Paris 2024. "Plus de bénévoles serait plus viable et plus soutenable", l'effet JO est là, mais les clubs sportifs manquent de bras

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C'est aussi la rentrée pour les clubs sportifs de la région. Avec les Jeux Olympiques de Paris, certaines disciplines comme le tennis de table ou l'escrime doivent faire face à une augmentation des inscriptions. L'effet JO est bien là alors que le nombre de bénévoles est en baisse constante depuis la crise sanitaire.

Dans le gymnase, la même effervescence que dans les cours d'école. Ce mercredi, c'est jour de reprise. Gantés, vêtus de blancs, masqués, ils s'essayent à leurs premiers passes d'arme. Ils croisent le fer pour la première fois. 

"C'était super, c'est très chaud, très sportif ! J'adore", ce jeune débutant à coup sûr reviendra. 

Une autre a passé son été à rêver devant les JO, mais elle hésite encore, "ça m'a donné envie d'essayer, j'aime bien !

Alors, les Jeux Olympiques ont-ils un impact sur la fréquentation des clubs ? Oui, l'effet whaouu est bien là.

"Les médailles conditionnent pas mal au niveau de la fréquentation, mais aussi le fait de voir l'événement à la télé, ça compte énormément", confirme Eric Davy, maître d'armes au Cercle d'Escrime du Mans.

"Nous sommes pris de court"

Et ce petit jeu là, la discipline qui attire son petit monde, c'est le tennis de table, porté par frères Lebrun qui ont récolté deux médailles de bronze, attendues depuis 1992. Le club du Mans enregistre un nombre record d'inscriptions, 300 depuis la rentrée. 30 % de plus que l'an passé. C'est du jamais vu.

"Il faut venir, c'est le meilleur sport du monde. C'est passionnant", lance un jeune espoir du club. 

"Le créneau pour les collégiens le mercredi est déjà complet et pour les plus petits, on fait le plein à 70 %. On est en pleine réflexion pour trouver des heures supplémentaires, nous sommes un peu pris de cours", avoue Alex Lelaure, entraîneur Le Mans Sarthe TT.

En périphérie, les plus jeunes se jettent avec envie sur le tatami. "Moi, j'aime bien tomber au sol", explique un des enfants en levant les jambes au ciel. Pas franchement le ippon du siècle, mais le sourire en dit long.

"Les olympiades ne changent rien chez nous, l'impact n'est pas significatif au niveau des effectifs. Le fait que les JO soient à domicile nous fait tout de même espérer un sursaut au niveau des licenciés", explique Matthieu Duchemin, président du Judo Club de Neuville-sur-Sarthe.

Accueillir plus de monde, oui, mais avec quels moyens ? Si l'argent a coulé à flot pour l'organisation et la préparation des jeux, dans les clubs amateurs les vaches sont bien maigres et le manque de bénévoles criant.

"Ce club, c'est ma famille"

Appoline Hupin est responsable de la section gymnastique féminine du club La Stéphanoise de Montoir--de-Bretagne en Loire-Atlantique. Elle a grandi ici,"c'est sa famille". Comme tous les bénévoles, elle a une vie privée et professionnelle, mais elle ne compte jamais ses heures.

"On serait un peu soulagés en ayant un peu plus de monde pour nous entourer et nous aider", avoue-t-elle.

Car elle n'est pas simplement responsable de section, elle coache aussi les jeunes et les aînés et "il y a tout l'administratif en plus à faire à côté". 

Des bénévoles, il en manque à tous les étages et quelques bonnes volontés seraient les bienvenues. 

"Il y a des besoins, surtout sur l'organisation des compétitions, des différentes manifestations auxquelles nous participons, sur les entraînements aussi et les différents ateliers. C'est toujours plus sain et plus serein pour les petites d'avoir un encadrant présent et disponible", explique la responsable de section de gymnastique féminine. 

Est-ce que cela a a des incidences sur le club ? "Nous sommes tous un peu multitâches, on est obligés d'être partout et de tout gérer", résume Appoline Hupin.

Comme pour toutes les associations, ça tient grâce aux bénévoles principalement. S'il n'y a plus de bénévoles, il n'y a plus d'associations et ça ne fonctionne plus

Appoline Hupin

responsable de la section gymnastique féminine du club La Stéphanoise Montoir

Pour certains, c'est son cas, "l'engagement est total", du 200 %.

 "Il y a des enfants qu'on n'a pas pris cette année, parce qu'on n'a pas assez de monde pour encadrer, mais aussi parce qu'on partage la salle avec la section masculine, et il n'y a pas suffisamment de places. Il faut qu'on se partage les agrès, et on ne peut pas avoir 10 enfants sur le même outil pendant une demi-heure, ce n'est pas faisable, ils ne feraient rien en fait." 

