Vendée : sortez les mouchoirs, l'intellectuel Michel Ragon est mort

Michel Ragon a passé sa vie à écrire sur l'art, l'architecture et l'anarchie. Cet intellectuel reconnu n'a jamais oublié ses racines prolétaires, et ses origines vendéennes. Il s'est éteint dans la nuit de jeudi à vendredi, à 95 ans.

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J’ai voulu échapper à la misère, échapper à la pauvreté, échapper à l’obscurantisme et à un monde sans culture 

C'est avec cette phrase, déterminée, définitive presque que Michel Ragon résume son parcours de sa naissance en 1924, jusqu'au début de son aventure parisienne en 1945.

Enfant, il a connu la misère, la vie de prolétaire. S'il grandit à Fontenay-Le-Comte, il arrive à Nantes en 1938 avec sa mère, veuve.
Il enquillera les petits boulots pour faire vivre le foyer, avant d'échapper de peu à une arrestation pour fait de résistance.
Sa jeunesse il la passe à lire. Tout. Tous les écrivains. Par ordre alphabétique.

Ses lectures lui apprendront que la littérature n'est pas, ne doit pas, être réservée à la seule bourgeoisie.
En 1945, il "monte" à Paris, il sera tour à tour manœuvre dans une fonderie, peintre en bâtiment et commis-libraire, avant de devenir bouquiniste sur les quais de la Seine. Il commence à publier ses premiers textes, dont un, sur un autre vendéen Gaston Chaissac.

Il collabore à des revues syndicalistes, "le monde ouvrier" et "l'émancipation paysanne", se rapproche de l'avant-garde artistique picturale...se lie d'amitié avec Soulages, rencontre Francis Bacon.
Michel Ragon est un insatiable curieux, un grand voyageur, un enthousiaste qui écrit sur ce qui le passionne: la littérature prolétarienne, l'anarchisme, l'art abstrait, l'architecture, le dessin satirique.
Dans les années 60, il devient un critique et historien de l'art et de l'architecture modernes renommé. Et bien que ne possédant que son certificat d'études, il devient ensuite professeur à l'École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Sur sa lancée, il soutient un doctorat d'État à la Sorbonne en 1975, à plus de cinquante ans, puis enseigne en tant que professeur de l'enseignement supérieur jusqu'à sa retraite en 1985.


Écrivain de l'anarchie

Fin connaisseur de l'art, Michel Ragon l'est aussi des mouvements anarchistes.
Proche des libertaires, il collabore à Radio libertaire et écrira de nombreux articles pour le monde du même nom.

Dans son roman "La mémoire des vaincus", Michel Ragon rend hommage aux figures oubliées de l'anarchisme français. Un ouvrage certes romancé mais qui s'appuie sur des faits réels, qui se sont déroulés dans la première moitié du XXème siècle. Il poursuivra son travail de collecteur de la mémoire anarchiste en écrivant en 2008 "Le dictionnaire de l'anarchie".  

Un certain regard sur l'histoire vendéenne

C'est à la mort de sa mère en 1976 que Michel Ragon renoue avec son passé familial vendéen. Et se lance dans l'écriture de romans populaires. Il entreprend de « dépoussiérer » l'histoire mal connue de la Vendée.

Wikipédia relate cette époque, les malentendus et les polémiques qui ont suivi la parution de sa saga vendéenne: Les Mouchoirs rouges de Cholet, La Louve de Mervent, Le Marin des Sables.

"Ce nouvel enthousiasme de Ragon a parfois été mal compris. Certains assimilent cet intérêt pour la Vendée à un rapprochement politique avec Philippe de Villiers. Pourtant, si ce dernier, en bon politicien, a logiquement tenté de s'annexer l'intérêt suscité par Ragon pour la Vendée , l'écrivain, lui, a toujours tenu des propos sans ambigüité:

J’ai dépoussiéré la Vendée, je lui ai redonné une histoire qu’elle avait perdue, mais je pense qu’elle l’a reperdue aujourd’hui parce que toutes les tendances réactionnaires s’en sont emparées à nouveau."

Ou encore :

 C'est une chose que j'ai reprochée, par exemple, à Philippe de Villiers pour son spectacle au Puy-du-Fou : les protestants n'y figurent pas. Il y a dans le texte du Puy-du-Fou une belle image d'une petite fille tambour dans l'armée de Stofflet qui fut tuée par l'armée républicaine. On aurait pu mettre en regard l'enfant Bara tué par les Vendéens. J'aurais aimé cette image de ces deux enfants victimes d'une guerre fratricide » (cf :Ma Vendée)



Antimilitariste, pacifiste, Michel Ragon était une des figures majeures de la littérature et de la pensée française du XXème siècle. Malgré son ascension sociale, il n'a jamais oublié le monde ouvrier qu'il a longtemps côtoyé. Ni de porter son regard d'intellectuel concerné sur les petits, les sans-grades.
Sans jamais les prendre de haut.

 
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