C'est un vaste débat relancé avec le risque de crise de l'énergie. Faut-il éclairer enseignes et boutiques la nuit ? En Côte d'Azur, alors que c'est une obligation légale, peu sont prêts à "couper le jus", tout juste à réduire la voilure. On vous explique pourquoi de telles réticences.
23 heures : la rue Saint-Michel de Menton est clairsemée ce jour de semaine. Une touriste s’arrête un instant devant la vitrine d’un chausseur qui brille de mille feux et contemple une paire de baskets très bien mise en avant.
Magasins de vêtements éclairés ici, là, c’est un institut de beauté lui aussi éclairé, à croire qu’il est ouvert. Un peu plus loin une enseigne de banque, elle aussi éclairée. En revanche, ce petit commerce qui vend du textile plutôt raffiné a fait le choix de ne rien laisser allumé.
Des rues éclairées par les commerçants, le spectacle n’a rien d’étonnant et ne surprend plus personne.
Depuis 2012 pourtant, un décret interdit de laisser branchées les enseignes lumineuses entre 1h et 6h du matin. Il en allait de même pour les bureaux où il était explicitement demandé de couper la lumière. Mais rien n’a vraiment changé. Les professionnels avaient pourtant dix ans pour se mettre en conformité.
A Menton, le sujet est pris au sérieux par la mairie, d’autant plus dans le contexte d’économie d’énergie rappelle-t-on. "Déjà cet été nous avons sensibilisé les commerçants sur le problème des portes restant ouvertes alors que la climatisation tournait au maximum à l’intérieur" nous fait-on savoir.
C’est d’ailleurs ce dernier point qui a relancé le débat au niveau national. Sur les réseaux sociaux, un collectif éteignant de façon sauvage les lumières s’est illustré durant l’été.
Côté commerçants, le sujet divise dans la cité du citron. C'est le cas pour Laurie Polito qui tient une boutique proposant du thé et du café.
Pour elle, qui par ailleurs représente l’union des commerçants de la ville, les boutiques seraient prêtes à jouer le jeu.
"C’est vrai qu’en décembre, quand il fait nuit tôt et à la veille des périodes de fêtes on est tentés de laisser un peu d’éclairage. Après on est prêts à jouer le jeu, par exemple éteindre à partir d’une certaine heure avec des minuteurs".
A Cannes, la mairie rappelle de façon un peu laconique que "la problématique des magasins qui restent allumés la nuit est règlementée par décret. Dès lors, la Mairie de Cannes n'a pas édicté de nouvelles règles qui seraient, de toute façon, de rang inférieur."
Bref le sujet ne passionne guère.
Cela est d’autant plus surprenant que des villes comme Lyon s’apprêtent d’ici 2024 à faire totalement disparaître du paysage urbain les panneaux numériques ou certaines enseignes lumineuses.
A deux pas de la croisette, ce représentant d’une association de commerçants qui préfère rester anonyme résume les choses : "On a deux types de commerces, les indépendants comme nous et les chaînes. Pour ces dernières les pratiques sont édictées au niveau national."
Il ajoute : "un magasin de la même chaîne sera allumé aussi bien à Cannes qu’à Marseille. De même pour les portes qui restent ouvertes pendant la canicule avec une température de 17 degrés à l’intérieur !"
90% de mes collègues de l’association sont équipés en LED
Un représentant d'une association de commerçants à Cannes
Mais il reconnaît que les vitrines ou enseignes restent pour la plupart branchées pour des raisons de sécurité, estimant que l’éclairage publique est insuffisant.
"Mais on est tous prêts à revoir notre copie dans le contexte de crise énergétique prochaine."
Pour Hélène Granouillac de l’association Terres Bleues, ce débat est un peu anecdotique mais elle résume : "Imaginons l’avenue Jean Médecin de Nice dans le noir, bon on a les luminaires qui assurent la sécurité des passants. Après est-ce un problème que les boutiques soient dans le noir ? La question est celle-ci : est-ce qu’on fait du lèche-vitrines à 11h le soir ? Moi pas en tout cas !"
Comportement condamnable
Cette militante écologique complète : "on pourrait imaginer que les commerçants gardent un petit éclairage style LED. Ce que je ne comprends pas, ce sont ces enseignes qui laissent toutes les lumières allumées même tout au fond du magasin. Cela n’a pas de sens. Ce genre de luxe est révolu. Ces comportements sont à condamner !"
Hélène Granouillac qui estime aussi que l’été les commerçants ne jouent pas le jeu en rafraîchissant de façon trop importante leur point de vente et en laissant les portes ouvertes. "Combien de fois j’ai fait la remarque à des vendeuses jeunes et que je pensais sensibilisées à l’écologie mais en pure perte. Pas de réaction."
Quant aux sanctions en cas d’éclairage abusif, elles ne seraient visiblement jamais appliquées.