123 inscrits pour cette rentrée 2024 contre 80-90 il y a quatre ans. Résultat ? "Des dossiers en liste d'attente", déplore la responsable.

"Parfois c'est pesant"

Et puis, il y a les lourdeurs administratives, la gestion. "C'est vrai que ça peut faire peur au début, moi ce n'est pas mon travail de gérer des salariés. Après, on apprend, et comme on est une section qui appartient à une association, on est quand même bien encadrés, nous sommes accompagnés", tempère Appoline Hupin.

C'est prenant de faire tout l'administratif, c'est parfois un peu pesant, mais on est trois à gérer, et quand l'une de nous en a marre, on arrive à la soulager

Appoline Hupin

Bénévole, responsable de la section gymnastique féminine du club La Stéphanoise Montoir

Sur les murs de la pièce, les photos des équipes, sur son bureau ; d'épais classeurs rangés sous les étiquettes "mécénat", "partenaires", "sponsoring". Emmanuel Hubert est vice-président bénévole et sponsor du Saint-Nazaire hand-ball. La casquette est lourde, mais il peut compter sur un effectif fidèle et engagé.

Nous avons la chance d'avoir déjà beaucoup de bénévoles et beaucoup de parents, sans compter les gens qui veulent donner un coup de main comme ça en plus

Emmanuel Hubert

Vice-président bénévole et sponsor du Saint-Nazaire Handball

"Il y a 90 bénévoles qui s'engagent, qui prennent une licence et qui accompagnent tout au long de l'année. Mais nous sommes limités et on aimerait avoir plus de monde", admet le vice-président. 

"Déjà pour limiter la charge de ceux qui sont bénévoles, beaucoup assument des charges tout au long de la semaine et du week-end. Et donc si on pouvait répartir cette charge avec un peu plus de bénévoles, ce serait plus viable et plus soutenable", ajoute-t-il. 

"Tenir dans la durée"

Le plus important pour un club, c'est d'assumer et de tenir dans la durée. "Les bénévoles se fatiguent à la longue. Et puis on en a besoin aussi de profils bien particuliers. Par exemple, d'une compétence en informatique, en design et en repro pour pouvoir faire les affiches du week-end". 

Il faut aussi dénicher des spécialistes des questions juridiques "par rapport à la gestion du personnel ".

Il y a des enfants dans le gymnase, dans les voitures. Il y a des salariés. Et donc juridiquement parlant, on a beaucoup de responsabilités, ça aussi, c'est un frein au recrutement de bénévoles

Emmanuel Hubert

Vice-président bénévole et sponsor de Saint-Nazaire Handball

Des pros de la comptabilité aussi, comme pour une entreprise. "Parfois, on en plaisante entre nous en disant qu'on est une petite PME."

"Encore une fois, on a la chance d'avoir 90 parents qui s'investissent tout au long de l'année, et qui encadrent des équipes, qui accompagnent dans les entraînements de la semaine", insiste Emmanuel Hubert.

" 5 à 6 heures par semaine"

Vincent Failher est parent bénévole licencié. Il accompagne l'équipe des U14. 

"Il y a un coach salarié qui est professionnel. Et puis nous, on vient aider, essayer de transmettre toutes les consignes de manière individuelle aux enfants pour qu'ils puissent comprendre au mieux."

Il consacre à son groupe 5 à 6 heures par semaine." Mon métier m'a permis d'avoir un peu de flexibilité, de pouvoir organiser mon emploi du temps et de dégager ces créneaux avec les jeunes". Et puis il y a ce lien avec son fils." Naturellement, j'ai accompagné, j'ai grandi avec lui dans le club, dans la compréhension de ce qu'était le hand". 

 Le plaisir des enfants, l'adrénaline qu'on vit les week-ends avec eux, toutes les émotions qu'ils nous transmettent, tout ça, c'est énormément de plaisir et c'est ce qui donne du sens à notre vie, en tout cas moi à mon engagement

Vincent Failher

Parent bénévole licencié au club Saint-Nazaire handball

Mais qui paye ? "On leur offre leur licence, en tant que parents bénévoles, dirigeants. On est sur ce schéma-là, parce que le handball est exigeant sur le bénévolat, dans l'encadrement d'un match du samedi après-midi pour des enfants, il faut 6 parents pour encadrer un match de 7 gamins."

Certains, arrivés au club en même temps que leurs enfants; sont encore là vingt ans plus tard, "ça, c'est remarquable en terme d'investissement, mais il y a l'épuisement, il faut renouveler les troupes".

