Après avoir obtenu que sa fille ne soit plus dans la même classe que les harceleuses supposées, le père de la collégienne est désormais sous le coup d'une plainte pour diffamation.
L'histoire se passe dans un collège, sans histoire dans une ville des Alpes-Maritimes réputée pour sa tranquillité. Preuve, s'il en fallait encore une, que le harcèlement scolaire peut toucher n'importe quel établissement.
Je n’en peux plus papa d’aller au collège chaque matin avec la boule au ventre. Je ressens beaucoup de stress quand je suis là-bas. Et quand je parle de tout ça aux adultes, souvent ils ne me croient pas !
Une élève du collège André Maurois à Menton
Dans un premier temps, le père de la jeune élève de 13 ans explique que "il n'y a pas beaucoup accordé d'importance". Mais lorsque les faits de harcèlement sont devenus physiques, Mickaël Laugier a alerté l'établissement. En vain.
Le principal du collège André Maurois, n'a jamais répondu aux demandes d'entretien de France 3 Côte d'Azur.
Pendant ce temps, la jeune fille croise encore les autrices supposées de ces agissements et le harcèlement aurait continué. Le père de la collégienne a alors déposé plainte auprès de la police. Mais celle-ci a été classée sans suite. Le rectorat a reçu par trois fois le parent.
Dernier rebondissement, Mickaël Laugier fait désormais l'objet d'une plainte pour diffamation.
Cette histoire est symptomatique des difficultés rencontrées dans ces situations, et avant tout, la difficulté de prouver le harcèlement auprès des établissements scolaires, et de la police.
La définition selon le ministère de l'Intérieur : "les actes considérés comme du harcèlement scolaire sont par exemple les moqueries, les brimades, les humiliations, les insultes. Ces actes entraînent une dégradation des conditions de vie de la victime et cela se manifeste notamment par l'anxiété, la chute des résultats scolaires et la dépression".
Le ministère de l'Éducation a de bonnes intentions…
Depuis la rentrée 2021, un programme de lutte et de prévention à destination des écoles, des collèges et des lycées a été mis en place : le plan pHARe.
Les établissements doivent signer une charte, et entre autres constituer une équipe de 5 personnes formées, et mettre en place des mesures comme une sensibilisation d'une durée de 10 heures au cours préparatoire. Selon le rectorat, tous les établissements de l'Académie de Nice sont inscrits dans cette démarche.
Déjà depuis 2012, deux numéros permettent de signaler toutes les situations, que l'on soit directement victime ou témoin : le 3020 pour le harcèlement et le 3018 pour le cyberharcèlement. Ils sont joignables du lundi au samedi de 9h à 20 heures. Sauf les jours fériés.
Mais finalement rien de nouveau
Lors de la dernière rentrée, le ministère de l'Éducation et de la Jeunesse a souhaité renforcer le dispositif. Le 1er juin dernier, son ministre Pap Ndiaye déclaré "Il s’agit d’un échec collectif, c’est une tragédie" en évoquant le suicide de Lindsay, en mai dernier ; cette collégienne de 13 ans, victime de harcèlement. Le 22 juin, sur le plateau de France 2, il a annoncé une seule mesure concrète.
À la rentrée, dans les écoles primaires, c'est le harceleur qui pourra être changé d'établissement.
Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale
Pap Ndiaye a également indiqué que le ministère de l'Intérieur, celui de la Justice et celui du Numérique, devront assurer "une bonne coordination entre tous les services de l'État, que la police et la justice embrayent bien s'il y a une situation de harcèlement avérée."
Lorsqu'elle était élève au collège de la Sine, à Vence, Noémya Grohan a été victime de harcèlement durant les 4 années de sa scolarité dans cet établissement. Plus tard, elle a écrit une autobiographie, "De la rage dans mon cartable" et fondé une association Génér'action solidaire. Elle intervient dans les écoles pour faire de la prévention.
Le programme pHARe est très beau sur le papier mais encore faut-il se donner les moyens de l'appliquer dans la réalité. Et actuellement, ce n'est pas le cas.
Noémya Grohan, association Génér'action solidaire.
Des annonces, des numéros d'appel, des sensibilisations, de la formation, mais lorsque les faits sont avérés, que se passe-t-il ? Cela concernerait près d'un élève sur dix. Soit 2 à 3 élèves par classe !
Alors concrètement, il se passe quoi ?
Le harcèlement scolaire est une violence répétitive, physique, verbale ou psychologique perpétrée par un ou plusieurs élèves à l’encontre d’un de leurs camarades. À ce titre, il est reconnu comme un délit depuis la loi du 2 mars 2022.
Selon le ministère de l'Intérieur, "les violences scolaires désignent les actes d'agression physique ou morale (tels que les coups et blessures, les menaces avec ou sans armes, les insultes,...), qui se déroulent en milieu scolaire ou qui impliquent des élèves". Ces violences peuvent entraîner une atteinte à l'intégrité physique de la victime ou une dégradation de ses conditions de vie.
La victime peut signaler les faits, par le biais d'une main courante, en se rendant (seule ou accompagnée) dans les locaux de la police ou de la gendarmerie. La victime mineure ne peut pas porter plainte seule. Mais si la victime mineure veut être impliquée dans la procédure, elle devra obligatoirement être représentée par une personne majeure (parent, tuteur,...).
Dans tous les cas, la victime a 6 ans, après les faits, pour déposer plainte.
Les peines encourues
Les faits sont sanctionnés qu'ils se soient déroulés au sein de l'établissement scolaire, ou en dehors. Le faible âge de la victime est une circonstance aggravante pour l'auteur des violences, de même que l'utilisation d'internet dans la réalisation des faits.
L'âge de l'auteur est pris en compte. Ce dernier peut être un élève ou un adulte exerçant dans l'établissement.
La peine pour harcèlement scolaire peut aller jusqu'à 1 an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende lorsqu'il causera une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours. La mesure sera durcie si l'ITT excède 8 jours.
Lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire, la peine peut atteindre dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.