Face aux attaques de loups, les chiens de la protection sont devenus indispensables aux bergers pour surveiller leurs troupeaux. Mais la cohabitation avec les randonneurs de montagne est parfois source d'incidents, qui pourraient être évités.
"Quand on voit un troupeau, il y a peut-être de chiens, donc je vais parler fort pour voir s'il y a des chiens qui sortent." Munie de son bâton de marche, Béatrice Reynaud, éleveuse, formatrice sur la gestion des chiens de protection, avance dans un pré en apparence désert. Un scénario courant en montagne quand on fait de la randonnée.
Ces derniers jours, plusieurs attaques de chiens ont eu lieu dans les Alpes du Nord. Pour les spécialistes de ces animaux de protection, les problèmes surviennent le plus souvent à cause d'un comportement inadapté de l'humain confronté au chien, dressé pour réagir face à un prédateur menaçant le troupeau. La première règle est de ne pas paniquer.
Chez le chien, l'aboiement sert à identifier
"Oh là, les chiens... Ils font quoi les chiens ?", lance Béatrice Reynaud d'une voix forte pour porter à l'autre bout du champ alors qu'elle continue d'avancer. Aussitôt, des aboiements lui répondent. "Là, je sais qu'ils m'ont vue", explique-t-elle, poursuivant sa progression du même pas dans le pré en direction du troupeau.
Un chien accourt vers elle. "Quand j'arrive à sa hauteur, je m'arrête, pour qu'il puisse m'identifier, je vois qu'un deuxième chien n'a pas trouvé nécessaire de se déplacer". Le chien s'approche doucement. "Qu'ils aboient ou pas, ils n'ont pas l'intention de venir nous mordre, les chiens qui aboient ne sont pas plus féroces que ceux qui n'aboient pas, et ceux qui n'aboient pas ne sont pas moins féroces que ceux qui aboient".
"J'ai un bâton, je le garde le long du corps, je ne le mets pas en l'air vers le chien pour le faire partir", note l'éleveuse. La démonstration se poursuit alors qu'un patou évolue maintenant autour de Béatrice Reynaud, sans signe d'agressivité. "Je ne le fixe pas dans les yeux, mais je surveille un petit peu quand même, on ne sait jamais."
Si je le fixe ça va être une menace, il va se sentir en danger et il va réagir plus fort.
Béatrice Reynaud, formatrice sur la gestion des chiens de protectionà France 3 Provence-Alpes
Le regard joue un rôle essentiel. "Je tourne mon regard à un autre endroit que les brebis, et je signifie au chien que je ne s'intéresse pas à son troupeau. Si je vais vers le troupeau, il risque de réagir", ajoute l'éleveuse.
Autre mise en garde essentielle de Béatrice Reynaud : "Surtout, on ne caresse pas le chien". Et cela, pour une raison bien précise, ces chiens sont, en effet, éduqués pour garder les troupeaux, être "vigilants" face à tout intrus : "On ne veut pas qu'ils soient méchants avec l'humain, mais on ne veut pas qu'il recherche son contact".
"Pas plus mordeurs que les chiens de compagnie"
"Une fois que les chiens ont bien tout analysé, on peut repartir tranquillement" en s'écartant légèrement, car "même si le chien a accepté que je sois là, je ne vais pas aller vers le troupeau". Pour les cyclistes, il est impératif de mettre pied à terre. "On pousse son vélo pendant au moins 200-300 mètres, il faut bien largement dépasser le troupeau", conseille-t-elle.
Béatrice Reynaud combat les idées reçues sur ces chiens qui suscitent "des frayeurs". "Dans la majorité des cas, ça se passe très bien", souligne-t-elle. Les morsures sont rares. "Évidemment, il y en a quelques-unes", mais ces chiens "ne sont pas plus mordeurs que les chiens de compagnie".
La morsure d'un chien, c'est une réponse à une agression. D'où, l'intérêt d'avoir les bons gestes pour ne pas l'agresser involontairement.
Béatrice Reynaudà France 3 Provence-Alpes
De tout temps, les chiens ont toujours accompagné les bergers, mais avec le retour du loup, les éleveurs ont redécouvert l'usage des chiens Pyrénées pour garder seuls les troupeaux en parc, au milieu des alpages. Parfois, le troupeau peut atteindre 2000 brebis. Ces animaux sont éduqués pour décider seul dans l'urgence en cas de menace.
"Ils doivent prendre les bonnes décisions, car ce sont les premiers à détecter le danger, et la décision, il faut la prendre très rapidement au cas où c'est un prédateur. Si le chien réagit avec une ou deux secondes de retard, on peut avoir une brebis morte et on a déjà une perte", explique Béatrice Reynaud. "Ils ne viennent pas pour vous mordre, rassurez-vous, arrêtez-vous et laissez vous identifier", résume la formatrice, pour qui il est indispensable de "bien éduquer le public et de le rassurer".
Une meilleure connaissance de ces chiens, de leur éducation et de leur travail permettrait de limiter les incidents et faciliter la cohabitation avec les autres usagers des grands espaces.