Trente objets exposés à Menton et issus de fouilles archéologiques sous-marines vont quitter la cité du citron pour être exposés à Arles. Une reconnaissance pour les plongeurs et restaurateurs engagés au quotidien pour la sauvegarde de ce patrimoine.
Le geste est délicat et minutieux. À l'étage du Musée de préhistoire régionale de Menton (Alpes-Maritimes), avec ses mains gantées, Almudena Arellano ressort des cartons différents objets entourés de papier-bulle. Des objets datés du XVe au XVIIe siècle et repêchés dans la rade de Villefranche-sur-Mer.
Une amphore espagnole entière, une pipe en terre, une assiette vert turquoise ornée d'un chevreuil et originaire de Ligurie (Italie)... L'objet le plus ancien date du Moyen-Âge : "C'est un bol de Pise, avec au fond une croix dessinée", précise Almudena Arellano, restauratrice pour le musée mentonnais.
Dans les trouvailles remontées à la surface, il y a aussi ce morceau de pot d'apothicaire italien daté du XVIIe siècle. Sur le dessous, est dessinée une tête avec une bouche ouverte. "C'était le mode d'emploi : il fallait ingérer le produit par la bouche", continue la restauratrice.
Ces objets sont issus de campagnes archéologiques menées par Anao, l'aventure sous-marine, dans la rade de Villefranche-sur-Mer depuis les années 1990. Des campagnes de fouilles d'un mois réalisée chaque année par une vingtaine de personnes.
Au croisement des routes maritimes méditerranéennes
Parmi les plongeurs : Alain Cascio, également vice-président d'Anao. "Ce sont des objets jetés à la mer car ils n'étaient plus utiles ou cassés", explique-t-il. "Sur les lieux de mouillage, on trouve beaucoup d'objets ligures, provençaux, catalans ou encore portugais..."
La rade de Villefranche-sur-Mer c'est un vrai carrefour, tout le monde y passe !
Eric Dulière, président d'Anao
"Il y a une adrénaline dans ces recherches sous-marines et c'est passionnant de retracer ensuite l'histoire de chaque objet que l'on trouve", poursuit Alain Cascio.
Désalinisation
Après plusieurs siècles passés au fond de la mer Méditerranée, beaucoup ont été cassés ou abîmés.
Si le sel reste dans les poteries, en séchant, ça casse les poteries, les dessins.
Alain Cascio, vice-président Anao et plongeur
Pour enlever le sel, il y a tout un protocole à mettre en place. "On les place dans des bacs remplis d'eau douce", détaille Alain Cascio. "On surveille la salinité et on renouvelle l'eau douce. Cela dure en moyenne entre deux mois et demi et trois mois."
Et ça s'arrête là. "Quand il s'agit de découvertes maritimes, on n'a pas le droit d'enlever les concrétions, car elles sont la preuve que cela a été trouvé sous l'eau", détaille Almudena Arellano.
Direction Arles
Ce patrimoine archéologique, exposé à Menton, a tapé dans l'œil du Musée Arles Antique (Bouches-du-Rhône). Dans quelques jours, trente objets vont partir à Arles pour une exposition temporaire : "Trésors du fond des mers, un patrimoine archéologique en danger" (22 octobre 2022-20 février 2023).
La rade de Villefranche-sur-Mer est incontournable. Il y a un échantillonnage extraordinaire de céramique qui viennent des quatre coins de la Méditerranée.
Musée Arles Antique
"Ce ne sont pas des objets en or, mais des céramiques riches en quantité et en qualité", poursuit-on du côté du musée arlésien. "Je n’ai jamais vu autant de choses différentes dans un même endroit !"
Au total, les objets azuréens représenteront un dixième de l'exposition temporaire, aux côtés de découvertes venues des autres côtes françaises, de la Mer du Nord jusqu’à la Méditerranée, en passant par l’Atlantique et la Manche.
"C'est une reconnaissance, une fierté", conclut Eric Dulière. "C'est la première fois qu'autant d'objets partent pout une exposition !"