Historiquement, le Marché international des professionnels de l'immobilier à Cannes (Mipim), est le rendez-vous des investisseurs immobiliers. Cette année, il attire de plus en plus d'élus désireux d'y trouver des solutions face à leurs problèmes d'urbanisme et confrontés à une crise du logement inédite.
Pour les élus, c'est désormais l'endroit où il faut être. Cette année à Cannes, il s'est rebaptisé "Global Urban Festival", c'est-à-dire "salon urbain mondial", pour souligner qu'il n'est plus uniquement un salon d'investisseurs privés.
Preuve de l'intérêt des politiques pour la vitrine nationale et internationale du Mipim, dès l'ouverture, le nouveau ministre du logement Guillaume Kasbarian est venu parler de la crise inédite du logement.
Et il n'est pas venu les mains vides ! Il a présenté ses 10 annonces. De nouvelles mesures censées simplifier l'accès au logement, raccourcir les délais et réduire les coûts. Il constate :
Quand on regarde historiquement l'évolution du prix de l'immobilier ces 50 dernières années et l'évolution des salaires, vous voyez un écart qui est en train de se creuser de manière significative. Si on reste avec les mêmes règles de financement, les mêmes règles prudentielles, l'équation ne marche plus !
Guillaume Kasbarian, ministre du logementFrance 3 Côte d'Azur
"La situation est vraiment critique"
Concrètement, le ministre veut accélérer les procédures d'aménagement multi-sites. Autrement dit qu'une seule personne pourra déposer un permis de construire pour plusieurs sites, ce qui permettra de simplifier l'instruction du dossier.
Deuxièmement, il souhaite que les règles d'urbanisme soient désormais définies en zone et non plus parcelle par parcelle. Autre mesure, augmenter la densification en lotissement. Pour pouvoir construire plus, les propriétaires pourraient modifier eux-mêmes les règlements de lotissements.
Ces mesures feront l'objet de décrets qui devraient être publiés dans les prochaines semaines et d'autres seront intégrées dans des projets ou des propositions de loi dans les prochains mois.
Mais dès mercredi, toujours dans le palais des festivals, le Medef et la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) ont étrillé le gouvernement.
Ils dénoncent la suppression, au nom de la rigueur budgétaire, de dispositifs de soutien à la construction et redoutent des pertes d'emplois.
"Il ne faut pas faire de mauvaises économies", a lancé le président du Medef, Patrick Martin, lors d'un point presse au Mipim, "La situation est vraiment critique, et vous avez tous en tête que pour relancer la situation, c'est urgent, parce que les cycles sont longs", a déclaré le "patron des patrons", ciblant particulièrement la suppression à venir de la niche fiscale Pinel, soutien à l'investissement locatif.
DECLARATION CONJOINTE @Medef et @fpi_fr | #Immobilier, il y a urgence à agir !
— Mouvement des Entreprises de France (@medef) March 13, 2024
Lire la déclaration ➡️ https://t.co/PUZ1Vj47Xx#MIPIM2024 pic.twitter.com/O858sjvRnP
Forum des élus, stand de l'Ukraine et de la Ligurie
Autre indice d'un virage politique : le discours d'ouverture a été prononcé par l'ancienne première ministre finlandaise Sanna Marin, qui a parlé urbanisme et adaptation au changement climatique, mais aussi géopolitique. Un stand de l'Ukraine est aussi présent. La région italienne voisine, la Ligurie a fait aussi le déplacement avec son président et le maire de Gênes, Marco Bucci venu présenter : "Gênes 2030" à l'aide d'une grande maquette.
"C'est vrai qu'on a connu une évolution au Mipim", reconnaît le maire de Toulouse.
C'est un marché traditionnellement dominé par les professionnels, les investisseurs mais au fil du temps, on a vu notamment les métropoles prendre place, venir exposer leurs projets de territoire.
Jean-Luc Moudenc, maire (Horizons) de Toulouse.
