"Picasso avait une confiance absolue en moi", dit l'ex-électricien du peintre

"Picasso avait une confiance absolue en moi", a décrit mardi son ancien électricien Pierre Le Guennec, 75 ans, au premier jour de son procès pour le recel de 271 oeuvres du maître, durant lequel il a peiné à dissiper les incohérences du dossier.

Pull blanc et jeans, visiblement affaibli par la maladie et s'exprimant maladroitement, le prévenu de 75 ans soutient que les oeuvres ont été données au début des années 70 par Jacqueline, la dernière épouse du peintre, avec l'accord de Picasso. L'électricien et sa femme Danielle ont entreposé la boîte de 271 oeuvres dans leur  garage de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) pendant près de quatre décennies avant de demander une authentification en 2010.
Les six héritiers de Picasso avaient porté plainte.
"J'ai jamais pu comprendre qu'on puisse faire avaler ça. C'est comme si vous allez chez le boulanger pour une baguette et qu'il vous en donne 271!", a réagi à la barre avec gouaille, Maya Widmaier-Picasso, fille du peintre et de sa muse Marie-Thérèse Walter. Son père mettait sur chaque oeuvre "dédicace, date, lieu et signature" qu'il entendait vendre ou donner, ce qui n'est pas le cas des oeuvres détenues par le couple de retraités.

"Un rassemblement d'objets de cet ordre, c'est tout à fait renversant", a estimé pour sa par Claude Ruiz Picasso, fils de Picasso et de Françoise Gillot.
Quant à la fille de Jacqueline Picasso, Catherine Hutin-Blay, la seule à avoir connu Le Guennec, elle admet que l'électricien avait une relation privilégiée au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins (06) dernière demeure de l'artiste, décédé en 1973.
"On lui faisait vraiment confiance. C'était quelqu'un qui était très familier dans la maison et qui avait un rapport absolument cordial", a-t-elle décrit. Pour autant, "toute cette collection absolument extraordinaire, Picasso n'aurait jamais donné ça".
Pour Jean-Jacques Neuer, avocat de Claude Picasso, on a carrément "affaire à un blanchiment international d'oeuvres d'art". "C'est à lui (Pierre Le Guennec) qu'on a confié ces oeuvres volées parce qu'il avait eu des relations avec Picasso", a-t-il accusé, en dévoilant une hypothèse non versée au dossier. "C'est de la foutaise", a réagi, outré, lors d'une suspension d'audience l'avocat du prévenu, Me Charles-Étienne Gudin.
Me Neuer bombarde le retraité de questions sur un inventaire et une description très détaillée de chaque oeuvre, que M. Le Guennec aurait dressées seul ou avec l'aide d'un beau-frère galeriste.
Le Guennec identifie par exemple une petite étude abstraite au crayon comme ayant des similitudes avec une peinture de 1915 d'un Arlequin exposé au Musée d'art moderne de New York (Moma), met en exergue Me Neuer.
Le prévenu répond confusément et ne semble pas connaître l'existence du Moma, il a des trous de mémoire mais rétorque qu'il a fait la liste lui-même.

271 oeuvres dont des pépites

L'enjeu financier et patrimonial est de taille: la boîte conservée dans le garage contenait, en parfait état de conservation, 180 oeuvres et un carnet de 91 dessins, qui s'échelonnent entre 1900 et 1932. Mardi matin, toutes les oeuvres -dont de somptueux dessins stylisées de femmes et de chevaux- ont été projetées sur un écran du tribunal.
L'électricien s'était installé en 1970 sur la Côte d'Azur pour se mettre à son compte et rejoindre sa famille. Le mari d'une cousine, Maurice Bresnu dit "Nounours", chauffeur de Picasso, semblerait l'avoir introduit auprès du maître. Dans le cadre de l'instruction, un réquisitoire supplétif avait étendu l'affaire à Bresnu, décédé, qui a aussi fait l'objet de dons de l'artiste, jugés très suspects par les avocats de la famille Picasso.
En juillet 1971, Picasso dédicace un catalogue d'exposition à Le Guennec, tout comme à Nounours.
Quant à la boîte de 271 oeuvres, elle lui est donnée très informellement un jour par Jacqueline Picasso, dans un couloir du mas. "Elle m'a dit +ça c'est pour vous+. Elle me tend un carton", se souvient Pierre Le Guennec, qui lui dit "merci madame".

En rentrant chez lui, à Mouans-Sartoux, il regarde le contenu avec son épouse Danielle, aperçoit "des dessins, des esquisses, du papier froissé", le tout "en vrac". "On n'a pas tout feuilleté", précise-t-il, en ce disant peu impressionné.
(Avec AFP)
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