Quatre dirigeants du groupe de transport Perrenot-Robineau comparaissaient devant le tribunal correctionnel du Mans. Ce mardi 11 octobre, à l'issue de deux jours d'audiences, des peines de six à dix mois avec sursis ont été requises pour homicides involontaires et harcelement moral institutionnalisé. Le jugement a été mis en délibéré, il sera rendu le 8 décembre.
Des peines de six à dix mois de prison avec sursis ont donc été requises mardi au Mans contre quatre responsables du transporteur routier Perrenot-Robineau, poursuivis pour homicides involontaires et harcèlement moral institutionnalisé, suite aux plaintes de 43 personnes.
Une amende de 80 000 euros à l'encontre de l'entreprise sarthoise, filiale de Jacky-Perrenot, a également été demandée par la procureure de la République Florence Leroux-Ghristi.
Les quatre prévenus, qui occupaient différents postes à responsabilité au sein du transporteur, étaient notamment mis en cause après la mort de deux chauffeurs, en mars et avril 2018, ainsi que pour les conditions de travail imposées à leurs chauffeurs.
Il leur était notamment reproché de n'avoir pas respecté le temps de travail de leurs salariés, par ailleurs sollicités à plusieurs reprises sur leurs plages de repos. Une quarantaine d'entre eux s'étaient portés partie civile.
C'est la requalification du suicide du second, Pascal Lejeune, alors âgé de 56 ans, en accident du travail par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), et le dépôt de plainte de sa compagne qui avait déclenché l'ouverture d'une enquête policière.
Celle-ci a révélé le décès d'un deuxième chauffeur, Sébastien Roger, 38 ans, lors d'un accident de la circulation.
"S'il n'était pas mort, il aurait dépassé son temps de conduite", a accusé la procureure, évoquant un homme "épuisé" dont "le coeur n'a pas voulu suivre."
Elle a également relevé "l'absence de prise en compte" de la situation de M. Lejeune, qui s'était vu diagnostiquer deux syndromes d'épuisement en 2013 et 2017, par sa hiérarchie pourtant "parfaitement au courant."
La peine la plus lourde, 10 mois avec sursis, a été requise contre le directeur régional du groupe. Des peines de six mois d'emprisonnement avec sursis ont été requises contre l'ancien et l'actuel directeurs du site et l'exploitant mis en cause.
La procureure a également requis des amendes de respectivement 10 000, 5000 et 3000 euros à l'encontre des quatre prévenus.
"La vie humaine ne peut pas se voir fixer un prix et se voir réparer simplement par payer une somme d'argent" a-t-elle justifié au cours d'un long réquisitoire.
L'entreprise Jacky-Perrenot est l'un des plus importants transporteurs routiers de France, le groupe emploie plus de 9.000 personnes sur ses 120 sites.
Le rappel des faits
Deux chauffeurs avaient trouvé la mort à quelques semaines d'intervalle en 2018. L'un s'était suicidé, l'autre avait eu un accident suite à un malaise au volant.
Les conclusions des enquêtes, menées alors par la Direction Départementale de l’Emploi du Travail et des Solidarités (DDETS) et la gendarmerie avaient conclu que ces décès étaient en partie liés au rythme et aux conditions de travail imposés par la direction de la filiale sarthoise du groupe, Perrenot-Robineau, basée à Soulitré près du Mans.
Le chauffeur de 56 ans qui a mis fin à ses jours, habitué aux longues distances, aurait été affecté contre son gré à des tournées régionales réputées difficiles. Sa compagne estime que "l'employeur est totalement responsable du suicide de son conjoint".
L'autre chauffeur décédé d'un accident de la route à l'âge de 36 ans, avait lui aussi vécu comme une punition son passage du statut de "grand routier" à celui de journalier, évoquant une "pression folle" qu’on exerçait sur lui pour livrer les clients à temps.
Cadences infernales
Suite à ces décès, plus de 40 salariés, ex-salariés, ou proches des victimes présumées, entendus par les enquêteurs, ont déposé plainte pour harcèlement moral entre 2016 et 2021.
Ils dénoncent notamment des cadences infernales, des tournées modifiées au dernier moment, des "punitions" pour ceux "qui n'acceptent pas de rentrer dans le moule".
"Les chauffeurs étaient devenus de simples pions, des numéros. Il n'y avait aucune politique sociale dans l'entreprise. C'était marche ou crève", a ainsi affirmé une ancienne employée du service des ressources humaines à nos confrères de l'AFP.
Durant ce procès, qui a débuté lundi 10 octobre, les quatre prévenus et le président, représentant légal de son groupe, étaient poursuivis pour harcèlement moral et homicides involontaires dans le cadre du travail ont été entendus.