Mercredi, il était convié, avec plus de 70 maires, adjoints et présidents de collectivités français, à un déjeuner baptisé "Forum des élus", à huis clos avec des dirigeants de grandes associations professionnelles, institutions et entreprises (Nexity, Bouygues Immobilier, Vestack, Sogaris...).
C'est la deuxième année consécutive que ce forum se tient. "On attend une meilleure collaboration, un sens un peu plus commun et partagé des enjeux de l'immobilier et de la ville", explique le directeur du Mipim, Nicolas Kozubek. "Un acteur privé, que ce soit un investisseur, un promoteur, a besoin de mieux connaître et de mieux comprendre le regard que portent les élus sur leur territoire et de pouvoir du coup mieux répondre à ces enjeux (...), et ça marche aussi dans l'autre sens", ajoute-t-il.
"Ça permet d'échanger entre collègues"
C'est donc toute la France des élus qui montent les marches du palais des festivals, déambulent entre les stands, discutent sur un coin de table. Des politiques venus de Marseille à Saint-Dizier en passant par Lyon, Toulouse ou Antibes. Pour un peu, on se croirait à l'assemblée des maires de France.
"Pour nous, c'est une vitrine utile, pour faire connaître aux professionnels aux opérateurs, notre vision de la ville de demain et nos projets", ajoute Jean-Luc Moudenc. Même constat pour le président de la métropole marseillaise.
C'est un très bon salon qui permet aux secteurs publics et privés de se rencontrer et d'avancer, des acteurs de la logistique, de la construction, de la Recherche et du développement, c'est très diversifié.
Martine Vassal, présidente (LR) de la métropole Aix-Marseille.
"Je me réjouis que depuis deux ans, il y ait ce forum des élus parce que ça permet d'échanger entre collègues. En général, on ne se voyait pas, on venait tous au Mipim porter des projets mais on n'était pas forcément dans l'échange", constate le maire (PS) de Montpellier Michaël Delafosse.
"Ça me permet de sentir que l'élu a une place au Mipim. Sentir qu'on est plusieurs élus à avoir des problématiques immobilières", explique Quentin Brière, maire (LR) de Saint-Dizier. "Je n'ai pas du tout les mêmes problématiques que la plupart des élus qui sont là !", plaisante l'édile de cette ville de 23.000 habitants, alors que la plupart des élus présents représentent des grandes villes.
Il cherche surtout à attirer de l'activité dans sa commune enclavée en Haute-Marne raconte avoir échangé avec des maires d'autres villes moyennes ou petites. "Ça m'intéresse énormément de savoir comment ils font pour attirer une entreprise, pour parler avec des promoteurs."
Intelligence artificielle et réversibilité des bâtiments
Au stand de la métropole de Sophia-Antipolis, on parle de "co-living". En clair, trouver des alternatives à la pénurie de logements dans les Alpes-Maritimes.
François Clergeot, directeur du développement à Sophia-Antipolis explique : "sur un même bâtiment, vous avez des chambres, des studios, des appartements, des salles de sport, des conciergeries, des endroits pour travailler. On va attirer des personnes qui se consacrent à leur travail et près plus tard, elles chercheront un logement pérenne."
Grégory Doucet, maire écologiste de Lyon, raconte lui avoir parlé intelligence artificielle et réversibilité des bâtiments, c'est-à-dire le fait de concevoir un bâtiment en prévoyant la possibilité d'en changer l'usage : de bureaux en logements, d'hôtel en résidence.
"Si on ne l'intègre pas dans notre façon de fabriquer la ville et notamment dépenser l'immobilier de bureau, et en s'imposant la réversibilité totale, on risque de se retrouver avec des milliers de mètres carrés qui, peut-être dans dix ans,ne seront pris par personne", développe l'élu vert.
En quelques années, le Mipim, un carrefour d'échanges et d'idées pour trouver les solutions à la crise du logement et bâtir, intelligemment, la ville de demain. Un salon devenu incontournable.
(avec AFP)