La principauté de Monaco dénombre 76 juifs arrêtés sur son sol puis déportés en 1942 et 1944, mais elle a résisté à la plupart des injonctions antisémites dictées par le régime de Vichy et l'Allemagne nazie, conclut ce jeudi un rapport d'experts.
Serge Klarsfeld, inlassable militant de la mémoire et historien de la Shoah, a apporté son blanc seing à ce rapport dont l'objectif était d'établir "la liste
des personnes juives de Monaco arrêtées et déportées durant la Seconde guerre mondiale".
Dans un premier temps, la principauté "se refuse à légiférer contre les juifs", distingue M. Klarsfeld, l'un des quatre experts du rapport, fait à la demande du prince Albert.
Monaco, Etat souverain qui revendique sa neutralité, est lié à la France par un traité de 1918 qui l'oblige à ne pas agir contre les intérêts français. Des courriers font état du refus de la principauté de légiférer contre les juifs.
En octobre 1940, le premier statut des juifs est promulgué par le gouvernement de Vichy, interdisant aux juifs d'exercer certaines professions. Une loi prévoit aussi l'enfermement des étrangers juifs dans des camps.
"Les juifs résidents de Monaco ont donc eu le sentiment très fort d'avoir été protégés et épargnés", précise le rapport, alimenté par des témoignages de reconnaissance.
Sous pression continuelle de Vichy, le ministre d'Etat (chef du gouvernement monégasque), Emile Roblot, finira par publier en février 1942 un statut des juifs qui ne les empêche toutefois pas comme en France d'exercer leurs professions. Néanmoins, une première rafle aura lieu en l'absence du prince souverain Louis II et de M. Roblot, en vacances en France et non informés, révèle le rapport. Vichy obtient d'un haut fonctionnaire français faisant l'intérim, la permission d'aller arrêter le 27 août 1942 des juifs réfugiés dans des hôtels à Monaco.
Reportage PEYRANO Bernard, SARA Jean-Marc, ROUX Dominique :
Directeur des archives du palais princier de Monaco - Maître Serge Klarsfeld - Avocat et historien.
Une rafle massive de juifs étrangers s'était en effet déroulée la veille en zone non occupée, notamment à Nice.
Soixante-six personnes seront arrêtées. Parmi elles, 45 seront déportées (Polonais, Allemands, Tchèques, Autrichiens, Allemands, Belges, Lituanien). Cinq survivront.
"Le jour de la rafle, j'avais 7 ans, mes parents avaient été prévenus", raconte Jacques Wolzok, membre de la communauté juive monégasque, qui indique que son père a remercié le prince après la guerre.
Le prince souverain Louis II de Monaco, général de l'armée française et pétainiste, n'aurait peut-être pas permis la rafle, juge avec bienveillance
M. Klarsfeld. Pour Thomas Fouilleron, directeur des archives du Palais princier, "l'absence du prince n'est pas une fuite". "Monaco est un petit Etat
qui essaie de gagner du temps et ne pas attirer les foudres de Vichy".
Le 8 novembre 1942, les armées anglo-saxonnes débarquent en Afrique du nord, les Italiens occupent la principauté, puis les Allemands à partir de septembre 1943. S'en suit l'une des périodes de rafles les plus dures, à l'exception de la principauté plutôt obligeante avec l'occupant.
Mais 31 personnes sont arrêtées par la Gestapo en 1944 (Français, Allemands, Polonais, Roumains, Autrichiens, Turcs, Argentins, Russe) dont 9 résidents monégasques. Deux déportés survivront. La police monégasque n'y participe pas, mais ne s'y oppose pas. (Avec AFP)