Des soignants dénoncent l'inégalité de la répartition de la "prime covid" dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. Alors qu'elle s'élève à 1.500 euros dans certains hôpitaux, les soignants du service de réanimation de Digne ne toucheront que 500 euros.
"Je suis en colère. Pendant toute la pandémie, le gouvernement a porté les services de réanimation sur un piédestal. Maintenant, on se sent oublié". Émilie Tonarelli est infirmière en réanimation à l'hôpital de Digne.
C'est le seul service de réanimation habilité à recevoir des malades du coronavirus dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. Pendant les deux mois et demi de confinement, Émilie Tonarelli a été en première ligne, au chevet des patients atteints du coronavirus.
"C'était une période extrêmement stressante, avec la peur de contaminer nos familles une fois rentrés chez nous". Aujourd'hui, elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas bénéficier de la prime exceptionnelle de 1.500 euros promise par le gouvernement.
Les conditions d'attribution de cette prime sont fixées par un décret daté du 15 mai dernier. Dans les départements les plus touchés comme les Bouches-du-Rhône, l'Île-de-France ou le Grand-Est, elle atteint 1.500 euros.
#Coronavirus #COVID19 | Communiqué de presse
— Ministère des Solidarités et de la Santé (@MinSoliSante) April 15, 2020
Le @gouvernementFR annonce une prime exceptionnelle attribuée aux professionnels hospitaliers, dès le mois de mai.
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Les Alpes-de-Haute-Provence épargnées par le Covid
Avec 13 morts du coronavirus, les départements alpins font partie des territoires les moins touchés. Le gouvernement y a donc fixé le montant de la prime à 500 euros seulement, comme dans 60 autres départements. "Pourtant, dans un service Covid, on fait face aux même risques", estime Émilie Tonarelli.
"Nous avons travaillé parfois avec des masques périmés, sans surchaussures. Des habitants ont dû nous fabriquer des surblouses".
Face à l'incompréhension du personnel soignant, le gouvernement a donc élargi la liste des hôpitaux éligibles à la prime de 1.500 euros à titre dérogatoire.
L'hôpital de Digne ne figure pas sur cette liste d'une centaine d'établissements publiée le 10 juin où figure pourtant... l'hôpital voisin de Manosque.
Incompréhensible, pour Sylvie Siano, cadre de santé au service réanimation de Digne.
"Que l'on touche moins que les collègues du Grand-Est, je peux comprendre. Mais dans ce cas, pourquoi nos collègues de l'hôpital de Manosque peuvent eux bénéficier des 1500 euros ?", interroge-t-elle.
Une différence de traitement d'autant plus difficile à comprendre pour Sylvie Siano que Digne et Manosque font partie du même groupement hospitalier territorial (GHT).
"C’est l'hôpital de Digne, en tant qu'établissement support qui a assuré la coordination pour l'ensemble des établissements de santé du département", rappelle-t-elle.
Avec ses collègues, elle a adressé une lettre au ministre de la santé, Olivier Véran.
Le risque de l'inéquité
"Le risque de toute prime, à partir du moment où elle n'est pas universelle, c'est l'inéquité", regrette de son côté Franck Pouilly, le directeur du GHT regroupant, entre autres, Digne et Manosque.
Il assure ne pas avoir été informé des critères retenus pour l'attribution de la prime de 1.500 euros.
"C'est d'autant plus étonnant que tous les centres SAMU de la région PACA peuvent donner la prime de 1.500 euros... sauf Digne". Contactée, l'agence régionale de santé n'a pas donné suite à nos solliciations.
Franck Pouilly va également devoir sélectionner au sein du personnel de l'hôpital de Manosque ceux qui pourront bénéficier des 1.500 euros. Car le décret lui interdit de la distribuer à plus de 40 % de son personnel. Les autres devront se contenter de 500 euros, comme le personnel Dignois.
"Nous avons plus de 120 métiers au sein de l’hôpital. Pour que le chirurgien travaille bien, il faut que le brancardier lui amène le patient et que le pharmacien lui fournisse le bon médicament. Il va falloir négocier avec les chefs de services, les syndicats. Ca va créer des dissensions entre les personnels", prévient-il.
Une augmentation de salaire plutôt que des primes
"Evidemment, on est très content pour les collègues de Manosque qui toucheront les 1.500 euros", assure Florence Walgenwitz, aide-soignante et déléguée CGT à l'hôpital de Digne. "Mais cette prime, c'est une grosse injustice".
Plutôt qu'une prime exceptionnelle accordée à une partie des personnels, le syndicat demande plutôt une revalorisation de salaire immédiate de 300 euros pour tous les hospitaliers. C'est une des revendications portées par la mobilisation nationale des soignants ce mardi 16 juin.
Quand à la "prime Covid", elle sera versée à tous les soignants des hôpitaux de Manosque et Digne avec la paie du mois de juillet. Qu'elle soit de 500 ou de 1.500 euros.