Présidentielle 2022 : salon des maires, porte-à-porte, relance, comment les élus ruraux affrontent la chasse féroce aux parrainages

C'est un passage obligatoire avant une élection présidentielle. Chaque candidat doit obtenir au moins 500 parrainages d'élus locaux pour pouvoir se présenter. Face à cette course aux parrainages, les maires, démarchés quotidiennement, ont tous des méthodes différentes pour gérer les sollicitations.

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C'est une ritournelle bien connue depuis la première élection présidentielle au suffrage universel direct en 1965 : le parrainage des candidats. Objet de frustration pour certains, simple formalité pour d'autres, ce système vise à limiter le nombre de candidats pouvant se présenter à l'élection du président de la République, voire, à écarter les candidatures fantaisistes.

Le principe est simple : chaque candidat doit obtenir au moins 500 parrainages d'élus locaux pour pouvoir se présenter. La période de recueil des parrainages débute avec la publication du décret de convocations des électeurs, soit au moins dix semaines avant la date du premier tour, qui est fixée pour la prochaine élection présidentielle au dimanche 10 avril 2022.

Prenez un calendrier et faites le calcul. Les candidats ont jusqu'à la première semaine de février, au plus tard, pour avoir leurs 500 signatures. Une course contre la montre est enclenchée. Ils n'ont donc pas de temps à perdre.

"Je reçois toutes sortes de candidatures"


Plusieurs mois avant le premier tour, les maires reçoivent des courriers ou des e-mails, qui tentent de les convaincre d'apposer leur signature sur le projet qui leur est exposé. Élu depuis mai 2020, Romain Bonhomme, le jeune maire de Beine-Nauroy (Marne) expérimente pour la première fois cette période un peu particulière : "je reçois toutes sortes de candidatures, des partisans régionalistes aux lobbyistes naturalistes en passant par des militants en faveur de la libéralisation des stupéfiants".

S'il admet jeter un coup d'œil rapide par curiosité, cet adhérent d'un parti indépendant de centre-droite écarte systématiquement ce genre de sollicitations : "tout un tas de personnes transmettent à l'ensemble des maires de France ce type de projets. C'est là que les maires endossent leur rôle de filtrage des candidatures. Je considère que l'élection présidentielle concerne une majorité. Donc les candidatures doivent porter sur un projet politique d'intérêt général et une personnalité susceptible de rassembler".

Pour le moment, aucun parti politique ou candidat déclaré n'a fait appel à son soutien.

Parrainer pour enrichir le débat 


Ce n'est pas le cas de Bertrand Courot, maire de Sainte-Menehould (Marne). Il entame son 4e mandat et a toujours été démarché. Cette année, Jean-Luc Mélenchon et Eric Zemmour lui ont envoyé un courrier. Des sollicitations qui resteront sans réponse : "je n'aime pas les extrêmes. J'ai même eu une demande de rendez-vous d'un ambassadeur de Zemmour. Avant cela, un membre de son équipe m'a appelé dans le but d'obtenir ma signature. Mais, comme en 2017, je soutiendrai Emmanuel Macron".

Malgré ses certitudes politiques, Bertrand Courot comprend ces démarches mais aussi les maires qui donneraient leur signature à un candidat qui ne serait pas de leur sensibilité. Un exemple lui vient en tête : "mon père était lui aussi maire. Il était de centre droit et pourtant à l'époque, en 1981, il a donné sa signature à Brice Lalonde, le candidat du Mouvement d'écologie politique, parce qu'il estimait que les thématiques écologistes devaient être représentées dans le débat".

Démarché au congrès des maires

Selon certains maires, les demandes de parrainage serait ciblée. « Je ne cache pas que je suis républicain, nous confie Jean-Michel Viart, maire de Saint-Julien-les-Villas (Aube). Je pense que ça limite les demandes de parrainage : je n’en reçois pas de la gauche ».

