L'Assemblée de Corse a décidé vendredi de renégocier la délégation de service public (DSP) maritime entre l'île et le continent pour les dix prochaines années avec les compagnies de navigation dont les offres ont été estimées insatisfaisantes.
L'Assemblée a voté à l'unanimité une proposition de l'Office des transports de la Corse (OTC) de rejeter les deux offres présentées pour le renouvellement pour dix ans de la DSP à partir du 1er janvier 2014. L'offre du groupement composé par la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la Méridionale a été estimée trop onéreuse (107 millions d'euros par an) au lieu des 104 millions proposé par l'OTC. La seconde, présentée par la compagnie italienne Corsica Ferries, a été rejetée pour des raisons techniques, le nombre de navires proposés pour assurer la DSP entre Marseille et les ports corses étant insuffisant. Six des treize car-ferries de cette compagnie sont en outre trop anciens pour assurer la mission de DSP entre Marseille et les cinq ports corses.
Le Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse va donc demander aux compagnies de présenter de nouvelles offres pour relancer une procédure de négociation qui doit aboutir avant le 30 septembre. Un point d'étape sera fait début juillet par l'assemblée. De l'avis des représentants de l'OTC comme des compagnies de navigation, la marge de manoeuvre est très étroite en vue d'aboutir.
Un amendement, présenté par la groupe nationaliste Femu A Corsica (Faisons la Corse, 11 élus sur 51) et demandant la suppression du plafonnement de l'offre à 104 millions d'euros par an, a toutefois été adopté.
La reprise des négociations va se dérouler dans un contexte tendu en raison notamment de l'incertitude portant sur l'avenir de l'opérateur historique du transport maritime Corse-continent, la SNCM. Les représentants des cinq syndicats de cette compagnie et ceux de la Méridionale ont exprimé leur inquiétude au ministre délégué aux Transports Frédéric Cuvillier, lors d'une réunion le 4 juin à Marseille. Restructurée et privatisée de 2002 à 2006, la SNCM, qui compte 1.400 salariés dont une grande partie résidant en Corse, a été condamnée en mai par la Commission européenne à rembourser 220 millions d'euros d'aides publiques indument perçues, selon Bruxelles.
L'Etat français a annoncé qu'il ferait appel de cette sanction.
Direction comme syndicats de la SNCM attendent maintenant l'intervention de l'Etat. Ils mentionnent notamment une lettre du président François Hollande à celui de la région PACA, le socialiste Michel Vauzelle. Dans ce courrier daté du 28 mai, le chef de l'Etat souligne la nécessité de "la construction d'un plan industriel assurant la pérennité de la compagnie et préservant le maximum d'emplois". Le gouvernement va devoir dans ce but se tourner vers le groupe Veolia, actionnaire majoritaire de la SNCM avant la réunion du conseil de surveillance de la compagnie prévu le 20 juin à Paris notamment pour préserver l'emploi, a-t-on souligné de source proche du dossier. D'autant qu'un préavis de grève a été déposé pour le 27 juin, deux jours avant que le Tour de France ne parte de Corse, une première dans l'histoire de l'épreuve cycliste. "Si l'Etat respecte ses engagements et apporte dans les prochains jours les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre la prochaine DSP, nous pourrions lever ce préavis", a déclaré vendredi à Ajaccio le représentant des marins CGT de la SNCM, Frédéric
Alpozzo.
L'Assemblée nationale doit enfin décider le 12 juin de la création d'une commission d'enquête sur les conditions de la privatisation de la SNCM, demandée par les députés radicaux de gauche, dont celui de Haute-Corse Paul Giacobbi, également président du Conseil exécutif de Corse.