Sous un soleil radieux, les 33 Imoca ont quitté le chenal pour prendre le départ de l'Everest des mers. Pour cause de pandémie, seuls quelques riverains ont pu saluer les skippers à leurs fenêtres face à des quais déserts. Loin de la foule qui vient habituellement pour fêter ce moment.

Petit matin. Une brume épaisse nimbe encore les bateaux amarrés aux pontons. Un par un, les skippers défilent devant les journalistes parqués dans la zone mixte. Derrière les barrières métalliques, chacun s'est vu attribuer une petite case.
 



Devant les perches, obligatoires pour tenir les micros, les concurrents du Vendée Globe répètent les mêmes déclarations, répondent aux mêmes questions de dizaines de médias. Armel Tripon, qui sera le premier à quitter le ponton, dit au-revoir à sa famille. Derrière les barrières, son plus jeune fils serre fort un gros doudou, à défaut de pouvoir enlacer son père, confiné depuis déjà plus d'une semaine pour éviter toute contamination.
 

Autour du village, toutes les rues sont désertes quand le premier bateau s'élance, glissant silencieusement sur les eaux du chenal. Quelques trompettes, des klaxons de bateau résonnent dans le port de plaisance, mais les abords ont été interdits à toute déambulation. Derrière sa baie vitrée grande ouverte, Renée, qui vit face aux bateaux, nous interpelle : "Vous avez de la chance d'avoir un badge ! Je n'ai pas le droit d'aller plus loin". Dans son petit logement, elle voit quand même passer tous les bateaux, mais elle se trouve trop loin pour acclamer et distinguer la silhouette des skippers. "C'est triste", nous dit-elle, mimant avec son doigt une larme qui coule le long de sa joue droite.


D'habitude, les quais sont noirs de monde


Un par un, les bateaux passent lentement, devant les bénévoles de la SNSM, les secouristes et la sécurité civile, un reste du dispositif prévu pour le départ à jauge réduite. D'habitude, un départ de Vendée Globe, ce sont près de 350 000 personnes amassées sur le quai du quartier de la Chaume, des centaines de navires qui font une flottille d'honneur aux Imoca.
 

Depuis leur balcon, Nicole et Gérard se souviennent du dernier Vendée Globe. Les quais noirs de monde, des escabeaux de toutes les tailles pour permettre au public de saluer les concurrents. Cette fois, le couple retraité n'a même pas pu faire venir les enfants et les petits-enfants, qui vivent pourtant à quelques kilomètres, dans un quartier du centre-ville. "A cause du couvre-feu", regrette Nicole, qui agite sa trompette pour saluer le passage de Jérémie Beyou, un des grands favoris. Dans la petite résidence, les voisins tapent sur des casseroles, ils ont déroulé des banderoles pour faire de ce départ une fête malgré tout.
 

Aux Cormorans, la joie se mêle à la tristesse, et la colère aussi. Tout à l'heure, après le passage des skippers, les habitants ont prévu de descendre pour manifester contre la construction face à la résidence d'un yatch club destiné à une clientèle privilégiée, qui les priverait de la vue sur les bateaux.


Des restrictions exceptionnelles pour la circulation des riverains


Sur le quai, au plus près des skippers, il n'y a que quelques caméras de journalistes, et des dizaines de policiers et CRS pour surveiller l'application des restrictions exceptionnelles de circulation. Avant 11 heures, les habitants n'ont pas le droit de sortir de chez eux, et des barrières interdisent l'accès aux riverains qui vivent dans les rues adjacentes. Peu à peu cependant, ils arrivent derrière le périmètre. "Je ne sais pas si on a le droit ou pas, mais on voulait quand même dire au-revoir aux marins" explique ce père de famille, qui habite à deux pas. "Ils n'ont pas le droit, mais je les laisse, ils ne font rien de mal" précise le CRS qui garde la barrière.
 


Vêtu comme un samouraï, Kojiro Shiraishi se tient tout droit, l'horizon devant lui et le sabre à la taille. Comme en 2016, il espère devenir le premier Japonais à boucler cette épreuve, le tour du monde en solitaire, sans assistance et sans escale. Derrière les fenêtres ouvertes, les riverains acclament chaque concurrent, qu'il soit d'ici ou bien d'ailleurs. On tape sur des casseroles, on joue de la guitare, on fait du bruit pour tenter d'oublier l'absence de la foule des grands départs.


Mais c'est pour les locaux que la ferveur est la plus grande. "Bon vent Arnaud, à ton retour si on n'a pas bu la tasse" dit une banderole, douce-amère, devant la terrasse fermée d'un café face au quai. Arnaud Boissières, presque un enfant du pays, installé depuis des années ici, aux Sables-d'Olonne et qui a su faire oublier ses origines girondines.


"Samantha, fais-nous rêver !"


Sur le quai, la boucherie est l'un des rares commerces ouverts.  "Ça fait 35 ans que je suis ici, je les ai tous vus partir. Il y a 4 ans, j’avais vendu 180 poulets » raconte Christophe, le boucher. Pour le départ, il avait imaginé un événement avec les éleveurs qui produisent ses viandes. Il a même édité un coffret, un stylo et une petite lampe de poche qu'il voulait offrir à ses clients. Finalement, il vivra ces moments en famille, devant le commerce ouvert, malgré tout. "Tout à l'heure, lorsqu'ils rouvriront le quai, on fera peut-être quelques ventes".
 

La lumière est superbe, la température douce. Cela aurait dû être un magnifique départ. "Samantha, fais-nous rêver !" crient quelques habitants au passage de Samantha Davies, dont ce sera la troisième participation à la course mythique. Du rêve, les spectateurs en ont besoin, plus que jamais.
 


Au large, les trente-trois skippers attendent que la brume de chaleur daigne enfin se lever pour pouvoir s'élancer vers l'aventure. Dans le village désormais presque entièrement désert, les pontons vides attendent déjà le retour des héros de l'Everest des mers.



 
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