Voici ce qui a motivé la Cour d'appel d'Aix à condamner Sylvie Andrieux à 4 ans de prison dont 3 avec sursis. La députée de Marseille était poursuivie pour détournement de fonds."Elle a discrédité la région Paca", juge la Cour. Notre reporter J-F Giorgetti s'est procuré l'arrêt.En voici des extraits
Sylvie Andrieux a été condamnée lundi en appel à quatre ans de prison dont trois avec sursis. La Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a rendu un jugement plus sévère que celui, de première instance rendu par le tribunal correctionnel de Marseille. d'une amende 100.000 euros et de 5 ans d'inéligibilité. La députée de Marseille exclue du PS a déposé un pourvoi en cassation. La Cour la juge coupable d'avoir détourné un peu plus de 700 000 euros de fonds publics de la région Paca.
"Distribution de fonds publics à des escrocs"
Les magistrats de la Cour d'appel jugent que Sylvie Andrieux :a ainsi discrédité la Région (Paca), attenté à son fonctionnement normal des règles démocratiques et trahi la confiance de ses électeurs en favorisant grandement la distribution de fonds publics à des escrocs à des fins clientélistes…"
Ces propos sévères sont signés par la Présidente de la 5ème chambre des Appels Correctionnels de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence. L’arrêt a été rendu le 23 septembre au matin, en l’absence de la députée des Bouches-du-Rhône. Dans ce document de 67 pages, les magistrats détaillent avec minutie les motivations qui les ont conduits à aggraver la condamnation de Sylvie Andrieux.
Condamnée à trois ans de prison en première instance
Le 22 mai 2013, la députée de Marseille Sylvie Andrieux, exclue du groupe socialiste, est condamnée à 3 ans de prison dont 2 ans avec sursis, 100 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité. La parlementaire était jugée à Marseille, en compagnie de 22 prévenus dont certains affichent plusieurs condamnations à leur casier judiciaire. Douze font appel du jugement du Tribunal Correctionnel de Marseille.La victime, le conseil régional de Paca
Le 2 juin 2014, ouverture à Aix-en-Provence du procès en Appel. Sylvie Andrieux arrive flanquée de ses 2 avocats. Un pénaliste et un spécialiste en droit public. Pendant les six jours d’audience, la députée des quartiers nord de Marseille va nier pied à pied l’accusation de détournement de fonds publics au profit d’associations "coquilles vides". La victime est le Conseil Régional Provence Alpes Côte d’Azur pour un montant de 716 593 euros.Selon elle, le conseil régional aurait dû déceler les fausses factures
L’ancienne vice-présidente du Conseil Régional Provence Alpes Côte d’Azur (de 1998 à 2009) notamment en charge de la politique de la ville, plaide l’incurie ou l’incompétence des services d’instruction du Conseil Régional Paca, qui, selon elle, n’ont pas décelé les fausses factures, faux devis et bilans. Les magistrats expliquent que la défense de Sylvie Andrieux est inopérante "en ce qu’elle argue de l’insuffisance des services d’instruction (de l’institution) qui seraient fautifs en ce qu’ils n’auraient pas décelé la fausseté des pièces jointes aux dossiers de demandes de subventions."Sylvie Andrieux avait en effet la main sur les crédits relevant de la politique non contractualisée de la ville…"
Un climat imposé par l'élue
Plus loin dans l’arrêt, les magistrats relèvent le climat imposée par l’élue au sein de la collectivité. Christian De Leusse a été chargé de mission jusqu’en 2002 au service de la politique de la ville à la Région Paca. Il est l’auteur d’une note du 19 juillet 2002 adressée au directeur général des services, François Langlois, dans laquelle étaient décrites les dérives des pratiques auxquelles étaient contraints les services de la ville.
