L'affaire du cercle de jeux parisien Concorde, dont le procès s'ouvre lundi pour quatre semaines devant le tribunal correctionnel de Marseille, a l'accent corse et des airs de la série "Mafiosa".
Vingt prévenus devant la justice
Des membres du milieu, un banquier suisse et l'ex-gendarme Paul Barril, comparaissent notamment pour association de malfaiteurs, blanchiment et extorsion de fonds, dans ce dossier "d'un affairisme sournois et assassin" de l'avis du parquet. Ils risquent jusqu'à 10 ans de prison. Le sang a coulé en effet, avec deux meurtres non élucidés en marge de l'affaire. Faute de preuves, l'accusation s'est recentrée sur la gestion du cercle de jeux, aussi lucrative qu'opaque, et les rivalités, musclées, qu'elle a suscitées.
La tuerie du bar des Marronniers en 2006
Tout commence à l'été 2006, quand la police découvre que le gérant d'une brasserie très courue d'Aix-en-Provence, Paul Lantieri, natif de Bastia, est impliqué dans les suites d'un triple assassinat survenu au bar des Marronniers à Marseille en avril de la même année: il a aidé l'un de ses auteurs, Ange-Toussaint Federici, dit "ATF", à soigner une blessure. Or à l'époque, Lantieri, dont "La Rotonde" à Aix et le train de vie sont déjà dans le collimateur de la justice, investit beaucoup d'argent dans un restaurant attenant au Cercle Concorde à Paris, "Le Rich", avec un banquier genevois, François Rouge, son associé depuis 2000 dans la société suisse Sextius. En janvier 2007, deux mois après l'inauguration, très mondaine, de l'établissement de jeux, Lantieri est arrêté en même temps que Federici pour l'affaire des Marronniers.
La société suisse Sextius
Le premier est relâché mais des perquisitions révèlent l'ampleur de sa surface financière et ses liens avec un des parrains présumés de la pègre corso-marseillaise, Dominique Venturi, dit "Nick", partenaire occulte de Sextius. Des écoutes téléphoniques indiquent surtout que le Concorde, que ses statuts associatifs vouent sur le papier à "promouvoir l'idéal républicain", servirait à blanchir de l'argent illicite, tout en alimentant de sombres querelles entre certains "membres bienfaiteurs" pas toujours avouables.
Le Cercle Concorde et ses clans
Fermé en 1988 sur les Champs-Elysées, le cercle avait été relancé rue Cadet, entre 2004 et 2006, par des proches de Lantieri associés à Edmond Raffali, son ancien directeur. Bénéficiant alors, au vu du flou qui l'entourait, d'une "tolérance administrative accablante" de la part du ministère de l'Intérieur, selon les juges. Mais rapidement, l'ambiance s'envenime entre Lantieri et Raffali - "je veux savoir ce qu'il y a comme argent et où il part", s'emporte un jour ce dernier - qui en appellent au printemps 2007 à l'arbitrage de leurs financeurs clandestins: Roland Cassone, décrit dans le dossier comme un "vieux monsieur" qui "fait penser à Marlon Brando dans Le Parrain"; Marcel Ciappa, "recouvreur de créances"; Jean-François Federici, frère d'"ATF", et Jacques Buttafoghi, deux membres de la bande corse dite de la Plaine orientale, alors en plein essor.Ces derniers s'allient au clan Raffali tandis que dans l'autre camp, le banquier François Rouge fait appel, pour défendre ses intérêts, audit "Mario", un consultant en affaires africaines que lui recommande l'ex-gendarme Paul Barril, contacté via l'avocat Jacques Vergès. Au final, le rapport de forces profite au clan Federici qui fait main basse sur le Cercle - où il avait déjà mis un pied via une société de sécurité que l'on retrouvera au Wagram - et en exclut Lantieri - "qu'il arrête maintenant, sinon on ne va plus être fâchés, on va être ennemis", lui fait dire un jour Buttafoghi.