À Saint-Vincent-sur-Jard, le maire souhaite estuariser le littoral, "contre la mer, il faut arrêter d'engager des dépenses pour ce qui n'est qu'un gain de temps"

Xynthia, Céline, Ciaran, Domingos, Karlotta. Une succession de tempêtes, de coups de vent, et parfois de submersions. La mer gonfle et ronge les dunes. Les eaux gagnent du terrain, menacent les habitations. Face à ces événements, le maire de Saint-Vincent sur Jard, dans le sud Vendée propose une stratégie à contre-courant : laisser la mer rentrer dans les terres. Mais pour cela, il faudra repenser l'aménagement du littoral.

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Lutter contre la mer, tenter de la contenir. L'homme s'y essaie depuis des lustres. Enrochements, dunes artificielles, digues de protection, ouvrages bétonnés. Autant de structures élaborées pour protéger les habitations construites en bord de cote du risque d'inondation ou de submersion. 

Des systèmes qui ont fait long feu. Aujourd'hui, le dérèglement climatique et ses épisodes violents et dévastateurs ont changé la donne. 

Et si l'adaptation au risque était de cesser de lutter contre les éléments ? Cela n'a rien d'évident. Il faut parfois penser contre soi. Contre l'élan anthropique qui pousse l'homme à gérer, bâtir, dominer. C'est pourtant ce que propose Olivier Dalmasso, le maire de Saint-Vincent sur Jard. 

Ce vendredi, il a invité ses concitoyens à réfléchir à une option impensable il y a encore une dizaine d'années : un recul stratégique face à la mer. Une concertation plutôt bien accueillie au sein de la commune. Même si chacun le sait, des habitations seraient rasées, des habitants déplacés.

Redonner des terres à la mer, un dispositif déjà éprouvé

Dans les années 80, le conservatoire du Littoral a notamment "désendigué" l'aber de Crozon.

Il a racheté la concession alors qu'un projet de construction y était envisagé, et exproprié les terrains en amont. La digue a été plastiquée, et la mer a repris ses droits. L'aber a retrouvé sa fonction de frayère pour les plies et les dorades royales. Une poignée de projets de "renaturalisation" côtières ont été menées sur le littoral par le Conservatoire en Bretagne et dans l'estuaire de la Gironde. À chaque fois, il s'agissait de zones inondables, non construites, donc sans enjeu de relocalisation.

"C'est la grande différence avec ce que propose le maire se Saint-Vincent-sur-Jard note Johan Vincent, historien et spécialiste du foncier côtier à l'Université d'Angers. La réflexion est nouvelle, car, en jeu, il y a des habitations et donc de la propriété privée. C'est courageux et l'on peut se dire que cela va dans le sens de l'histoire, mais il faudra un accompagnement de la part des scientifiques, des élus, de l'état. Il ne faut pas que les habitants du territoire perçoivent cela comme une décision arbitraire d'un maire. Il faut que cela ait du sens pour tout le monde".

Pour Johan Vincent, les signaux d'alerte sont tels qu'il faut désormais rentrer en résilience par rapport à l'érosion littorale. "C'est un risque connu et documenté. Le dernier rapport du CEREMA faisait état de 5 200 logements susceptibles de disparaître en 2050 et 450.000 à l'horizon 2100 si rien n'est fait !" précise encore l'universitaire.

Les maires en ont conscience.

242 communes littorales ont déjà entamé une réflexion pour "relocaliser" les habitants vivant à proximité des rivières côtières et de la mer, mais seule la commune de Saint-Vincent-sur-Jard a communiqué sur le sujet.

L'anticipation, c'est maintenant

C'est que du côté du sud-Vendée, la coupe est régulièrement pleine. En août, il a fallu condamner l'accès à la plage au moment des marées hautes, l'automne dernier un réempierrage des dunes a été nécessaire.

Olivier Dalmasso propose donc d'élargir l'embouchure du Goulet, un cours d'eau qui a été "canalisé", voire effacé à certains endroits, sur lequel une route, un pont ont été érigés et où de part et d'autre des habitations ont été construites.

Si le Goulet retrouvait son estuaire initial, il occuperait 200 m de linéaire

"L'objectif n'est pas de répondre à un besoin d'esthétisme, mais de répondre à une problématique. C'est certainement atypique comme démarche, mais c'est une prise de conscience partagée au sein des populations. Il faut arrêter d'engager des dépenses dans un tonneau des danaïdes, un puits sans fond, pour un résultat qui n'est, au final, qu'un gain de temps. Le cordon dunaire est érodé par l'assaut des vagues, il mesure une vingtaine, une trentaine de mètres par endroits. Entre 2015 et 2023 on a perdu entre 15 et 20 mètres", explique le maire de Saint-Vincent-sur-Jard

Pour l'heure, rien n'est acté, mais la réflexion "collective" est lancée pour un projet qui ne verrait cependant pas le jour avant une quinzaine d'années.

L'idée peut paraître brutale, injuste à certains, mais les récentes inondations, dans le nord de la France ou le sud de l'Espagne montrent bien combien il devient impossible de contraindre l'eau en continuant à canaliser les rus et les rivières tout en construisant des logements dans des zones qui n'étaient que potentiellement inondables il y a encore quelques années.

"Une chose est claire rappelle Johan Vincent, il faut apprendre de la peur et la transcender : une digue régulièrement attaquée, c'est le signe que les équipements ne sont plus adaptés et que la prise de risque est réelle".

À une vingtaine de kilomètres de Saint-Vincent-Sur-Jard, on le sait bien.

Lors de la tempête Xynthia, en février 2010, la commune de la Faute-sur-Mer a été ravagée. Vingt-neuf personnes ont péri, prises au piège de leurs maisons submergées par la montée de la mer conjuguée au gonflement des eaux du Lay. Ces habitations avaient été construites dans une "cuvette" située derrière une digue, mais en dessous du niveau de la mer. Là-bas, 552 maisons ont été rachetées puis rasées par l'état. Un traumatisme dont peinent toujours à se remettre ceux qui l'ont vécu.

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