Bérénice, 5 ans, traduit un dessin animé pour son frère Jules, atteint de surdité. Cette scène, mise en ligne par la famille Pialle, interroge sur l'adaptation des services de l'État aux sourds. Ces Vendéens ont interpellé François Hollande dans une lettre. Entretien avec le père, Michel Pialle.
Pour quelle raison avez-vous partagé cette vidéo de la vie quotidienne de vos enfants sur Facebook ?Nous avons surpris Bérénice en train de traduire un dessin animé pour son grand frère. C’était mignon, mais ça faisait aussi passer un message. Cette vidéo, nous l’avons mise en ligne pour montrer qu’il n’y a aucune accessibilité aux programmes télévisuels, aux dessins animés, pour les enfants sourds et malentendants. Le seul moyen pour Jules de regarder un dessin animé, c’est l’audiodescription. Et elle n’est disponible que pour certains programmes le soir sur une chaîne privée ou le matin lorsqu’il est à l’école… L’initiative qu’a pris Bérénice, c’est l’État qui devrait s’en charger.
La vidéo n’est pas le premier appel que vous lancez pour sensibiliser sur la question de l’intégration des sourds et malentendants. Au printemps, Jules avait déjà envoyé une lettre au président de la République François Hollande. C’était son initiative ?
Nous avons aidé Jules à écrire sa lettre bien sûr. On l’a faite ensemble, c’est une initiative familiale, au nom de Jules et pour Jules. Il existe la loi du 11 février 2005, qui est censée garantir l’accès à l’école pour tous malgré les handicaps. Cette loi est loin d’être respectée et rien n’est fait pour faire évoluer la situation. Aujourd’hui, on estime que 80% des sourds sont illettrés : c’est aberrant lorsqu’on prône l’accès à l’éduction pour tous.
Qu’est-ce que vous attendez de cette lettre et de cette vidéo ? Une réaction des pouvoirs publics ?
Ce que nous voulons, c’est que l’État tienne ses engagements, respecte la loi. Les sourds et malentendants représentent une minorité culturelle, 10 millions de personnes en France. Ce sont des gens qui votent. Quand on voit notre petit, on se questionne souvent sur son avenir. Que va-t-il faire une fois qu’il sera indépendant ? Je cite un exemple : l’autre soir était diffusé le débat du second tour de la primaire de la gauche. Impossible de suivre le programme si l’on est sourd. En étant exclu à l’éducation et des médias qui fonctionnent tous avec l’oralité, ça devient excessivement difficile, alors, d’être un citoyen autonome. Cette exclusion crée une citoyenneté à deux étages.
La lettre de Jules, 7 ans, au président de la République françois Hollande