Record absolu de températures avec 42 degrés à Nantes, une centaine d'hectares de forêt dévastées par des incendies en Sarthe et en Loire-Atlantique. Deux dérèglements climatiques plus fréquents annoncés par le GIEC des Pays de la Loire qui a présenté son premier rapport au mois de juin 2022. Entretien avec sa présidente.
Virginie Raisson-Victor vous êtes la Présidente du Groupe Interdisciplinaire d'Experts sur le Changement Climatiqudes Pays de la Loire.
A peine un mois s'est écoulé depuis la parution officielle de votre rapport et déjà des évènements climatiques nationaux et régionaux mettent en lumière les conclusions alarmantes qu'il contient.
Etes-vous surpris de la précocité et l'intensité de ces phénomènes?
"J'aimerai être surprise, en réalité je ne le suis pas" déclare d'emblée la présidente du GIEC Pays de la Loire.
"Des alertes sur l'accélération du changement climatique on les avait bien avant la dernière vague de chaleur et le déclenchement des incendies" continue-t-elle.
"L'an dernier ça avait moins touché la France mais plutôt l'Italie, la Grèce, la Turquie ou encore le Canada avec un dôme de chaleur" note Virginie Raisson-Victor.
En ce qui concerne les Pays de la Loire on est toujours surpris car on avait la réputation d'être une région avec un climat doux, très tempéré. Et on voit que même des régions de ce type sont affectés par ce phénomène
Virginie Raisson-Victorprésidente du GIEC Pays de la Loire
Une région de moins en moins tempérée
Le rapport du GIEC des Pays de la Loire pointe en effet un climat régional de moins en moins tempéré.
Tous les relevés font apparaître une élévation moyenne des températures d’environ 1,5 °C en soixante ans
Contenue entre 1°C et 1,15°C dans un scénario optimiste la hausse atteindra 2 °C à 2,5 °C en 2055 dans le pire des scénarios.
Avec une telle augmentation, Nantes et Angers pourraient afficher en 2100 des températures annuelles moyennes équivalentes à celles de Biarritz actuellement.
Davantage de jours chauds et très chauds
À l’élévation des températures moyennes viendra aussi s’ajouter la progression du nombre annuel de jours chauds, autrement dit ceux dont la température dépasse 25 °C
Au total, la région pourrait alors compter 95 jours chauds par an à l’horizon 2100
Historiquement rares dans les Pays de la Loire, les jours de forte chaleur (supérieur à 35°C) pourraient eux aussi y augmenter.
De 3 jours par an au milieu du siècle en moyenne, leur nombre pourrait atteindre, dans le pire des scénarios, une dizaine de jours avant 2100.
Des vagues de chaleur plus longues et plus sévères
Avec la hausse des jours chauds, la région devrait aussi subir de plus en plus souvent des vagues de chaleur qui correspondent à des périodes de 5 jours ou plus pendant lesquels la température maximale est supérieure de plus de 5°C à la normale.
On constate que les Pays de la Loire ont enregistré autant de vagues de chaleur entre 2000 et 2020 que lors des cinq décennies précédentes.
Plus fréquentes, ces périodes seront aussi plus précoces dans l’année, plus longues et plus sévères.
"Dans la mesure où on ne corrige pas l'augmentation de l'émission de gaz à effet de serre forcément les phénomènes s'accélèrent" explique Virginie Raisson-Victor; "pour l'instant on est donc sur un des scénarios retenus et c'est le scénario le plus pessimiste qu'on retient " (NDLR : une hausse des températures de 4°C dans la région d'ici 2100).
Comment l’augmentation des gaz à effets de serre est-elle responsable de ces bouleversements?
"Il faut faire la distinction entre climat et météorologie" note la présidente du GIEC des Pays de la Loire.
"La météorologie c'est un concours de circonstance qui fait qu'il y a plusieurs facteurs de réunis pour avoir des pics de chaleur. Le réchauffement climatique intervient sur la modification globale des courants, de la circulation atmosphérique" ajoute-t-elle
"Plus la température est élevée plus vous avez des évaporations qui remontent dans l'atmosphère donc le réchauffement climatique amplifie la conjonction de ces phénomènes" conclut Virginie Raisson-Victor.
Une exposition plus marquée aux incendies
«En réduisant la quantité d’eau contenue dans les sols et en favorisant la transpiration des plantes, le changement climatique facilite les départs de feu» est-il notamment écrit dans le rapport du GIEC des Pays de la Loire.
À l’échelle de la région, on observe déjà une progression du nombre d’incendies et des superficies touchées .
Sans présumer des recommandations sur lesquelles se penche actuellement le GIEC des Pays de la Loire que pouvons nous faire concrètement?
"Ce qu'il y a de très frustrant c'est que le changement climatique qui a lieu dans les Pays de la Loire est lié au changement climatique global et à cette échelle les mesures prises sont très très insuffisantes" répond Virginie Raisson-Victor
"Pour l'instant ces mesures nous conduisent à privilégier un scénario pessimiste, de hausse des températures "note -elle.
"Mais le dernier rapport du GIEC international nous montre qu'en agissant massivement et rapidement on peut encore mais tout juste revenir au scénario optimiste. Il nous reste 3 à 4 ans" se veut optimiste la présidente du GIEC des Pays de la Loire.
Il faut absolument que chacun se sente co-responsable de l'augmentation des gaz à effet de serre et la nécessité de la stopper. Il faut s'adapter à ce changement qui est nécessaire car chaque dixième de degré compte. Ca passe par accepter que notre mode de vie va changer. Changer nos modes de consommation, nos régimes alimentaires, opter pour des mobilités douces et des transports collectifs, être dans l'économie du partage et de l'échange.
Virginie Raisson-Victorprésidente du GIEC des Pays de la Loire
Le prochain rapport du GIEC des Pays de la Loire sera un ensemble de propositions écrites et de pistes d'action qui sortira au début de l'automne prochain.
Un document plus qu'un rapport à destination de l'ensemble des acteurs du territoire.
Les collectivités, les élus mais aussi les entreprises et le milieu académique.