Frontière italienne : les associations d'aide aux migrants ne pourront pas visiter le local de mise à l'abri à Menton

La préfecture des Alpes-Maritimes a notifié une nouvelle décision de refus le 30 décembre 2020 à l'association sollicitant l'accès à l'espace de mise à l'abri de Menton.

On pourrait presque dire : "Circulez, il n'y a rien à voir !"  C'est en substance la réponse des autorités aux associations qui demandaient un droit de regard sur les conditions sanitaires des migrants au poste-frontière de Menton. 

Il s'agit d'un simple local, baptisé "local de mise à l'abri", un Algéco qui permet d'accueillir les migrants suite à un contrôle de la PAF, la Police aux Frontières. 

Délai dépassé

Depuis 2019, ni les élus, ni les associations ne peuvent entrer dans les locaux où se trouvent les migrants avant leur renvoi en Italie.

Deux associations dénoncent "des conditions d'accueil indignes". Le 30 novembre dernier, le tribunal administratif de Nice a demandé au préfet de revoir cette interdiction sous 30 jours.

Un délai dépassé. 

Voici la réponse de la préfecture des Alpes-Maritimes à France 3 Côte d'Azur sur cette demande d'accès : 

  • une nouvelle décision de refus a été notifiée le 30/12/2020 à l'association sollicitant l'accès à l'espace de mise à l'abri de Menton
  • la nouvelle décision a été prise conformément aux règles fixées par plusieurs décisions du Conseil d'Etat
  • s’agissant d’étrangers qui ne peuvent être considérés comme des étrangers en situation irrégulière au sens de la directive « retour », le droit de l’Union européenne ne saurait servir de fondement juridique à un accès des associations à un local à but humanitaire
  • l'accès aux locaux sollicité ne peut pas non plus reposer sur les dispositions sur l’accès des associations aux lieux de privation ou de restriction de liberté tels que les centres ou locaux de rétention, puisqu’il ne s’agit pas d’un tel lieu
  • sans accéder à ce local de mise à l'abri, les associations peuvent parfaitement poursuivre leurs missions. Elles sont totalement libres de réaliser leurs missions d’assistance humanitaire dans la zone frontalière à proximité immédiate de ces locaux. Les associations peuvent ainsi s'assurer que les personnes entrent et sortent des locaux de la police aux frontières sans qu’elles n’aient été mises à l’abri pour une durée excessive.

"Il n'y a pas de lit, seulement des bancs"

Contacté, Me Zia Oloumi, est avocat bénévole spécialisé dans le droit des étrangers et président de l'Alliance-DEDF qui regroupe des juristes et des praticiens du droit des étrangers pour la défense des droits fondamentaux. L'assocaition intervient dans les procédures à Nice et à Marseille. Le juriste prend acte de ce nouveau refus qu'il qualifie "d'illégal, sauf à considérer qu'il existe en France un Guantanamo, un no man's land français." Il envisage de redéposer un recours.

Les responsables d'association doivent se réunir ce jeudi 7 janvier pour décider d'une stratégie commune."C’est ridicule comme situation." Une situation qui dure depuis cinq ans : les personnes contrôlées à la frontière restent dans des préfabriqués, ne peuvent pas en sortir, il n'y a pas de lit, seulement des bancs, des toilettes avec la porte ouverte.... Alors les "détenus" restent debout dans un angle de l'Algéco pour tenter de se reposer. 

Il y a des mineurs avec des majeurs... parfois une femme avec des hommes alors que c'est interdit."

Me Zia Oloumi, avocat en droit de la mobilité internationale et des droits fondamentaux

"Pas accès aux avocats, aux interprètes et aux associations de soutien"

Avant, ce "local" était placé en zone de rétention. Maître Oloumi glisse : "les maisons d’arrêt sont mieux... On marche sur la tête !"

Le poste à la frontière italienne à Menton :

Selon lui, les associations devraient pouvoir y accéder : "Là-bas, ils n’ont pas accès aux avocats, aux interprètes et aux associations de soutien. Même des demandeurs d’asile en france ont eu leurs papiers confisqués ! (...) On nous dit que c’est pour le terrorisme, alors il devrait y avoir les empreintes, les noms, les photos."

Mais le juriste prévient : "Le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile va changer avec la décision du Conseil d’Etat. Il est très probable que le gouvernement prenne en considération la décision du 27 novembre qui disait que les décisions de refus d’entrée étaient illégales sur la zone des 10 km."

Une dizaine de plaintes pour violences physiques et détention arbitraire

Par ailleurs, l'avocat va déposer une dizaine de plaintes pour violences physiques et détention arbitraire. Les associations le constatent régulièrement : les personnes sont retenues du soir jusqu’au matin, de 19h à 8 heures du matin, soit pendant plus de 12 heures. Alors que, selon le Conseil d’Etat, c’est 4 heures maximum.

Pour preuve, la plupart du temps, les heures écrites sur les documents de refus d’entrée en France... ne correspondent pas aux heures inscrites sur les documents italiens. "Ce sont des durées de privation de liberté largement supérieures à 4 heures", ajoute maître Oloumi.Il remarque que, malgré la mise en place de brigades mixtes entre la France et l'Italie, le respect des procédures ne s'améliore pas. Autre problème, les migrants mineurs dont les papiers sont confisqués et dont la date de naissance est 'majorisée' sur les papiers d'entrée. 

L'avocat va aussi demander les rapports de contrôles du poste-frontière de Menton.

Il confie qu'il est toujours très compliqué d’avoir des témoignages de personnes. Difficile aussi d’avoir les identités des policiers qui signent certains papiers avec un numéro.

 

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