A partir de la rentrée, le gouvernement souhaite interdire aux commerces de garder la climatisation allumée et la porte ouverte, pour éviter de gaspiller de l'énergie. A Antibes dans les Alpes-Maritimes, les commerçants craignent que les clients n'osent pas pousser une porte fermée.
Charlie, propriétaire d'une boutique de maillots de bain dans le vieil Antibes, est catégorique : "Les clients ne rentrent pas si la porte est fermée".
Si l'interdiction passe, ce patron admet qu'il ne la respectera pas. "Il n'y a que deux mois où on fait vraiment du chiffre d'affaires, c'est l'été, donc pour moi c'est priorité aux clients", explique-t-il.
Même son de cloche chez nombre de commerçants, qui tombent des nues en apprenant la nouvelle.
C'est n'importe quoi, s'emporte Raphaël, patron de deux boutiques de vêtements qui se font face. Evidemment qu'il y aura moins de clients, la porte fermée, ça ne donne pas envie. Je suis sûr que je perdrais 50% de ma clientèle
selon un commerçant.
Les clientes confirment : "je suis passée à l'aller, la porte était fermée donc je ne suis pas rentrée", admet une jeune fille venue essayer un pantalon à fleurs.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé la nouvelle dimanche 24 juillet dans un entretien au Journal du dimanche. Le décret devrait être publié en septembre prochain, et l'amende pourrait être salée pour les petits commerces : jusqu'à 750€ en cas de non respect de l'interdiction. L'objectif est de faire des économies d'énergie : laisser les portes ouvertes, "c'est 20% de consommation en plus", a assuré la ministre.
Un casse-tête
Même si de nombreux commerçants comprennent les motivations du décret et ont prévu de jouer le jeu, la situation vire parfois au casse-tête.
C'est le cas des commerces qui n'ont pas de vitrine et utilisent leurs portes ouvertes pour exposer des paréos et des tongs. "Les gens s'arrêtent pour regarder ce qu'il y a dehors donc tant pis, je couperais la clim' et il fera un peu chaud", se résigne Laurent, qui a ouvert sa boutique Bleu Soleil il y a trois mois.
Certains magasins alimentaires n'ont même pas de vitrine : à l'intérieur, il y a juste un comptoir et ils ferment avec un rideau de fer. "Je ne sais pas comment on fera. J'imagine qu'on va faire poser une porte-vitre comme dans nos autres boutiques", explique la responsable d'un magasin qui préfère rester anonyme.
Pam Robertson, vendeuse chez Antibes Books, une librairie spécialisée dans les livres anglophones, est déjà sur le coup : "j'ai parlé avec les propriétaires ce matin, il faut qu'on trouve une solution. La porte est trop lourde donc ce serait trop dangereux de la laisser fermée, on va demander à nos ouvriers s'ils peuvent nous en fabriquer une nouvelle", explique-t-elle, avec son accent anglais. "C'est sûr que c'est fou, on gaspille beaucoup d'énergie", admet-elle.
"Nous sommes ouverts"
Devant la boutique de bijoux Maria Roxana, la porte est entrouverte de seulement quelques centimètres. Sur la vitre, un autocollant indique "Nous sommes ouverts". A l'intérieur, Patrick Viala, le patron, n'a pas attendu le décret. Il avance des raisons "écologiques et économiques".
"J'en ai pour au moins 600€ par an plus des dizaines d'euros par mois de climatisation, en gardant la porte fermée. Alors, même si je perds un client de temps en temps, ça me coûte moins cher", assure ce chef d'entreprise qui applique cette décision depuis déjà plusieurs années.
Selon lui, la perte de clientèle ne serait pas considérable : "s'ils ont envie d'acheter quelque chose, les gens rentrent. Mais c'est vrai qu'ils vont peut être moins facilement rentrer juste pour profiter de la fraîcheur", explique ce commerçant.
Mais tous s'accordent sur un point : si tout le monde joue le jeu, les clients s'habitueront. "C'est comme avec l'interdiction des sacs plastiques, c'est une question d'éducation", confirme la responsable d'un magasin.
Ou encore comme les terrasses chauffées en hiver !