Nous avons besoin de nouvelles têtes pour régénérer et transmettre le savoir-faire et l'histoire de l'association pour qu'elle perdure, et pour rester dans le même niveau d'exigence, le même projet

Emmanuel Hubert

Vice-président bénévole et sponsor du Saint-Nazaire handball.

"On fait des choix très contraints"

Si le club n'est pas des plus à plaindre, il fait face à des difficultés. "Oui, on fait des choix très contraints, notamment par rapport au nombre de licenciés. On ne peut plus encadrer sérieusement les équipes. Aussi bien la semaine pour les entraînements que le week-end pour jouer les matchs. Il y a des équipes qu'on n'a pas engagées chez les jeunes comme chez les adultes, des licenciés qu'on ne prend pas, très clairement, parce qu'à un moment donné, on ne fait surtout pas de publicité. Parce qu'on ne peut pas." 

Sans compter les limites budgétaires. "Engager une équipe, ça a un coût tout au long de la saison. Et donc, si on n'a pas les moyens, on ne peut rien faire".

On connaît nos limites, on ne va pas mettre en danger toute la structure de la vie associative parce qu'on a envie de jouer un peu plus haut

Emmanuel Hubert

Vice-président bénévole et sponsor de Saint-Nazaire handball

"En début de saison, la pression est forte"

Yann Bénizé lui, a le rugby dans les veines. Depuis 15 ans, il dirige bénévolement le club deTrignac. Sur cette terre rude et ouvrière, on n'a jamais eu peur d'encaisser les coups. ici, le ballon ovale, c'est une vieille histoire, presque inscrite au patrimoine, alors il y a du monde entre les poteaux.

"On a tellement de choses à faire maintenant", soupire le patron.

"On est employeur, on est comme une entreprise, on a des salariés à gérer, on est bien plus surveillé qu'avant au niveau comptable", ajoute-t-il.

La fédé fait très attention à ce que les clubs soient sains financièrement, donc du coup il y a plus de contrôles 

Yann Bénizé

Dirigeant bénévole du Rugby Club Trignacais

C'est en début de saison que la pression est la plus forte.

"La fédération et la ligue nous demandent de déclarer très rapidement tous les rassemblements, tous les engagements dans les championnats, que ce soit en cadets, juniors, féminines, moins de 18, donc il y a de la paperasse", affirme le dirigeant.

"Il faut le faire très rapidement alors que les effectifs ne sont pas encore définis, parce que les inscriptions sont en cours", précise Yann Bénizé.

On vient chercher du plaisir, on ne signe pas pour le stress

Yann Bénizé

Dirigeant Bénévole du Rugby Club Trignacais

Dans tous les clubs, la même problématique, celle du vieillissement.

"Les jeunes générations connaissent moins cet engagement, parce qu'on est dans une société de loisirs, donc après le boulot, on préfère s'occuper de soi, des enfants, on a plein de choses à faire. S'engager dans une association, ça n'est pas une  priorité". 

Aujourd'hui, quand on demande de l'aide à des personnes, c'est pour un coup de main ponctuel. S'investir sur une saison, ça devient rare

Yann Bénizé

Dirigeant bénévole du Rugby Club Trignacais

À Trignac pourtant, il y a une exception ; le président. "Il est jeune, il a décidé de s'engager. Des gens de cet âge qui s'engagent dans une association, on n'en voit plus beaucoup". 

Au club toutes les générations se croisent. "Les plus jeunes au baby rugby, ils n'ont même pas 4 ans, et nos plus anciens, nos dirigeants historiques, ont 85 ans. On a même un joueur loisir qui a 74 ans. ll vient toujours parce qu'il veut prendre du plaisir. On est tous là pour ça, le  plaisir, mais on a envie de partager plus encore", conclut Yann Bénizé

3,5 millions de bénévoles en France

En France, 3,5 millions de bénévoles font vivre 360 000 associations sportives, dont 160 000 clubs fédérés. 86 % des structures fonctionnent uniquement grâce aux bonnes volontés. Autant dire que sans eux, sans elles, pas de rêves olympiens, pas de podium, pas de médailles.

Un investissement sans faille, malgré les heures passées sur les parquets, les pelouses, dans les tribunes ou les gymnases comme Appoline Hubert.

Quand on demande à la responsable de la section féminine de La Stéphanoise de Montoir si l'an prochain elle sera encore membre du bureau, elle répond oui sans hésiter une seconde. La gym, comme les justaucorps, lui colle à la peau.

Avec Nathan Vildy et David Jouillat

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