Sur le Vendée Globe 2024, les records s’enchainent, en particulier pour les six skippers de tête, avec des vitesses moyennes de 22 nœuds. Vitesse, bruit, tempêtes, risques de collision, à quelles conditions les marins sont-ils exposés et comment se sont-ils préparés ?
Mercredi 27 novembre, Sébastien Simon a pulvérisé le record de mille parcourus en 24 heures, en monocoque et en solitaire, 615,33 milles nautiques, soit 1 140 km, à une vitesse moyenne de 25,64 nœuds, soit pour les non-initiés plus de 47 km/heure.
"C'est incroyable comme distance, jamais, je ne me serai imaginé faire ça", raconte le skipper de Groupe Dubreuil, le casque vissé sur la tête. "Le bateau fonce à 30, 32, 34 nœuds, il ne ralentit jamais."
Dotés de foils, les IMOCA sont de véritables bolides sur l'eau et la sécurité des marins est mise à rude épreuve. Le risque d'accident est bien réel.
"Les vitesses de plus en plus importantes, associées au mouvement du bateau en lui-même par l'existence des foils, entrainent beaucoup de décélérations, d'arrêts brusques et de mouvements répétés, qui parfois exposent le marin à une projection vers l'avant qui n'était pas anticipée, et génère de nouvelles pathologies qu'on n'avait pas auparavant", confirme Laure Jacolot, médecin du sport à l'hôpital de Quimper et médecin de course du Vendée Globe.
"On a eu des accidents graves en course au large, mais aujourd'hui, ces accidents sont plus fréquents avec de la pathologie qu'on retrouve comme dans les accidents de la route, c'est-à-dire qu'on a des fractures qui peuvent être graves et beaucoup plus de commotions cérébrales."
En décembre 2023, le Sablais Sébastien Simon a été gravement blessé lors de la Transat Retour à la Base. Une fracture des cervicales l'a obligé à porter un corset pendant trois mois. Sur la même course, Romain Attanasio avait aussi été victime d'un traumatisme crânien.
"J'ai volé dans mon bateau"
Si le port du casque n'est pas obligatoire, il fait désormais partie des équipements obligatoires à bord. "Les marins qui ont été victimes de commotions cérébrales, et on en a à toutes les courses, portent plus facilement des casques", souligne la médecin, à l'image de Sébastien Simon. "Quand on a eu une commotion cérébrale, le deuxième impact peut être beaucoup plus grave. Je pense qu'il en est conscient".
Depuis le début de la course, un tiers des marins a déjà fait appel à l'un des trois médecins de course du Vendée Globe. "Les marins nous appellent et nous disent "j'ai volé dans mon bateau", explique Laure Jacolot, qui relate des impacts au niveau du thorax et au niveau de l'abdomen.
Le jour où l'impact sera plus important, et s'ils sont projetés vers quelque chose de très contondant, notre crainte, c'est évidemment l'hémorragie intra-abdominale
Laure JacoloMédecin du Vendée Globe
"Pour l'instant, on n'a que des impacts qui génèrent des hématomes. Mais le jour où l'impact sera plus important, et s'ils sont projetés vers quelque chose de très contondant, notre crainte, c'est évidemment l'hémorragie intra-abdominale, qui là, pourrait être fatale pour le marin."
Conscients des risques de chute, les marins développent aussi une hypervigilance pour ne pas tomber, ce qui majore leur fatigue, déjà présente en raison de la dette de sommeil, inhérente à la course au large.
"C'est une discipline sportive à part entière qui demande des capacités à la fois en puissance et en endurance. Mais cette notion d'endurance et de gestion du stock d'énergie sur trois mois est majorée et très importante, de par la vitesse et les cinétiques des bateaux".
Siège moulé, ceinture de sécurité, aménagement du cockpit, protection des objets contondants, l'ergonomie des bateaux a évolué pour limiter au maximum les risques de chutes et de projection.
La préparation physique des marins est devenue essentielle
"On ne va pas les modifier comme des rugbymans, mais on a des programmes spécifiques de renforcement au niveau du rachis cervical, des vertèbres, du dos, du cou, pour, si jamais il y a un impact, qu'il soit moindre", confirme Laure Jacolot.
Dans le peloton de tête, 4ᵉ au classement, Yoann Richomme témoignait mardi 29 novembre des conditions éprouvantes à bord. "C’est vraiment une course de vitesse, la mer n’est pas trop défoncée, mais quand même le bateau saute dans tous les sens. Ça va très vite. J’essaie de trouver un juste milieu entre la vitesse et ne pas faire de bêtises, mais ça reste compliqué. On ne va pas pouvoir durer comme ça deux mois."
Face aux performances de ces bateaux qui semblent sans limites, c'est peut-être celle des hommes et des femmes qui les pilotent qui est aujourd'hui en question.
"On est vraiment à la préhistoire de ce qu'on peut apporter aux marins en termes de préparation physiologique. Je pense que les marins ont compris que pour pouvoir suivre cette évolution des vitesses, des capacités du bateau, il va falloir optimiser leur préparation pour pouvoir, non pas performer, mais suivre déjà le bateau en lui-même", conclut la médecin de course du Vendée Globe.
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