L'Assemblée nationale doit approuver aujourd'hui l'accord franco-russe consécutif au renoncement à livrer deux navires de guerre Mistral à Moscou, l'occasion pour une partie de la droite de renouveler ses critiques à François Hollande sur une perte de crédibilité et sur le coût de ce choix
Une heure et demie de débats est prévue dans l'hémicycle sur ce projet de loi, qui sera soumis aux sénateurs le 30 septembre, dernier jour de la session extraordinaire.
Un projet de loi était "nécessaire parce qu'il y avait un traité international avec des conséquences budgétaires", a expliqué fin août le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll, réaffirmant que "le coût pour la France est inférieur à un milliard d'euros".
En vertu d'un accord conclu le 5 août entre Paris et Moscou après huit mois d'intenses négociations, le gouvernement français a annoncé le versement aux autorités russes d'une somme légèrement inférieure à un milliard d'euros, correspondant aux avances versées par la Russie pour l'acquisition des deux navires, dont le prix d'achat s'élevait à 1,2 milliard. Quelque 949,7 millions ont déjà été versés par la Banque de France à la Banque centrale russe.
Le total des indemnisations à verser au constructeur des navires, le groupe DCNS devrait grimper à 1,1 milliard (frais de gardiennage et de maintien en état opérationnel) moins le montant de l'éventuelle revente, a récemment indiqué le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale, Louis Gautier, lors d'auditions parlementaires à huis clos. Négociateur français avec Moscou dans ce dossier, il a réfuté la facture totale de 2 milliards d'euros avancée par Le Canard enchaîné.
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Une erreur politique ?
Le Front de Gauche, qui était favorable à la vente des Mistral à Moscou, votera contre l'accord intervenu après l'annulation, le trouvant "très négatif pour la France en termes d'image et de responsabilité commerciale", selon André Chassaigne.À droite, le groupe Les Républicains votera aussi contre, car "c'était une erreur politique de ne pas livrer les Mistral" et "il y a une incertitude sur le coût", a annoncé mardi Christian Jacob, n'excluant pas de demander une commission d'enquête sur le sujet vu "l'opacité des informations".
Nombre d'élus LR, dont des défenseurs du régime russe comme le député Thierry Mariani, ont reproché cet été au président de la République d'avoir "cédé" à la pression des États-Unis et d'avoir provoqué un "gâchis" pour "la parole, la signature et les finances de la France", selon la formule de Xavier Bertrand.
Le FN, dont la présidente Marine Le Pen défend régulièrement Moscou, a dénoncé "une faute lourde de François Hollande" et un "contribuable encore saigné", accusant le chef de l'Etat de ne pas appliquer les mêmes "principes moraux" pour "des contrats d'armement avec des pays tels que l'Arabie saoudite ou le Qatar".
À rebours, l'ancien ministre de la Défense Hervé Morin (UDI) a considéré que "François Hollande a eu raison" de ne pas livrer les Mistral à un pays "qui ne respecte pas le droit international", jugeant aussi "pas très compliqué de pouvoir revendre ces deux bateaux".
Les choses se présentent dans de bonnes conditions
L'accord soumis aux députés stipule que Paris récupérera la "pleine propriété" des navires après avoir "intégralement" remboursé Moscou "des sommes avancées au titre du contrat" et d'elles seules.L'Inde, Singapour mais surtout l'Egypte ont exprimé un intérêt "sérieux" pour acheter les deux Mistral, selon un haut responsable français.
Interrogé mardi par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a assuré que cet accord avec Moscou "ouvre la voie à une revente probable des deux navires, dont je souhaite qu'elle soit rapide". Il a refusé de s'exprimer sur l'état d'avancement des négociations avec d'éventuels acheteurs, tout en assurant que "les choses se présentent dans de bonnes conditions".
Le projet de loi stipule que la partie française "disposera des deux bâtiments librement, y compris en vue de leur exportation à un État tiers, sous réserve d'en informer préalablement par écrit la partie russe".
Autrement dit, "la France s'engage à ne pas revendre les Mistral à un pays qui contreviendrait aux intérêts de la Russie", comme la Pologne ou les pays baltes, a expliqué une source diplomatique sous couvert d'anonymat.