Vivre avec des "obsessionnels", les laisser partir seuls et longtemps comme ce sera le cas pour le Vendée Globe, pour connaître au final "un retour merdique" : être femme de marin n'est pas une sinécure, mais leur vie, bien évidemment, ne se résume pas à les attendre.
Régine Bornens, compagne durant 30 ans de Michel Desjoyeaux, a vécu trois Vendée Globe, cette course autour du monde en solitaire sans assistance et sans escale.
"Mais tu n'attends pas ! Ta vie continue. Comme n'importe quelle femme qui essaie de concilier son boulot et les gamins. Tu ne restes pas à attendre comme une andouille ton mec. Tu sors, tu as des amis, tu vis ta vie. Ta vie n'est pas que ça. Heureusement", raconte cette femme de caractère, qui a grandi en région parisienne.
Régine Bornens a élevé les trois garçons qu'elle a eus avec le marin le plus titré de l'histoire des courses en solitaire, et qui ne prendra pas le départ de l'édition 2016/2017. Après avoir travaillé dans l'aménagement du territoire au début de leur rencontre, elle a choisi de partager sa passion en la vivant avec lui de l'intérieur, lassée de faire le grand écart entre tous les compartiments de sa vie.
"Ce ne sont pas des sacrifices, tu es dans un truc à deux, personne ne t'y oblige. Quand ton mec part trois mois, évidemment ta vie est rythmée par ça. Mais ça fait déjà deux ans que ça rythme ta vie !", poursuit-elle.
Soulagée
Et le moment du départ est loin d'être un moment de déchirure.
"Le départ, je vais être heureuse et soulagée, on va avoir un peu de temps pour nous", glisse Samantha Davies, compagne du skipper Romain Attanasio avec qui elle a un petit garçon de 5 ans.
Et Samantha Davies à une particularité inédite : elle a elle-même fait le Vendée Globe en 2012, à peine un an après avoir accouché. Davies/Attanasio est le premier couple de l'histoire de la course.
"Le jour du départ, je veux réussir le métier de maman. Mais je suis aussi la femme de Romain, la technicienne, l'ancienne".
La Britannique soutient son compagnon, comme lui-même l'avait fait quatre ans plus tôt avec elle. Elle le conseille, prépare son avitaillement et ses vêtements. Sans aucune frustration de ne pas être cette fois à la barre.
Anne Le Cam a choisi durant plus de vingt ans de vivre la passion de Jean le Cam de l'extérieur.
"Quand on est tous les deux, c'est toujours ça qui prime. Il faut le savoir, c'est obsessionnel chez eux. Mais je me suis nourrie autant que lui", dit cette femme qui se ressource dans les balades en forêt avec ses deux chiens.
Mais pour cette nouvelle édition, elle a franchi la ligne. Jean Le Cam a eu toutes les peines du monde à trouver des partenaires. Anne Le Cam, qui tient un restaurant à Port-la-Forêt en Bretagne, a mis la main à la pâte pour que son homme puisse encore partir à l'aventure.
"Retour merdique"
"Ils sont dans une parenthèse enchantée quand ils arrivent à larguer les amarres, et à chaque fois c'est différent. Il y a eu des moments où on était très en phase, sur son premier Vendée Globe il m'appelait tout le temps, à tel point que je ne savais pas quoi dire !"
Le retour est sans nul doute ce qui est le plus difficile à gérer.
"C'est le plus frustrant pour les femmes: il revient mais il ne rentre pas", relève Anne Le Cam.
Pour Régine Bornens, "le retour est merdique". "Tu as vachement envie de te retrouver et tu te loupes en fait. Le premier jour tu te loupes complètement. Il faut quelques jours".
Samantha Davies n'a pas oublié ses propres "galères" quand elle est revenue à la maison.
"Pour celui qui part, le retour dans la famille est difficile. Tu n'as plus le même statut. On aura pris nos habitudes. Je vais mettre des autocollants partout: fermer les poubelles, payer les factures, etc. Il va voir les consignes partout pour respecter notre mode de vie !"
Une fois l'aventure en mer terminée, ces marins devront clairement remettre les pieds sur terre !