Une sortie repoussée maintes fois, une famille princière en colère, un conflit artistique entre Olivier Dahan et son puissant distributeur américain, une star, Nicole Kidman, qui en incarne une autre : "Grace de Monaco" a juste le bon dosage de scandale et de glamour pour ouvrir le Festival.
Flash back 2007 : le réalisateur français Olivier Dahan est auréolé du triomphe de "La Môme", un film qui conquiert les Etats-Unis sous le titre "La Vie en rose" et vaut à Marion Cotillard l'année suivante un Oscar pour son interprétation d'Edith Piaf.
Avec le succès, les projets d'envergure sont possibles et le réalisateur choisit un autre monstre sacré: la star Grace Kelly qui avait rencontré son prince lors du festival de Cannes où elle était venue présenter "Le crime était presque parfait" d'Alfred Hitchcock. Au sommet de sa gloire, à 27 ans, l'Américaine quitte tout pour épouser Rainier en 1956.
Acheté par une bonne partie de la planète
C'est Nicole Kidman (doublée par Julie Gayet) qui incarne cette beauté froide tandis que Tim Roth prête ses traits à Rainier III. Mais ce n'est pas ce conte de fées que Dahan raconte: nous sommes en 1962, Caroline et Albert sont nés. Grace, qui a du mal à endosser ses habits de princesse, est tentée de quitter le Rocher pour retrouver Hollywood tandis que Monaco est en conflit fiscal ouvert avec la France.Très attendu, le film doit sortir en janvier, puis la date est repoussée sans explication au 19 mars. Il sera finalement dévoilé mercredi en avant-première mondiale à Cannes. Il sortira en même temps en France et dans de nombreux pays, car le film a été acheté par une bonne partie de la planète, y compris en Chine.
Les pires rumeurs
Alors pourquoi ces retards, qui alimentent les pires rumeurs ? Olivier Dahan est en conflit artistique avec le distributeur Harvey Weinstein, "grand sorcier" des Oscars et génie du marketing, qu'il accuse de vouloir "un film commercial, au ras des pâquerettes, en enlevant tout ce qui dépasse". Ce bras de fer dure depuis des mois. L'Américain, qui a propulsé "The artist" aux Oscars avec sa moisson de récompenses, a fait monter la pression en laissant entendre qu'il pourrait abandonner le film mais, en fait, les discussions continuent
toujours.
Stéphanie défend son père
Partout ailleurs dans le monde, et bien sûr sur la Croisette, le film sortira dans la version voulue par Olivier Dahan. "On est en France et à Cannes. La seule version est la version du réalisateur", a tranché Thierry Frémaux, délégué général du festival.
Comme si cela ne suffisait pas, les enfants de Grace, décédée le 14 septembre 1982 dans un accident de voiture sur les hauteurs de Monaco, ont fort bruyamment fait savoir qu'ils n'approuvaient pas l'oeuvre. Albert II, Caroline et Stéphanie, qui n'ont pas vu le film, ont publié un communiqué pour critiquer une "bande-annonce fantaisiste" laissant deviner une "page de l'histoire de la Principauté, basée sur des références historiques erronées et littéraires douteuses".
Ce week end, Stéphanie a enfoncé le clou dans la presse : le film, qui "n'aurait jamais dû exister (...) ne fait pas l'éloge de Monaco, ni du grand homme qu'était mon père, le prince Rainier", a-t-elle lancé.
Appel à poser les appareils photos
Et d'appeler les photographes à "poser leurs appareils" lorsque l'équipe du film montera les marches. Dahan et son producteur Pierre-Ange Le Pogam soulignent pourtant qu'ils ont communiqué plusieurs versions du scénario, y compris le texte final, au Palais. Ils ont eu sans problème les autorisations de tournage dans la Principauté.Plus que la "glamourisation", c'est le projecteur braqué sur les graves dissensions de l'époque entre Rainier et Charles de Gaulle qui déplaît au Palais, estime l'équipe du film. "Quand je lis dans leur communiqué que tout cela n'a été fait +qu'à des fins commerciales+, je me sens insulté", a répliqué Dahan.
"Je sais qu'ils sont bouleversés... C'est aux enfants de protéger leurs parents", a confié diplomatiquement au Daily Mail Nicole Kidman, disant son "grand respect" pour Grace.
Déjà, un biographe officiel du Rocher s'insurge contre des invraisemblances. La polémique ne fait que commencer.