Christian De Leusse s’est vu inviter en 2002 par Sylvie Andrieux à quitter le service après avoir précisé qu’il ne pouvait plus supporter les dérives qu’il déplorait…"
"Je ne céderai rien"
Un verbatim d’une réunion tenue le 5 février 2012 est annexé à la note précitée du 19 juillet 2002 et est édifiant quant aux propos tenus à cette date par Sylvie Andrieux qui, concordants avec ceux rapportés par la majeure partie des témoins, ne peuvent être considérés comme ayant été effectivement proférés par l’intéressée :
Je ne céderai rien : la volonté politique prime. Je veux que les dossiers passent sans baisser les montants. Langlois est ok pour ne pas baisser. Je vous demande d’instruire les dossiers, voyez comment les redéployer. Pas un seul dossier ne doit passer à travers. Qu’on n’essaie pas d’arranger la technostructure sur notre dos. Langlois demande en contre partie mon soutien pour d’autres choses. Il faut en passer un maximum chez nous. »
Plus loin encore les magistrats de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence constatent que Sylvie Andrieux "parle et écrit aux services à l’impératif, ce qui démontre qu’elle se comporte comme un chef décisionnaire quant au sort des demandes de subventions et non pas comme une interface politique".
"Des vannes ouvertes dans un but clientéliste"
La charge contre l’élue exclue du Parti Socialiste continue. Les juges s’appuient sur le témoignage de Rolland Balalas, proche collaborateur, lui aussi impliqué dans cette affaire de détournements de fonds publics
Le fait d’aider abondamment les associations était le résultat d’une stratégie politique. En effet, les vannes sont ouvertes en grand dans un but qu’on peut qualifier de clientéliste ou d’électoraliste. (...) Sylvie Andrieux se foutait complètement de savoir si ce que l’on finance est bon ou pas dans la mesure ou à un moment donné, ça fait du chiffre et ça augmente sa popularité".
Sylvie Andrieux réfutait obstinément le tout.
"Les deniers des contribuables partis en fumée"
Au chapitre des peines :
"Sylvie Andrieux sera sanctionnée par la peine de quatre ans d’emprisonnement dont trois assortis du sursis. La partie ferme de la peine privative de liberté d’une année, étant rendue nécessaire par la gravité des faits qu’elle a commis et l’ampleur du préjudice financier qu’ils ont généré chiffré à plus de 700 000 euros s’agissant des deniers du contribuable partis en fumée afin de servir non pas l’intérêt général mais son intérêt personnel et électoral. »
"Des fautes intentionnelles de Sylvie Andrieux"
Sur l’Action Civile, autrement dit la réparation du préjudice subi par le Conseil Régional Paca. Les avocats de Sylvie Andrieux ont "demandé à la cour de constater la gravité des dysfonctionnements des services administratifs de la Région Paca " qui a débloqué des subventions "sans contrôler la cohérence et le fond des dossiers… " Réponse des magistrats : "l’instruction n’a pas mis en évidence des fautes imputables à la région qui n’a ainsi pas concouru à son préjudice ayant été directement et personnellement victime de conséquences causées par les fautes intentionnelles de Sylvie Andrieux et de Rolland Balalas qui ont, par leur infraction, détourné des fonds publics au détriment de la collectivité."
"Elle avait muselé tous ceux qui avaient osé émettre des doutes"
Sylvie Andrieux avait, quoiqu’elle en dise, autorité sur les services dont elle avait muselé ou neutralisé tous ceux qui avaient osé émettre des doutes quant au sérieux des dossiers de demandes de subventions qu’elle supportait."
Les magistrats abordent l’aspect dommage et intérêts au profit de l’Institution Régionale. Sylvie Andrieux et Rolland Balalas, l’un de ses plus proches collaborateurs au moment des faits visés dans cette affaire (de 2005 à 2008), doivent régler la somme de 716 593 euros.
La Cour de Cassation se prononcera dans plus de 8 mois
Juste après l’annonce, le mardi 23 septembre, la parlementaire, bien qu’absente, a fait savoir par la voix de ses avocats qu’elle allait se pourvoir en cassation. Ce dernier recours a pour effet de suspendre la condamnation. Les magistrats de la plus haute juridiction française devraient rendre leur décision d’ici 8 mois à 1 an.