A 34 ans, elle parcourt la France à dos de cheval, dotée d'une prothèse de jambe. Aurélie s'est donnée six mois pour visiter une vingtaine de centres de rééducation et les patients qui y séjournent, notamment suite à une amputation. Son message : tout est possible, la preuve !
Nous sommes au Centre Médical et Physique de Rééducation de la Côte d'Amour, (nouveau nom de l'ex Centre Marin de Pen Bron de la Turballe et transféré à Heinlex, à Saint-Nazaire en 2017).
La pluie retarde les enfants de l'Institut Médico-Educatif de l'Estran invités à rencontrer Aurélie Brihmat. La cavalière est néanmoins au rendez-vous et arrive à cheval, accompagnée de son papa, lui aussi chevauchant sa monture.
A bien y regarder, quelques détails indiquent que les deux cavaliers ne sont pas de simples randonneurs égarés. Derrière la selle du papa, sur la croupe du cheval, la prothèse de la jambe droite de sa fille, adaptée à la marche.
Sa fille, elle, est dotée d'une prothèse de la jambe droite, parfaitement conçue pour l'équitation mais pas à la vie sur le plancher des vaches. Derrière sa selle, un tapis spécialement adapté pour Spy, son indéfectible compagnon Border Collie âgé de 4 ans.
De chien de troupeau, la fonction d'origine de cette race, Spy est devenu avec le temps, le complice de chaque instant de la vie d'Aurélie.
Deux cavaliers, deux chevaux, un chien qui s'arrêtent devant la terrasse où sont venus les attendres patients, familles et personnels du centre de rééducation : l'échange commence tout de suite, Aurélie raconte, sourit, répond aux questions.
C'est ainsi chaque lundi. Elle visite un centre de rééducation. Le mardi, c'est le tour des écoles.
A la tête de son association Handidream, Aurélie Brihmat vient livrer son témoignage et surtout un message d'espoir.
Championne de France de Horseball et puis le drame
A 16 ans, Aurélie circule sur son scooter à Aix en Provence. Un mois plus tôt, à la Motte Beuvron, elle a remporté avec son équipe le titre de championne de France de horse ball, un sport collectif se pratiquant à cheval. La vie est belle à cet âge là, mais...
Un chauffard la percute et disparait. Deux fémurs fracturés ainsi que le bassin, l'artère fémorale déchirée, l'amputation est inévitable. Aurélie perd l'usage de sa jambe droite, amputée sous le genou.
15 opérations plus tard, Aurélie a changé de combat. Ou plutôt, elle mène en plus d'autres combats. Après une formation d'orthophoniste et une installation professionnelle en cabinet durant 5 ans, elle doit stopper son activité : au vu de son dossier de santé, aucune assurance n'accepte de la couvrir. Elle ferme son cabinet et dit adieu à sa clientèle et sa liste d'attente.
Et pourtant, elle danse
A force d'opérations chirurgicales, de volonté et de courage, Aurélie a pu renouer avec le sport. C'est ainsi qu'au menu de ses activités physiques, elle a pu inscrire le ski, la danse, la boxe, la planche à voile....fauchée à 17 ans au sens propre, elle prouve ainsi qu'elle ne l'est pas au sens figuré.
Aurélie et son tour de France du possible
De sa nouvelle fonction de Conseillère Principale d'Education, la cavalière a pris une disponibilité de six mois, en accord avec sa hiérarchie, afin de réaliser son tour de France. Elle créé son association et sa page FB Handidream.
Le but : rencontrer, échanger, dire et prouver que tout est possible.
A ce titre, elle rencontre aussi les professionnels des centres de rééducation qui font chaque jour des miracles dans leur mission de soigner, accompagner et remettre les patients sur le chemin de leur nouvelle vie.
Exemple avec les personnes amputées.
Partie le 30 mars dernier d'Aix en Provence, son tour de France a commencé sous l'escorte des pompiers qui l'avaient sauvée suite à son accident.
