivi, une aide, qui interviendrait dès les premiers signaux, bien avant le redressement ou la liquidation judiciaire ?
Car si le paysan est taiseux, c'est peut-être parce qu'il est seul face à ses problèmes ? Peut-être que l'on ne lui propose pas de vraies solutions (et ce n'est pas les 42 millions, soit 420 000 € par département, qui y feront grand-chose...).
À l'image de ce qu'était un médiateur de la République (autorité qui a existé de 1973 à 2011), ce délégué, qui pourrait être lui aussi paysan (actif ou retraité), bénéficierait alors d'un vrai statut, puisque mandaté par la Banque de France. De plus, leur fonction leur octroie une visibilité sur les comptes bancaires des personnes surendettées. Ils ont accès à l'ensemble de leur historique financier : ils peuvent regarder 6 mois en arrière et donc voir si leurs dettes sont d'origines structurelles ou conjoncturelles.
Je m'explique : si c'est structurel, par exemple le prix du lait qui est à la baisse, le revenu de l'agriculteur le sera tout autant et petit à petit, ses finances vont s'éroder. Si c'est structurel, il faut pouvoir lancer une alerte. Et ça ils peuvent le faire.
Si c'est conjoncturel, par exemple l'achat d'un tracteur : il n'y a pas de zone d'alerte mais ils sont dans le rouge momentanément.
Passer par la Banque de France permet de réunir l'ensemble des banques.
Et après, le médiateur, c'est une structure qui existe : le médiateur de la République. Donc là, il faut seulement la tourner un peu plus du côté « Finances » et vers le côté psychologique. Et à partir de ce moment-là, à la Banque de France, ils ont l'habitude de voir des gens en surendettement... ils connaissent le problème par cœur, c'est leurs métiers, ils savent traiter ces dossiers-là et le font plutôt bien.
Aujourd'hui la compétence, elle existe. Il suffit de la mettre au service de cette cause".
C'est quoi, un médiateur de la République ?
Le médiateur de la République est nommé par le Tribunal, ce qui lui donne une légitimité, une autorité légale et donc officielle. Il peut donc œuvrer, faire des démarches au nom de la Justice. Et quand le médiateur se déplace, il vient donc faire une médiation, entre la banque et le paysan ; différentes instances et le paysan.
Et puis deuxièmement, il faut peut-être expliquer au paysan qu'il gère mal son affaire, qu'il devrait peut-être vendre des bêtes pour se restructurer, pour repartir du bon pied. Il y a peut-être une solution avant de commettre l'irréparable, au nom de... la Terre ! (film tourné en 2019 avec Guillaume Canet et qui retrace la descente aux enfers d'un agriculteur qui s'endette de plus en plus et qui finit par se suicider).