Si les citadins sont régulièrement informés de la qualité de l'air qu'ils respirent, qu'en est-il à la campagne ? C'est pour le savoir qu'une étude est actuellement menée dans le sud Vendée, non pas à base de capteurs et de technologie, mais en observant les lichens des arbres
Depuis 2016, Claire Boucheron passe beaucoup de temps à observer les arbres. Plus exactement les troncs d'arbres. Sous toutes leurs facettes... là ou les lichens se développent. Pami la quarantaine d'espèces qu'elle est amenée à étudier, elle a son petit préféré le Parmotrema perlatum.
"Il se présente comme une petite salade, et quand il se développe c'est que la qualité de l'air est bonne, il est très sensible, très pédagogique et plutôt joli, si tant est qu'un lichen puisse l'être!"
Claire est chargée de mission au CPIE, Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement Sèvre et Bocage.
Diplomée en gestion de l'environnement et en cartographie, son travail est d'identifier et de consigner la présence, ou l'absence de lichen sur les arbres.
"Nous avons quadrillé le territoire, selon des mailles de 5 km sur 5, repéré des alignements ou des groupes de 5 arbres, des arbres de même espèce, droits et qui ne sont pas blessés...". Sur ces arbres, des chênes, des tilleuls, des érables Claire a apposé des grilles lui permettant de recenser la diversité des espèces de lichens présents sur les troncs.
À ne surtout pas confondre avec les mousses, les lichens sont des organismes vivants, fruits de la symbiose entre un champignon et une algue (et/ou une cyanobactérie). Il en existe de nombreuses espèces, pouvant prendre différentes formes, et se développer sur quasiment tous les substrats.
Par leurs caractéristiques naturelles, les lichens sont de bons bio-indicateurs de la qualité de l’air.
En effet, ces organismes échangent principalement avec l’atmosphère et vont alors capter l’ensemble des constituants de l’air, aussi bien les gaz dont ils ont besoin que les polluants atmosphériques.
Ainsi, "Chaque espèce va posséder un seuil de tolérance par rapport à la pollution de l’air et leur présence va nous renseigner sur sa qualité, explique Claire, certaines espèces sont très sensibles par exemple à la présence d'azote dans l'air, quand l'air contient trop d'azote, elle se développe. D'autres espèces de lichens en revanche disparaissent si un polluant est présent dans l'air environnant".
385 arbres scrutés à la loupe
Après avoir déterminé 69 stations d'études situées auprès des bourgs de Vendée, dans le bocage puis, plus récemment, dans le sud du département et le rétro-littoral, Claire et ses arbres, sont en mesure de donner l'alerte si une quelconque pollution de l'air survenait.
"Pour l'instant, sans surprise, la qualité de l'air est bonne mais d'ici 5 ou dix ans, nous pourrons déterminer si elle s'est dégradée, ou si elle s'est améliorée, grâce aux relevés que nous faisons depuis 2016. On travaille sur le long terme".
Au mois d'avril, les habitants des onze communes, dont Claire Boucheron a analysé les lichens cette année, seront informés de la qualité de l'air qu'ils respirent.
Il leur sera à cette occasion rappelés quelques principes simples pour veiller, eux-mêmes, à ne pas polluer leur air ambiant.
Et notamment essayer de mettre fin à une pratique particulièrement nocive : le fait de brûler ses déchets verts en fond de parcelle !
"En terme de rejet de carbone dans l'air, 50kg de déchets verts brûlés c'est l'équivalent de 150 trajets allers-retours à la décheterie en voiture. mieux vaut les valoriser comme ressource au jardin pour amender les sols" rapporte Claire Boucheron.
Pour protéger les lichens, les arbres et l'environnement les produits phyto sanitaires, engrais, pesticides sont aussi à proscrire.
Pour l'instant dans la région, seule une partie de la Vendée est couverte par cette étude des lichens mais le CPIE de Corcoué-sur-Logne envisage la même action l'année prochaine.