Crissé et Rouessé-Vassé, deux villages sarthois, n'auront plus aucune halte dans leur gare dès la fin du mois d'août, ceci afin de renforcer la ligne Laval-Le Mans. Le Conseil régional des Pays de la Loire a pris cette décision en raison d'une fréquentation jugée trop faible. Ce choix paradoxal crispe les habitants et se heurte à la résistance des élus locaux.
Le train de la modernisation de la ligne Laval-Le Mans laisse certaines communes à quai. La Région Pays de la Loire a décidé de supprimer tous les arrêts aux gares de Rouessé-Vassé et Crissé, dans le nord de la Sarthe, dès le 28 août.
L'objectif est de renforcer la ligne en doublant la fréquence avec un train toutes les heures dans les deux sens à horizon 2030, au détriment de l'attractivité des villages, selon les Rouesséens et Crisséens. "On va être pénalisés. Et la manière dont ça a été fait laisse dubitatif, on nous prévient au mois de juin pour le mois d'août", s'insurge Guillaume, habitant de Rouessé-Vassé.
Ça ne va pas dans le sens de ce qu'on nous annonce. On nous demande de prendre le train et on ferme nos gares.
GuillaumeHabitant de Rouessé-Vassé
À Crissé, Pascal prédit "la mort des petits bleds. Ceux qui n'ont pas de véhicule ne pourront plus se déplacer". Il estime que "s'il y avait plus de trains, il y aurait peut-être plus de gens qui viendraient habiter en campagne".
Le train lui a facilité le quotidien lorsque son fils était en apprentissage au Mans pendant deux ans : "Il prenait le train ici toutes les semaines. Nous, on travaillait, on ne pouvait pas l'emmener, donc il prenait le train tout seul comme on habite pas loin."
Irréductibles Sarthois
Du côté des élus, la pilule passe tout aussi mal. "On a déjà perdu par le passé des agences bancaires, les centres des impôts, les postes...Il y a beaucoup de choses qui sont déjà parties", déplore Hugues Bombled, maire de Rouessé-Vassé.
"Perdre des haltes ferroviaires sur une commune comme la nôtre, c'est un coup de poignard dans le dos que nous adresse la région sur tout le travail qui est fait pour garder l'attractivité dans les petites communes", assène l'édile. Sans halte, le village subira une perte de valeur foncière et rencontrera des difficultés "pour le développement communal en termes de terrain à bâtir et de nouveaux habitants", selon le maire.
On se bat pour maintenir la vie sur notre territoire.
Hugues BombledMaire de Rouessé-Vassé
Face à cette suppression, Hugues Bombled affirme que la résistance est de mise : "On ne désarme pas, on a des actions qui sont prévues. On se bat pour ne pas disparaître parce que c'est un service important pour la commune."
L'édile est d'autant plus contrarié que deux villages vont bénéficier de six haltes supplémentaires : Domfront-en-Champagne et Voutré. Leurs gares passent de 10 à 12 arrêts dès la fin du mois d'août et devraient bénéficier de 30 arrêts chacune d'ici 2030.
La solution d'alternance des haltes rejetée par la Région
L'alternance des arrêts entre les différentes gares proposée par Rouessé-Vassé et Crissé n'a pas été retenue par le Conseil régional, qui invoque une trop faible fréquentation de ces gares.
"Pour Rouessé-Vassé et Voutré, l'hypothèse d'alternat empêcherait de fait tout développement d'offre significatif sur ces deux haltes avant l'horizon 2030-2032. La situation actuelle est marquée par une très faible fréquentation des TER dans ces haltes. Le choix d'un scénario d'alternat avec Voutré maintiendrait durablement cette situation", écrit dans un communiqué Roch Brancour, vice-président de la Région en charge des infrastructures, transports et mobilité durable.
Cette réponse peine à convaincre Hugues Bombled à Rouessé-Vassé, qui dénonce un favoritisme infondé. Il estime que la ligne peut être renforcée en répartissant l'augmentation du nombre de haltes de façon plus équilibrée entre les quatre gares.
"On pourrait arriver à 15 arrêts par jour au lieu de 7, plaide-t-il. Beaucoup plus de personnes seraient susceptibles de prendre le train à Rouessé-Vassé avec des horaires qui leur correspondent, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle."
Transport à la demande pour faire la navette
Le Conseil régional propose de pallier le retrait des arrêts en mettant en place des transports à la demande (TAD) gratuits. Ils feront la liaison en taxi ou en minibus avec des gares situées à 10 minutes de route, comme celle de Sillé-le-Guillaume ou de Conlie.
Là aussi, l'adhésion n'est pas au rendez-vous pour le maire de Rouessé : "Cette gratuité ne concerne que les gens qui ont des abonnements, pas ceux qui prennent le TER de façon épisodique." Autre inconvénient : le service n'est pas tout à fait le même et complique le transport de vélos, de trottinettes ou de poussettes.
Si la Région ne recule pas, Rouessé-Vassé et Crissé n'auront pas d'autre choix que de s'essayer au TAD, malgré un premier échec du dispositif de taxis TER. Parallèlement, le second arrêt ferroviaire du Mans à proximité de l'hôpital et de l'université est toujours en construction. Il accueillera neuf arrêts quotidiens au moment où les haltes cesseront dans les deux communes du nord-Sarthe.
► Voir le reportage réalisé par Nathan Vildy, Victoire Panouillet et Dominique Lebrun