Inutile de se rendre en Bretagne pour pouvoir contempler des dolmens. Parmi la centaine de mégalithes découverts en Provence, une quinzaine se trouve proche du fleuve de la Siagne qui traverse les Alpes-Maritimes et le Var. C'est à proximité du village de Saint-Cézaire-sur-Siagne que l'on retrouve les dolmens les plus emblématiques de la Côte d'Azur.
À l'instar des autres régions françaises, les dolmens provençaux représentent les vestiges du "mégalithisme". Ce phénomène mondial s’est manifesté par l'utilisation de gros blocs de pierres brutes pour la construction d'édifices plus ou moins complexes. Il témoigne d'un certain degré de technologie, d'organisation sociale et de spiritualité. Ces structures de pierre apparaissent dès le Vᵉ millénaire avant notre ère, au début de la révolution néolithique en Europe occidentale.
Le mégalithisme est l'une des formes les plus anciennes de l'architecture sacrée. Son apparition est liée à la sédentarisation vers 6 000 avant J.-C.
Jean-Pierre Mohen, archéologue et ancien patron du centre de recherche et de restauration des musées de FranceLes Mégalithes, pierres de mémoire aux Editions Découvertes Gallimard
Un patrimoine azuréen méconnu et inestimable
Les dolmens et les menhirs représentent les deux types de mégalithes (aussi appelées "pierres levées") les plus fréquentes retrouvées dans le monde. Ces premiers sont considérés comme les ancêtres des caveaux funéraires, des sépultures collectives et réutilisables.
Dans les Alpes-Maritimes et le Var, on retrouve essentiellement des dolmens de taille modeste (quelques mètres d'envergure) sur une période qui s'étend du Néolithique à l'Âge de bronze. Seuls sept d'entre eux ont été classés au titre des monuments historiques.
Saint-Cézaire-sur-Siagne, vallée des dolmens
Une concentration exceptionnelle de mégalithes a été découverte dans l'arrière-pays azuréen, principalement sur la rive gauche de la Siagne, à proximité des communes de Mons, Saint-Vallier-de-Thiey et notamment de Saint-Cézaire-sur-Siagne.
Autour de ce village médiéval, les dolmens sont nombreux : Mauvans Sud, Prignon, Graou, Aspe, Serre Dinguille... Parmi eux, figurent les plus célèbres du département azuréen, celui de Colbas (aussi appelés "Colbasse" ou du "Bois d'Amon") et celui de Puades (aussi appelé "Prades").
Les deux édifices ont été découverts en 1866 par le naturaliste et malacologiste français, Jules René Bourguignat et fouillés ensuite à plusieurs reprises par différents archéologues français. Des dents et des ossements humains ainsi que du mobilier funéraire (objets en os et en cuivre, outils, bijoux, tessons de céramique...) y ont été retrouvés. Datés tous deux du Chalcolithique (Âge du cuivre), ils ont été classés au titre des monuments historiques le 26 avril 1989.
Dolmen de Colbas ou Bois d'Amon
Il s'agit d'un groupe de deux dolmens situés environ à trois kilomètres de Saint-Cézaire-sur-Siagne dans le quartier du Bois d'Amon, sur une plate-forme culminant à 595 mètres d'altitude.
Le Dolmen de Colbas 1 est plus vaste et plus élaboré techniquement que celui de Colbas 2, construit en contrebas de ce dernier.
Les deux structures bien distinctes, édifiées l’une à côté de l’autre, par ailleurs facilement accessible aux randonneurs et aux familles. Le panorama exceptionnel à 360° permet d'observer à la fois les Préalpes d'Azur et le Lac de Saint-Cassien.
Dolmen de Puades
Il se trouve à trois cents mètres au sud-ouest du Col de la Lèque, sur la route de Saint-Vallier-de-Thiey, à environ cinq kilomètres de Saint-Cézaire-sur-Siagne.
Laurent Del Fabbro, le créateur du site archeoprovence, spécialisé dans l'histoire et la préhistoire de la Provence orientale, a participé à une opération de restauration des dolmens menée par l'Institut d'Etudes Niçoises et le Conseil Général (devenu le Conseil départemental) en 1998. Il explique que la dalle qui recouvrait l'édifice a été fracturée, sans doute dynamité, pour permettre les premières fouilles. Les quatre fragments qui la composaient se trouvent toujours sur le site.
Aujourd'hui, dans les Alpes-Maritimes, plus aucun dolmen ne dispose de sa dalle de couverture en place. Pour pouvoir en observer un dans son état originel, il faut se rendre dans le département du Var.
Laurent Del Fabbro, photographe amateur, spécialiste des dolmens de la Siagnewww.archeoprovence.com
C'est quoi un dolmen ?
Le nom "Dolmen" vient du breton "dol" (la table) et "men" (la pierre). Dans le sud de la France, le dolmen est généralement constitué d’une grande pierre horizontale ("dalle de couverture") reposant sur des blocs verticaux ("orthostates"). Un couloir construit avec des murettes de pierre sèches permet d’accéder à cette chambre sépulcrale. L’ensemble de la structure est recouvert d'un amas mêlé de terre et de pierre, le "tumulus".
La présence de mobilier funéraire retrouvé aux côtés d'ossements humains a accrédité la thèse sur la fonction première du dolmen en tant que sépulture. L'édification de ces tombeaux collectifs témoigne d'un culte en hommage aux défunts et d'un besoin de spiritualité. En revanche, les théories plus ou moins farfelues selon lesquelles des sacrifices (humains et animaux) y auraient été pratiqués seraient définitivement écartées.
Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas la Bretagne qui figure à la première place du classement des régions comptant le plus de dolmens. C'est en région Occitanie, dans les départements de l'Hérault et de l’Aveyron qu'ils sont en majorité. La Provence en dénombre une centaine dont un quart d’entre eux localisés de part et d’autre du bassin de la Siagne.
Plus aucun doute n’existe aujourd’hui sur le fait que les dolmens étaient voués à l’inhumation des défunts. Mais des interrogations demeurent sur l’utilisation de ces lieux, à travers les âges, pour d'autres types de rituels, fêtes païennes et cérémonies religieuses. Des questionnements subsistent également sur les modalités de construction de ces mégalithes.
Toute œuvre, en tant qu'elle déploie pour l'homme une contrée d'habitation, est un bâtiment ; le menhir, le dolmen ou le cromlech sont les bâtiments les plus anciens par lesquels les hommes ont fait monde
Jean Vioulac, philosopheL'Époque de la technique (2009)
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