La Roche-sur-Yon : "Soigner sans être militante, impossible ils nous prennent par le cœur", Brigitte médecin généraliste oeuvre au chevet des migrants

Qui sont ces migrants qui viennent dans notre petite ville? Sorti en 2020, le livre témoignage de Brigitte Trégoüet raconte l'engagement de cette médecin généraliste, qui de fil en aiguille, a participé à la fondation d'une consultation psychologique pour tous les exilés, puis s'est engagée dans le réseau d'accueil Welcome. Son histoire est aussi celle des vagues d'émigration, dont la dernière, celle de la fuite massive des Ukrainiens, vient juste de commencer.

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Tous les jeudis, au 4e étage de cet immeuble de la Roche-sur-Yon, c'est dans une petite pièce sans prétention, que l'on vient soulager les blessures de l'exil, de la guerre et des persécutions.

"Les cauchemars sont toujours les mêmes ?", questionne Brigitte Tregouët, médecin généraliste, co-fondatrice de l'ACSSIT

"Oui, c'est mon père. Mon père, il est mort pour moi, je suis Yézidi, et les Yézidis n'ont pas de pays."

Lynché par une foule en Géorgie, Omar a dû être amputé. Depuis son arrivée en France, il revit chaque nuit la perte de son père.

Étrange étranger

Autour de lui, des psychologues, des travailleurs sociaux, ou des médecins, comme Brigitte Tregouët, à l'origine de cette consultation transculturelle pour les migrants.

"Je suis médecin généraliste, donc je les recevais pour des maux de tête, pour des insomnies, des choses comme ça. Ils voulaient tous un scanner parce qu'ils avaient tous mal à la tête mais je voyais bien que leur mal de tête était post-traumatique. Leurs scanners étaient normaux, les maux, eux, étaient toujours là, donc c'était absurde. C'était du mauvais soin".

L'idée c'est, comment soigner des gens qui ont un syndrome de stress post-traumatique majeur, avec l'exil en plus.

Brigitte Tregouët, médecin généraliste, co-fondatrice de l'ACSSIT

Depuis 2008, Brigitte Tregouët a développé une expertise, qu'elle transmet désormais, à tous ceux qui travaillent auprès des exilés.

Comment entendre les récits, et pour cela, fonctionner en équipe, avec d'autres soignants, des traducteurs et des anthropologues : "Il y a deux choses difficiles, c'est le contre-transfert, c'est à dire les émotions que peut susciter la différence. L'étrange étranger qui nous fait peur, il n'est pas comme nous, il n'a pas la même religion, il ne s'habille pas comme nous", explique Brigitte.

Et puis, les récits qui sont atroces, et donc tenir le fil de l'humanité, c'est difficile et c'est un point de vigilance permanent, pour ne pas se laisser entraîner par le désespoir.

Brigitte Tregouët, Médecin généraliste, co-fondatrice de l'ACSSIT

Aujourd'hui, ils sont de plus en plus nombreux à se former pour mieux accompagner celles et ceux dont les papiers, les problèmes de logements, s'ajoutent au stress post-traumatique et au souci pour les familles laissées sur place.

"Ça va expliquer les difficultés de concentration, des difficultés pour se souvenir des rendez-vous, des lieux, pour être à l'heure, pour se repérer dans la ville. Ça peut avoir toutes ces répercussions là, sur l'accompagnement malgré toutes les bonnes volontés. On peut être confronté à toutes ces difficultés liées à l'exil", commente Catherine Thomas, anthropologue de la santé

Dans la maison de Brigitte Tregouët, les objets racontent les migrations des 20 dernières années. Des dictionnaires de somalien, d'arabe, ou d'arménien.

Engagement militant

Ses tout premiers patients venus d'ailleurs fuyaient les guerres dans le Caucase.

"J'ai pris des cours de russe pendant 3 ans. Et ça c'est super parce qu'à ce moment là on avait pas trop accès à l'interprète et je leur disais, je m'appelle  docteur Tregouët, je ne parle pas russe mais j'étudie et je sais dire, j'ai mal à la tête et le paracétamol ne calme pas. Et ça les faisait rire"

C'est en voulant comprendre d'où venaient ses patients, que la médecin de ville s'est impliquée dans des associations engagées pour trouver des logements ou empêcher des expulsions.

Je pense que c'est très difficile de soigner des gens dans une si grande détresse sans être militant, parce qu'ils nous prennent par le cœur

Brigitte Tregouët, médecin généraliste, co-fondatrice de l'ACSSIT

"Par exemple, des arméniens qui avaient été déboutés du droit d'asile, parce que l'Arménie à ce moment là n'était pas un pays en guerre. Trois enfants sont nés en France, dont un petit trisomique. Il y a eu une réunion avec le préfet, je lui ai dit, vous allez envoyer des policiers arrêter un enfant trisomique ? Ah non madame Tregouët, c'est pas ça m'a-t-il répondu. J'ai rétorqué, si, c'est bien ça qui va se passer !"

La famille arménienne a obtenu le droit d'asile. Quant à Brigitte Tregouët, elle a fini par dépasser le cadre du soin, et celui de l'action militante.

En alternance avec d'autres familles, elle accueille Ibrahim et Alassane, au nom de l'hospitalité comme un devoir universel.

Je pense que je m'inscris là-dedans. L'hospitalité, c'est de dire qu'il est impossible de laisser quelqu'un à la rue dans un pays d'abondance. Dans un pays pauvre, on ne le ferait pas, c'est un mode de vie

Brigitte Trégouët

"J'ai quatre enfants qui sont grands, le plus jeune a 25 ans donc les chambres s'ennuyaient on va dire", ajoute t-elle.

Depuis une vingtaine d'années, Brigitte Tregouët a vu certains de ses patients obtenir leurs papiers, fonder une famille, monter un restaurant ou trouver du travail, enrichissant la ville de leurs histoires, leurs cultures, et leurs parcours de vie.

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