Nice : prison avec sursis requise contre un chercheur qui avait aidé des migrants

Six mois de prison avec sursis ont été requis mercredi soir contre un enseignant-chercheur du CNRS poursuivi à Nice pour avoir convoyé des Erythréennes venues d'Italie, "un geste humanitaire ne méritant aucune sanction" pour son avocate qui avait plaidé la relaxe.

Le jugement a été mis en délibéré au 6 janvier et son contrôle judiciaire levé  d'ici là.

"C'est un sévère avertissement", a justifié le procureur général de Nice, Jean-Michel Prêtre. "On peut porter secours, c'est un devoir, mais pas aider au
séjour et à la circulation
" d'étrangers en situation irrégulière, a-t-il ajouté, rappelant que c'était une infraction pénale.

Reportage ce mardi à Nice :
Six mois de prison avec sursis ont été requis mercredi soir contre un enseignant-chercheur du CNRS poursuivi à Nice pour avoir convoyé des Erythréennes venues d'Italie, "un geste humanitaire ne méritant aucune sanction" pour son avocate qui avait plaidé la relaxe. Intervenants : Maeva Binimelis Avocate de Pierre-Alain Mannoni et Pierre-Alain Mannoni Prévenu.
"Ces actions ne s'inscrivent pas dans un secours. Elles consistent à nier qu'une frontière existe et qu'un pays puisse faire voter des lois. (...) En France, on a le droit de penser ce qu'on veut et de traduire ces pensées en actions, mais dans les limites de la loi", a-t-il insisté.

Pierre-Alain Mannoni, 45 ans, enseignant-chercheur à la faculté de Nice Sophia Antipolis, avait été interpellé le 18 octobre à un péage près de Menton
avec dans sa voiture trois Erythréennes dont une mineure, toutes trois prises en charge dans un centre de colonie de vacances SNCF désaffecté et squatté au moment des faits par un collectif d'associations pour y abriter des Erythréens. 

Il a porté secours


Comme lui, depuis 2015, de nombreux habitants de la vallée franco-italienne de la Roya viennent en aide aux migrants qui passent depuis l'Italie voisine, souvent des Africains fuyant des pays instables.
Il convoyait les trois jeunes femmes pour les mettre dans le train en direction de Marseille où elles devaient être soignées, en évitant de s'arrêter à Nice
pour échapper aux contrôles dans les Alpes-Maritimes. 

"Dans son esprit, M. Mannoni a porté secours. Ce geste humanitaire ne mérite aucune sanction. Ce serait disproportionnée et pas nécessaire", a plaidé son avocate Me Maeva Binimelis. "Aujourd'hui, on veut faire un exemple (...) Je sollicite la relaxe pour donner une réponse à tous ces gens solidaires", a-t-elle lancé, évoquant le souvenir des Boat People accueillis en France dans les années 1980. 


"Aberrant"


Cent à 200 personnes étaient venues soutenir M. Mannoni et son co-prévenu Cédric Herrou à l'audience. Elles sont restées nombreuses massées sur les marches du palais de justice de Nice qui s'était entouré de mesures policières inhabituelles, filtrant les accès y compris en salle d'audience. Elles se mobilisent aussi grâce à une pétition de soutien en ligne.

"Si ces personnes ne sont pas secourues, il y aura encore des morts", a déclaré en conclusion des débats M. Mannoni, soutenu par le syndicat de l'enseignement supérieur Snesup-FSU, la Ligue des Droits de l'Homme, les écologistes d'EELV ou encore Médecins du Monde qui a témoigné en sa faveur à la barre.

"Qu'il se retrouve au tribunal dans notre pays, je trouve cela aberrant", avait déclaré avant l'audience la députée EELV Cécile Duflot, dénonçant une manoeuvre d'intimidation. "Aujourd'hui, on a des citoyens contraints d'enfreindre la loi, parce que l'Etat ne remplit pas ses obligations", a de son côté regretté David Nakache, un ancien cadre du PS niçois. Depuis 2012, la loi prévoit l'immunité pour les passeurs qui ne sont pas rétribués et qui agissent si la vie des personnes recueillies est jugée en péril.

L'agriculteur Cédric Herrou sera quant à lui jugé le 4 janvier à la suite d'un report d'audience demandé par ses avocats. D'ici là, son contrôle judiciaire a
été assoupli, lui permettant de recommencer à conduire de 06h00 à 17h00 pour les besoins de son exploitation qui produit des oeufs et des olives.
En août, il avait déjà été inquiété pour le transport de huit Erythréens mais le parquet de Nice avait classé l'affaire sans suite.

C'est l'installation sans autorisation d'une cinquantaine d'Erythréens dans un centre de vacances SNCF désaffecté à Saint-Dalmas-de-Tende qui lui vaut ces nouvelles poursuites. Son occupation, dénoncée avec force par les élus locaux LR, avait pris fin avec l'intervention des forces de l'ordre au bout de trois jours. - Avec AFP -
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