A ce jour, le maire de Saint Julien-les-Villas dans l’Aube, a reçu cinq demandes de parrainage. Des candidats dont il ignorait le nom jusque là et qui font souvent le choix de le contacter par écrit. « Cette année j’ai aussi été approché directement, se souvient Jean-Michel Viart, c’était au Congrès des maires qui se déroulait mi-novembre. » L’édile ne retient pas un bon souvenir de cette expérience : « Je trouve cette façon de faire agressive, c’est très frontal. Pour moi les maires doivent avoir leur libre arbitre, il ne faut pas que le parrainage soit trop téléguidé. »

Même s’il reconnait que pour les candidats anonymes, le démarchage en personne est un moyen plus efficace pour se faire connaître. Quoiqu’il en soit, pour ce maire Les Républicains, peu importe le nombre de sollicitations reçues : « Je ne lis pas les tracts, j’ai d’autres préoccupations et puis de toute façon je sais déjà à qui ira mon parrainage. » Et d’expliquer : « Il ira à mon parti, sans hésitation. C’est déjà ce que j’avais fait en 2017 et je réitère ma confiance aux Républicains. » 

Pour mener à bien leur « droit de présentation » (dit parrainage), les élus municipaux peuvent s’appuyer sur l'Association Départementale Des Maires de leur département. "Notre rôle, c’est d’accompagner les maires dans leur démarche, explique Aurélie Foin, directrice de l’Association Départementale des Maires de l’Aube. On leur donne toutes les informations de manière objective et neutre pour qu’ils puissent suivre la procédure de vote mais on ne s’immisce surtout pas dans leur choix politique". 

Cette organisation apolitique permet de répondre aux questions que se posent les maires tout en relayant le message de l’Association des maires de France. "Pour le moment nous n’avons pas encore été sollicité par les élus concernant les parrainages" , indique Aurélie Foin.

Cela arrive généralement au moment de l’ouverture de la période de recueil des parrainages, fin janvier. "Les maires nous consultent pour des problèmes d’ordre administratif : comment remplir le formulaire, à qui le retourner ou encore le délais qu’ils ont pour le faire", précise la directrice de l’Association Départementale des Maires de l’Aube.

Premiers mandats et inexpériences

Souvent, ce sont des maires dans leur première mandature et qui parrainent pour la première fois qui ont besoin de cette accompagnement. Mais il arrive aussi que ce soit des maires expérimentés qui ne s’y retrouvent plus face aux changements de modalités d’une élection présidentielle à l’autre. "Un des points qui est régulièrement soulevé, et ce dans toute la France, c’est la publication des parrainages par le Conseil constitutionnel", relève Aurélie Foin.

En effet, une fois le parrainage donné à un candidat, celui-ci sera rendu public. Un problème d’anonymat qui peut freiner certains élus. C’est le cas de la maire de Mergey, village de 680 habitants dans l’Aube. "Dès que je suis entrée en fonction j’ai pris cette décision, indique fermement Marie-Luce Burri. Je ne donnerai aucun parrainage !"

Elue en 2020 avec une liste apolitique, l’édile préfère rester neutre. Elle continue : "Les gens font vite l’amalgame entre parrainage et soutien : "la maire a donné son soutien à tel parti donc elle est de ce bord-ci. Je ne veux pas risquer la zizanie dans le village pour un parrainage". 

"Ne pas risquer la zizanie"

Marie-Luce Burri a pourtant été sollicitée dès début 2021 pour accorder son parrainage : « Pendant une certaine période je recevais au moins chaque semaine un mail d’un candidat différent ». Un démarchage jusque devant la porte de sa maison… « Ils savent nous trouver, mais je suis têtue ! », insiste-t-elle. Le risque de diviser l’opinion dans une petite commune reste trop grand, selon la maire, et les conséquences seraient trop préjudiciables pour le fonctionnement de la municipalité. Alors l’abstention est de rigueur. 

Pour le maire de Sedan (Ardennes), Didier Herbillon : "si un candidat est un républicain avéré et qu'il ne peut pas se présenter, c'est malheureux". Le Sedanais, étiqueté Parti socialiste, a déjà été sollicité par tous les candidats déclarés à l'exception de Marine Le Pen, Eric Zemmour et Valérie Pécresse. Il donnera son parrainage à Anne Hidalgo : "l'acte du parrainage est très particulier. Je suis maire de Sedan, mais à travers cette décision, je ne représente pas les habitants de ma ville. C'est un acte personnel".

A Colombey-les-deux églises, le maire ne donnera aucun parrainage.
A Colombey-les-deux églises, le maire ne donnera aucun parrainage.  © France Télévisions



Si cette affirmation est vraie pour la majorité des maires de France, à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne), les choses sont un peu plus complexes. Pascal Babouot, maire du village depuis 2001, précise : "Je m'interdis de donner un parrainage. Ici, la situation est très particulière, car Colombey est intimement liée au Général De Gaulle. Tous les candidats se revendiquent gaulliste. Si je fais un choix, cela pourrait donner plus de légitimité au candidat".

Heureusement pour les prétendants à la présidence de la République, il n'y a qu'un Colombey-les-Deux-Églises pour plus de 40 000 élus locaux en France. 

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