Le leader mondial du contrôle qualité, l'allemand TÜV, est-il oui ou non en partie responsable du scandale sanitaire des implants mammaires frauduleux PIP, qu'il était chargé de certifier ? Un tribunal toulonnais devrait trancher jeudi après-midi au civil.
Trouver un débiteur
Dans cette procédure, distincte du procès pénal tenu au printemps, des porteuses et des distributeurs de prothèses de l'entreprise varoise Poly Implant Prothèse (PIP) réclament au géant allemand TÜV plus de 50 millions d'euros d'indemnités, estimant que la fraude n'aurait pu se produire sans des défaillances répétées dans ses inspections. L'enjeu est de trouver un débiteur pour indemniser les victimes, dans la mesure où au pénal, les cinq prévenus (d'anciens cadres et dirigeants de PIP dont son fondateur Jean-Claude Mas) ne sont pas solvables.Six distributeurs - un bulgare, un brésilien, un italien, un syrien, un mexicain et un roumain - lui réclament donc 28 millions d'euros, et plus de 1.600 porteuses, essentiellement sud-américaines mais aussi françaises et anglaises, demandent, elles, 16.000 euros chacune au titre notamment du préjudice moral et d'anxiété, soit environ 25 millions d'euros.
Quid du contrôle ?
Lors des plaidoiries le 22 mars, les avocats des distributeurs et des victimes avaient avancé que TÜV n'avait jamais vérifié les implants, et s'était limité au seul contrôle de la paperasse de l'entreprise. Ce contrôle avait été aisément contourné par PIP, prévenu à l'avance des visites du certificateur, malgré les "pouvoirs étendus" (inspections inopinées, tests d'échantillons, saisie des stocks) dont il disposait."Il aurait suffi d'une seule visite chez Nusil (le fournisseur de silicone officiellement déclaré par PIP, NDLR) pour découvrir le pot-aux-roses (...) Il aurait suffi d'examiner une seule des centaines de milliers de prothèses", s'était indigné à l'audience Me Olivier Aumaitre, avocat des distributeurs.
"TÜV a rendu crédibles, dans le monde entier, des produits qui ne le méritaient pas", avait résumé Me Laurent Gaudon, conseil de victimes. "J'ai entendu une belle histoire, mais ce n'est pas la réalité de la réglementation. Ce n'est pas TÜV qui apposait le marquage CE sur les prothèses", avait répliqué l'avocate de TÜV, Me Cécile Derycke, soulignant que la mission du groupe était de contrôler le procédé de fabrication, et non les implants eux-mêmes. L'avocate du certificateur avait mis en avant l'"escroquerie de grande ampleur" montée par PIP. "Nous ne sommes ni une autorité de surveillance, ni un fonds d'indemnisation", avait-elle ajouté.
Les questions du parquet
De son côté, le parquet n'avait pas semblé convaincu de la responsabilité de l'allemand. "Les victimes doivent être indemnisées, elles le seront, est-ce que c'est ici ?", s'était demandé le procureur Nicolas Bessone, tout en soulignant le manque de curiosité de TÜV pour ce "petit client". Il avait également évoqué un nouveau règlement européen, directement inspiré de l'affaire PIP, qui doit rendre obligatoires les contrôles inopinés. "Si on en a besoin, c'est qu'on ne peut reprocher à TÜV d'avoir manqué à ses obligations", avait-il estimé.Début mai, la justice avait autorisé, dans le cadre de cette procédure, les six distributeurs à saisir à titre conservatoire les comptes bancaires de la filiale française du certificateur à hauteur de 900.000 euros, décision confirmée depuis par un juge de l'exécution de Nanterre en région parisienne. Une décision "symbolique" sur des "points techniques et procéduraux", selon l'avocate de TÜV; une "décision intéressant le fond" du dossier, considère au contraire Me Aumaitre. Le groupe a par ailleurs été assigné fin août en Allemagne par l'une des caisses d'assurance-maladie AOK, l'AOK Bayern, qui assure un peu plus de 4 millions de personnes. Trois cents Argentines porteuses de prothèses ont également déposé une plainte collective en Argentine, exigeant 41 millions d'euros de dommages et intérêts, contre PIP et TÜV.