Dans une lettre adressée au ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun, le maire de Manosque, Camille Galtier, alerte sur la situation des urgences de sa commune, victime de fermetures à répétition. Voici pourquoi.
Le problème se répète inlassablement. En France, il manque des médecins et des services d'urgence ferment leurs portes. Parfois seulement la nuit, parfois lors de certaines périodes et d'autres fois, de manière définitive. Espérant éviter le pire, le maire de la commune de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) interpelle le ministre de la Santé dans un courrier qui lui a été adressé vendredi 12 mai 2023.
Il évoque un service des urgences "en grande souffrance à cause du manque de recrutement d'urgentistes". 35 000 personnes sont prises en charge par les urgences de Manosque chaque année. Le maire s'inquiète pour ces potentiels patients.
- Parce que les urgences sont fermées un jour sur trois
Dans cette lettre, le maire de Manosque, Camille Galtier dénonce : "j'apprends que les urgences vont cette fois-ci fermer une journée entière et de jour par manque d'urgentistes. Nous passons donc d'une régulation à une fermeture complète de jour. C'est une situation inédite qui peut en appeler d'autres et je le refuse".
Contacté, il précise qu'il y a eu une centaine de fermetures des urgences de Manosque au cours de l'année 2022, pour une centaine de patients par jour (c'est deux fois plus que Digne-les-Bains par exemple). "Le SMUR est assuré mais les urgences ont été fermées au public pour les interventions quotidiennes" souligne-t-il. En avril par exemple, les urgences étaient fermées presque toutes les nuits. Et le 19 mai, elles seront fermées le jour "parce qu'il n'y a pas assez de médecins urgentistes".
- Parce qu'il y a de plus en plus de "régulations"
"C'est le jeu de la chaise vide" se désole Camille Galtier. Manosque est régulièrement dans une situation de régulation : les urgences vitales sont toujours assurées mais les autres patients sont réorientés.
"Depuis le mois de mars nous sommes en mode régulé", détaille Franck Pouilly, le directeur du groupement hospitalier de territoire des Alpes-de-Haute-Provence. Concrètement : une infirmière prend les constantes de chaque patient qui arrive aux urgences et le classe dans la CCMU (classification clinique des malades aux urgences), de 1 à 5, du "moins grave" au "plus grave". Les patients de niveau 1, qui relèvent de la médecine de ville, sont réorientés vers un médecin de ville.
Cette méthode de fonctionnement répond au manque de médecins urgentistes : "ils devraient être quatre par jour et deux par nuit or ils ne sont parfois que trois" explique Franck Pouilly.
- Parce que l'hôpital cherche toujours 9 médecins urgentistes
Au total, 9 postes de médecins urgentistes sont ouverts au CHU de Manosque. Seuls 7 médecins urgentistes exercent actuellement sur les 16 que devrait compter l'établissement, rapporte le maire de la ville. "Cela fait un an que nous tentons de recruter" assure le directeur du groupement hospitalier de territoire des Alpes-de-Haute-Provence.
"Je suis las, je refuse et je m'oppose à ce laxisme consistant à laisser se déliter l'hôpital public cher aux Français" écrit le maire de Manosque au ministre de la Santé. Et de reprendre : "Vanter le modèle de protection sociale à la Française est une chose, mais le protéger et permettre aux Français de se soigner en toute sécurité est une obligation."
- Parce qu'il y a de moins en moins d'intérimaires
Pour Franck Pouilly, le problème, c'est aussi que depuis la loi Rist, il est encore plus difficile de trouver des intérimaires (dans toute la France). Or, "ce statut représente 20% du personnel des urgences de France".
C'est très difficile pour les soignants de devoir fermer parce que c'est antinomique de leur métier. Nous regrettons de devoir fermer. Quand nous le faisons, c'est de manière contrainte et forcée. Sans parler de la désorganisation que cela engendre avec des retours de patients le lendemain mais aussi avec une surcharge pour les hôpitaux des alentours le jour où nous sommes fermés. La situation se répercute sur tout le monde.
Franck Pouilly, le directeur du groupement hospitalier de territoire des Alpes-de-Haute-Provence
Une situation d'autant plus difficile qu'il ne manque que des médecins urgentistes, tout le reste fonctionne très bien, d'après Franck Pouilly.
- Parce que "les solutions doivent venir du ministère"
Camille Galtier qualifie cette situation de pénible et inconcevable pour les habitants. Il explique aussi que c'est au gouvernement de trouver des solutions. "Moi je veux simplement un hôpital qui fonctionne. Il a coûté 100 millions d'euros, c'est pas pour fermer une nuit sur trois. Sinon la population n'en tire aucun bénéfice", souligne-t-il.
C'est le travail du gouvernement de trouver des solutions. C'est à eux de décider, d'empêcher les urgences de fermer. La question de la régulation en médecine se pose sur tout le territoire national.
Camille Galtier, maire de Manosque
En avril, c'est la maternité de Manosque (avec celles de Digne-les-Bains et de Briançon) qui inquiétait. Le 25, le ministre de la Santé avait répondu, dans un courrier, au président de la région, que ces services ne fermeraient pas. Un gage du gouvernement salué par le maire de Manosque en préambule de sa lettre.