C’est un long voyage qui s’achève, au vieux port de Cannes, ce premier week-end de juillet. Au pied de la capitainerie, "Pierre 1er" est venu s’amarrer à quelques encablures du lieu où son ancienne propriétaire, Florence Arthaud, repose désormais.
Le trimaran autrefois couvert d'une peinture couleur or en aura parcouru des milles avant d'arriver à Cannes, ce dimanche 3 juillet. S’il fait escale dans la cité des festivals jusqu'à demain mardi, ce n’est pas pour entamer une retraite dorée, mais pour saluer la mémoire de Florence Arthaud, celle qui a remporté la "Route du Rhum" en 1990 à son bord.
Philippe Brillault est celui qui rendu ce retour possible. Il est le nouveau propriétaire du bateau et a traversé mers et océan pour ramener dans les eaux françaises cette pièce d’histoire de la navigation tricolore. Les skippers Bernard Stamm et Philippe Poupon contribuent aussi à cette aventure. Le premier a tenu la barre entre Djibouti et Cannes, le second le ramènera à Lorient.
Parti des Philippines il y a 4 mois, Philippe Brillault s’est livré à un véritable périple. Escales techniques et actes de piraterie ont émaillé le voyage du trimaran qui porte désormais le nom de "Lakota".
Un voyage que le septuagénaire, ancien maire d'une commune dans les Yvelines, a entamé il y a déjà longtemps : "L'histoire a commencé dans une brasserie parisienne. J'ai rencontré par hasard Philippe Poupon, en train de déjeuner seul, avec son café. Je cherchais un parrain pour la Medica Cup que l'on souhaite organiser à Cannes, voilà le parrain idéal. J'ai été le saluer. Il m'a raconté sa vie, son projet, Florence Arthaud, et le bateau. J'ai racheté par un coup de passion car j'avais envie de contribuer à ramener ce bateau mythique en France."
On a fait à peu près huit mille nautiques, ce qui représente plus de 15.000 kilomètres, en traversant la mer de Chine, l'Océan indien, la mer Rouge et la Méditerranée.
Philippe Brillault, propriétaire de "Pierre 1er"
"Pierre 1er" a jeté l'ancre dans la nuit de samedi à dimanche à proximité du lieu où les cendres de la navigatrice ont été déposées après sa mort dans un accident d'hélicoptère en 2015.
"Je voulais faire un hommage à Florence Arthaud qui est une femme d'exception" commente Philippe Brillault. "J'ai porté le bateau, je l'ai surtout transporté, je n'avais jamais imaginé une telle aventure dans ma vie" ajoute-t-il.
Pirates en vue
Philippe Brillault est passionné par la navigation, il a déboursé quelque 250.000 euros pour racheter le navire, mais ce voyage aurait pu lui coûter la vie.
Au large des côtes africaines, le trimaran subit à plusieurs reprises des tentatives d'abordage de pirates, et des attaques. Le mât garde même la trace d'un impact de balle tiré par une Kalachnikov.
Menacés à trois reprises, Philippe Brillault et l'équipage ont dû ruser. Le pistolet à air comprimé à servi à dissuader les pirates, ils ont feint à l'intervention de moyens militaires en leur faveur ou encore su mettre la poudre d'escampette pour éviter des intrusions sur le navire.
Au large du Yémen notamment, un matin, au départ de Djibouti. "Trois bateaux de pêche, avec entre 4 et 7 personnes à bord de chaque embarcation, armés jusqu'aux dents, avec Kalachnikov et lance tubes. J'ai tout de suite sorti mon flingue, je me suis levé en slip de bain avec ma Go Pro, et un téléphoné, je leur ai dit 'je vous tire dessus si vous m'emmerdez'" se remémore Philippe dont le bateau finira par bénéficier d'une escorte militaire après cet incident. "Ils ont flingué le mât" témoigne t-il, montrant un vaste impact de balles sur ce tube longiligne qui a du être réparé après cet accrochage.
Une première pour la Route
En 1990, Florence Arthaud signe la première victoire féminine de l’histoire de la "Route du Rhum" à la barre de "Pierre 1er". Le trimaran, livré un an avant la course, mesure un peu plus de 18 mètres en longueur, contre 15 en largeur.
Cette année-là, elle devance un certain Philippe Poupon, qui a remporté l’édition précédente en 1986. Il se souvient de la victoire de cette "amie" mais aussi "concurrente" : "Je connais bien le bateau, même si je n'ai jamais navigué dessus. Florence est arrivé devant moi, proprement, pas de quelques minutes, mais de quelques heures. Bien sûr que je suivais Florence et ce bateau".
Philippe Poupon se souvient avec émotion de celle qui faisait partie de "sa famille" : "C'était un très bon marin, elle avait déjà fait du multicoque avec Biotherm, avec un autre catamaran sur la "Route du Rhum", elle a eu un autre 'Pierre 1er' avant celui-là."
Cap sur Lorient
Arrivé par voie terrestre samedi 2 juillet, Philippe Poupon prend le relais dès ce mardi pour ramener le bateau à Lorient. Là, il doit rejoindre les ateliers de Michel Desjoyaux, le fameux "professeur", victorieux sur la Route du Rhum, la Transat Jacques Vabre, le Vendée Globe, notamment.
C'est un check-up complet qui attend le trimaran, et pour cause, Philippe Poupon l'assure, il sera bien inscrit à la prochaine Route du Rhum, en novembre prochain, avec "Pierre 1er". Une nouvelle odyssée pour ce bateau livré en 1989, et qui a subi les assauts du temps, nécessitant réparations et nouveaux équipements.
Ce navire qui a eu plusieurs vie, a navigué par exemple avec le milliardaire Steve Fossett qui l'a racheté ou pour les besoins d'une super production hollywoodienne : "Waterworld". Dans cette oeuvre de fiction, Kevin Costner parcourt un monde submergé par les océans. Au pied du Palais des festivals, le départ de mardi vers la façade atlantique ne sera peut-être qu'un au revoir, et pas un adieu.