Avec son premier roman fonctionnel, Mary-Laure Teyssedre, originaire de la Sarthe, interroge la notion de compassion et de pardon dans les histoires de violences sexuelles, pour une meilleure guérison. Elle sera en dédicace, ce samedi 10 octobre à la librairie Doucet au Mans.
Peut-on aimer un violeur ? La question est difficile. Dérangeante.
Depuis 2018, l’ampleur du mouvement #Metoo met en lumière le caractère universel des violences sexuelles. La libération, essentielle, de la parole a permi aux victimes de viols et d'agressions sexuelles de regagner, quelques instants, en force.
Les profils étaient et sont encore variés. Aussi bien du côté des agressé.es, que de celui des agresseur.ses. Et justement, combien se sont rendu compte de la part sombre de leur père, sœur, ami, ou rappeur préféré ?
Que se passe-t-il alors quand c’est d'un proche qu’il s’agit ? Lorsqu’un parent, un ami ou un amant a commis l’acte de violer ? C’est une question à laquelle Mary-Laure Teyssedre, autrice et énergéticienne (thérapie basée sur les énergies humaines), du Mans, a dû se confronter en 2015.
Aujourd'hui, son premier roman de fiction, Sur le chemin du cœur (édition Jouvence), s'inspire de son vécu en Sarthe, pour raconter l'histoire de Claire, mère célibataire, thérapeute-énergéticienne.
Une grand-mère violée et mariée à l'adolescence
Rapidement, le roman expose un dîner dominical. La grand-mère de Claire lui parle de la naissance de sa première fille, la tante de Claire. Celle-ci serait née d’un viol, commis par le voisin d'en face. Sa grand-mère avait alors 16 ans, travaillait comme bonne et, surtout, n’était pas mariée. La naissance d'un enfant suscite son renvoi et l'adolescente doit épouser son violeur : le grand-père de Claire.Ce dîner, l'écrivaine l'a elle-même vécu. "Je lui ai demandé pourquoi elle avait fait ça. Elle m’a dit qu’à l’époque (années 1940), en Sarthe, c’est ce qui se faisait". Tout simplement. Mary Laure Teyssedre doit alors accueillir et digérer cette information sur un homme qu'elle a connu pendant des années. Sur son grand-père, aujourd'hui disparu, qu'elle a aimé.
L'éducation sexuelle et la législation sur le viol étant récentes, son témoignage résonne avec ceux de ses lecteurs et lectrices. "Si vous saviez le nombre de personnes qui m’ont dit que leur mère et grand-mère avaient vécu la même chose". Dans le roman, le ressenti de Claire va évoluer.J’avais beaucoup d’admiration pour lui. Mais pardonner ce qu’il a fait ? Aimer un violeur ? C’est impossible
La rencontre avec un violeur
L'histoire de sa grand-mère n'est pas vraiment l'objet même du roman, mais plutôt un accessoire. En réalité, la rencontre avec un homme va de nouveau marquer la Mancelle. C'est plutôt cette rencontre et ses suites qui l’ont poussée à écrire ce roman qu'elle décrit comme "thérapeutique".Dans "Sur le Chemin du Cœur", l'homme en question s'appelle Fred. C'est un beau brun de 42 ans, aux cheveux denses et bouclés et avec de grands yeux noirs. "Pas méchant", avec "un sourire jusqu'aux oreilles". Oui, mais voilà, il a fait de la prison pour viol. De nouveau, Claire se pose la question : "Peut-on aimer un violeur ?".
A partir de cette rencontre, le livre se divise en deux parties qui correspondent chacune à une sorte de voyage thérapeutique. D’un côté, l’autrice décrit l'ascension de l’Everest par Fred, et, de l'autre, le week-end de thérapie énergétique de Claire. L'un est rongé par la culpabilité, l'autre par la confusion.Il m’attire malgré son aveu, et cette constatation m’insupporte
Un livre qui bouscule
Alors que le mouvement #Metoo est loin de s'essouffler, Mary-Laure Teyssedre choisit d'aborder la question des violences sexuelles de manière radicalement différente. Presque polémique, puisqu'elle prend le parti de raconter l'histoire de Fred et de décrire son passé, particulièrement terrible, qui pourrait expliquer son acte, avant de parler du chemin de la rédemption.A l'issu de la lecture, difficile de se positionner réellement. La violence pendant l'enfance, les années de prison, la culpabilité ... suffisent-elles pour pardonner l'auteur de ce crime ? "On me dit qu'après la lecture, on flotte pendant trois jours. On ne sait plus quoi penser. Il dérange et il bouscule, car on se demande comment considérer un homme pour ce qu'il est maintenant".
A aucun moment, le discours de la victime de Fred n'apparaît. On pourrait regretter cette radicalité dans l'ouvrage. Mais quelques protagonistes, violés ou agressés, à qui l'on raconte l'histoire, prennent alors le rôle de contrebalance. Les discussions qu'ils auront sont remplies des lieux communs habituels sur ces questions là :"Sous l'emprise de l'alcool, à qui la faute ?" ; "Peut-on agresser sans s'en rendre compte ?" ; "J'ai accepté mais sans enthousiasme, dois-je dénoncer ?" ; "Mon agresseur est-il lui-même victime ?"C'est un livre contre le jugement. Evidemment on ne peut pas faire de généralités, mais lorsqu'on découvre l'histoire de Fred, on est obligé de se poser des questions.
Le rôle de la thérapie
Si Claire n'a elle-même jamais été victime de viol, elle explique avoir connu des abus de différents types, que l'on suppose être ceux qu'a vécu sa créatrice. Le chemin qu'elle a parcouru avec "Fred" semble lui permettre de se libérer du poids de ses abus.Habituée des ouvrages sur le développement personnel, à travers le personnage de Claire, Mary-Laure Teyssedre qui est avant tout thérapeute énergéticienne, veut alors raconter une histoire de guérison : "Ce n'est pas un livre spécialement facile, mais à la fin, les retours qu'on me donne, c'est que l'on se sent nettoyée". Elle indique vouloir aider les victimes à se reconstruire "en leur permettant de retrouver la compassion et le début du pardon".
Mary-Laure Teyssedre est en dédicace à la librairie Doucet au Mans ce samedi 10 octobre :
Adresse :
66 av Gén de Gaulle,
72000 le Mans