C'est la crise à l'Institut d'Etudes Politiques (IEP) d'Aix-en-Provence. L'externalisation de diplômes en partenariat avec des écoles privées a soulevé l'inquiétude dans l'univers des "Sciences-Po" qui le menacent d'exclusion.
Une polémique sur le port du voile , puis "l'externalisation d'une spécialité de master" sont à l'origine de l'état de crise que traverse l'Institut d'Etudes Politiques d'Aix-en-Provence.
L'externalisation de diplômes, par le biais de partenariats controversés avec des écoles privées, a provoqué l'inquiétude des étudiants et des autres "Sciences Po" de province qui le menacent d'exclusion.
"L'IEP traverse depuis quelques jours une crise", a reconnu la direction dans un communiqué du 10 octobre.
La crise a démarré en juillet avec la démission de quatre enseignants dont deux élus du conseil d'administration de l'institut à propos de la question des diplômes.
Depuis plusieurs années, l'IEP d'Aix a multiplié, moyennant finances, les partenariats avec des écoles et organismes privés en France (Institut de gestion sociale, Centre d'études supérieures industrielles) ou à l'étranger.
Ainsi sont nés "Sciences Po Île Maurice" , "Sciences Po Réunion", "Sciences Po Arménie" ou encore un accord avec l'Université professionnelle d'Afrique de Kinshasa (RDCongo) qui délivrent un master équivalent à celui des étudiants ayant suivi, après un concours difficile, le cursus à Aix.
Sciences Po Aix aurait aujourd'hui 200 étudiants dans le cadre de partenariats externalisés pour 280 "internes".
"Des diplômes au rabais"
"C'est inacceptable", jugent les représentants des étudiants en dénonçant des "diplômes au rabais" qui dévalorisent selon eux leur propre titre universitaire.
Fin septembre, les responsables des six autres Instituts d'études politiques -Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg, Toulouse et Saint-Germain-en Laye- ont sommé le directeur de l'IEP d'Aix, Christian Duval, de s'expliquer sur cette externalisation, menaçant d'exclure Aix du concours commun
d'entrée et fixant au 10 novembre la date butoir.
Fronde
Au lendemain d'une première manifestation d'étudiants, le 9 octobre, Christian Duval a annoncé "l'abandon des masters externalisés" litigieux et proposé d'attendre les résultats d'un audit sur la question. Il a annoncé par ailleurs qu'il engagerait "sa responsabilité" devant le Conseil d'administration de l'IEP présidé par la directrice du FMI, Christine Lagarde.
Mais la fronde s'est poursuivie chez les étudiants : lettre ouverte de leurs représentants et de l'association des doctorants, mise en ligne d'une pétition et nouvelle manifestation, le 28 octobre pour réclamer cette fois la démission de Christian Duval.
"J'ai dénoncé tous les partenariats avec les écoles à l'étranger où, depuis 2012, nous organisions en formation continue ou en alternance le master Management de l'information stratégique"
a répété le directeur de l'IEP Aix lors d'un point de presse après la manifestation.
Ce dernier chiffre à 80 le nombre de masters délivrés à l'étranger. Les partenariats qui devaient débuter en 2014 ont également été dénoncés. Seule la convention avecl'IGS qui lie les deux écoles jusqu'en 2018 a été maintenue. Christian Duval assure avoir le souci de "préserver le concours commun" qui sera présenté le 15 novembre.
En visite à Marseille mardi, la ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem a temporisé :
"C'est un équilibre à trouver, pour ne pas être trop tiré vers la privatisation. Le directeur de Sciences Po Aix en a conscience. Il est en train de travailler sur ce sujet.
Je lui laisse le temps d'y travailler, pour rééquilibrer si besoin. Un diagnostic est en train d'être fait", a-t-elle dit. Mais "il ne faut pas tendre vers une trop grande privatisation des enseignements",a-t-elle ajouté.
Réunis en assemblée générale, lundi, les élèves de l'institut qui déplorent par ailleurs une absence de transparence et demandent un audit 'indépendant", ont appelé à une "journée banalisée" ce jeudi, les discussions devant remplacer les cours.
Au même moment, leur directeur doit s'expliquer devant les six autres responsables d'IEP.
Il doit rencontrer également la directrice générale de l'enseignement supérieur.