L'amputation, on ne s'y attend pas
Bruno Massot est représentant local de l'association ADEPA (Association de Défense et d'Etudes des Personnes Amputées). Amputé d'une jambe voilà un an, il a du faire face à de multiples problèmes. En plus de la souffrance physique, il y a un profond questionnement intérieur sur cette nouvelle vie, sur un éventuel nouveau métier, une nouvelle organisation sociale et familiale, sans oublier les nombreux dossiers administratifs.
Toutes ces épreuves franchies, notamment grâce aux personnels du Centre de Pen Bron, Bruno Massot a décidé d'accompagner à son tour, ceux qui subissent une amputation et doivent s'orienter dans la vie lorsqu'ils quittent le centre de rééducation.
L'association ADEPA, à l'occasion du passage d'Aurélie à Saint-Nazaire, signera une convention avec le CMPR Côte d'Amour permettant le soutien de l'association aux personnes concernées par l'amputation.
Aurélie et les questions des enfants
Lorsqu'elle visite les écoles, la cavalière unijambiste a pour objectif de témoigner et permettre aux enfants un regard lucide et réel sur le monde du handicap, plutôt qu'un regard phantasmé. Sa capacité à avoir une vie quasi normale (en dehors du parcours médical) et à pratiquer autant de sports sont une preuve incarnée que tout est possible et que le handicap a toute sa place dans notre société.Mais en retour, elle a le droit à des questions d'enfants, certaines assez prévisibles, d'autres non. ''Est-ce que c'est contagieux, dis, Aurélie? Si je te parle, je vais perdre ma jambe, moi aussi?''. '' Dis, si la queue du lézard, elle repousse, pourquoi ta jambe, elle repousserait pas?''
Aurélie, son papa, ses chevaux, son chien
Bernard, le papa d'Aurélie est son supporter n°1. Il l'accompagne dans son tour de France, assure toute la logistique, aidé par quelques amis. Son cheval est un cheval dit ''américain'', prêté par un centre équestre de la région d'Aix en Provence, spécialisé en équithérapie. Le tour de France aura ce centre pour ultime étape et Rigaou sera rendu à son propriétaire.
Spy, le chien ''couteau suisse'' d'Aurélie. De race Border Collie, il est normalement affecté au troupeau de moutons, de chèvres ou d'oies. C'est surtout un chien de travail capable de s'adapter à toute autre fonction susceptible d'aider sa maîtresse.
Au départ, il devait veiller sur Aurélie lors de ses bivouacs. Mais pour raison de santé, les bivouacs sont devenus impossibles et ce sont des sympathisants qui accueillent la caravane. Aurélie et Spy étant inséparables, la cavalière lui a fait installer un tapis spécial ( confort, adhérence...) et partage désormais sa monture Boubou avec son chien.
Sa prothèse étant adaptée surtout à l'équitation, il est difficile à Aurélie de mettre pied à terre si quelque chose est tombé au sol. Qu'à cela ne tienne, Spy descend de cheval et va chercher l'objet pour le ramener à sa maîtresse. Lorsqu'elle est en fauteuil roulant, Spy s'occupe non pas de tracter le fauteuil, mais de le pousser, perché sur ses deux pattes arrières!
Autant d'anecdotes et de messages que les personnels et patients des centres de rééducation, ou encore les enfants rencontrés dans les écoles, retiennent avec plaisir, envie et admiration.
A la moitié du parcours
Aurélie Brihmat vise une bonne vingtaine de centres de rééducation pour son tour de France. Après Rennes, Malestroit, Ploemeur et Saint-Nazaire, elle passera le mercredi 26 juin à Nantes et entamera sa descente vers le sud et sa région natale d'Aix en Provence.
Parrainé par la Fédération Française d'Equitation , le Secrétariat d'Etat aux Personnes Handicapées et le Ministère des Sports, le tour de France d'Aurélie et son association Handidream a reçu le soutien de plusieurs entreprises qui se sont reconnues dans les valeurs affichées et démontrées par la cavalière.
La démarche d'Aurélie Brihmat a également retenu l'attention de Brigitte Macron qui envisagerait de la recevoir à l'Elysée.