La 37e édition du FIJ conforte le succès des jeux de petits formats, moins coûteux, facile à transporter et à mettre en place, et pour autant, pas dépourvus d'intérêt.
Coûts de fabrication en hausse, pouvoir d'achat en baisse : au Festival international des jeux, qui s'est déroulé à Cannes, du 23 au 25 février, l'heure est aux petits formats pas chers, mais de plus en plus sophistiqués.
Longtemps cantonné à une poignée de classiques, le secteur des jeux de société s'est fortement développé depuis le début des années 2000, avant de connaître un boom spectaculaire avec les divers confinements liés au Covid.
Le jeu de l'inflation
En 2023, le secteur a encore enregistré un chiffre d'affaires de plus de 550 millions d'euros, soit 7% de plus qu'en 2019... mais 2% de moins qu'en 2022. Malgré une offre foisonnante de centaines de nouveaux jeux par an, l'essoufflement menace. La hausse des prix du papier et les aléas du transport depuis la Chine, principal lieu de fabrication, ont fait flamber les coûts, tandis que face à l'inflation et à la crise du logement, les boîtes de jeux qu'on ne sait plus où mettre ne sont pas une priorité.
D'où l'intérêt croissant pour les petites boîtes de jeux pas trop chères, comme le montre la liste des meilleures ventes sur certains sites de vente en ligne où rares sont les jeux au-dessus de 20 euros. Fin 2021, Nicolas Saleil, créateur de l'application "Olémains", a décliné ce jeu de cartes à deviner, mimer ou fredonner dans une boîte avec 600 cartes, un plateau, des jetons, etc, vendue autour de 30 euros.
Il s'en est écoulé 250.000 en deux ans, mais "aujourd'hui, on la ferait à 300 cartes et 20 euros", explique-t-il. Ce sera le format de "Mind Me", le nouveau jeu de sa société qui sortira en mai, où les joueurs doivent deviner les réponses de l'un d'entre eux à des questions loufoques ou personnelles.
Même son de cloche chez l'éditeur à succès Iello ("Code Names", "King of Tokyo"...) : "Avant, on partait facilement sur des boîtes avec des plateaux, des dés... Mais ça coûte plus cher et les gens sont moins disposés à dépenser", explique Laurène Chartier, chargée de communication.
"Maintenant, on a toujours des gros jeux, mais pour un public plus restreint. Le côté minimaliste plaît et on signera plus facilement un petit jeu", ajoute-t-elle.
"Réelles profondeurs de jeu"
Parmi les succès présents dans les allées bondées du festival, où 80.000 visiteurs sont désormais attendus chaque année, "Crack List" illustre cette tendance.
Auto-distribué par ses créateurs en 2022, ce jeu de cartes à 19 euros mélangeant "Uno" et "Petit bac" s'est déjà vendu à 300.000 exemplaires et s'attaque désormais aux marchés allemand, italien et américain.
Cette année, c'est "Trio" (Cocktail Games, 13 euros) qui a obtenu le convoité As d'Or du festival : un jeu de cartes déjà vendu à 100.000 exemplaires depuis sa sortie au printemps 2023.
Il mobilise mémoire, sens tactique et chance pour deviner les cartes des adversaires. Et si l'on commence à se lasser, des variantes permettent de pimenter le jeu. "Il y a toujours eu ces petits jeux, rapides, simples, qu'on dit jeux d'apéro. Mais ils commencent à proposer de réelles profondeurs de jeu, une plus grande complexité", se réjouit Cynthia Reberac, commissaire générale du festival.
C'est le cas de "Far Away" (Catch Up Games, 18 euros), un autre jeu de cartes dont le stand au festival était pris d'assaut et qui a été primé aux As d'Or dans la catégorie "Initié".
"Mais on continue à mettre en avant des jeux experts à 70/80 euros, avec des extensions qui peuvent monter bien plus haut", explique Mme Reberac.
Dans les allées du salon, les jeux tentaculaires ne manquaient pas, avec des plateaux somptueux, pléthore de pions, de cartes, de constructions, fioles olfactives ou monstres fabuleux... Et l'As d'Or "Expert" est revenu à "La Famiglia" (Super Meeple, 80 euros), un jeu de plateau complexe en équipes sur fond de luttes entre familles mafieuses en Sicile.