REPLAY. A Nice, l'exposition événement de Jean-Luc Verna, l'enfant terrible de l'art contemporain de retour dans sa ville

Dessinateur exposé au MoMA à New York, danseur, chanteur, performeur, le Niçois Jean-Luc Verna revient dans sa ville natale pour une exposition au sein de la galerie l'Espace à vendre. Nous avons rencontré ce personnage hors normes, qui sait être pleinement lui-même. Et ça ne laisse pas indifférent.

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Vous n'oublierez pas son visage.

Crâne rasé, boucles d'oreilles, yeux contournés d'un noir charbonneux, et peau presque entièrement recouverte de tatouages.

Disons-le, l'homme est impressionnant. Dans la pièce principale de la galerie l'Espace à vendre, lorsqu'il se retourne pour vous tendre la main, regard franc et large sourire sur sa dentition métallique, vous commencez à vous sentir plus à l'aise. 

Osera-t-on lui poser la question qui est aussi le nom de son exposition ? On se lance : "Vous n'êtes pas un peu beaucoup maquillé ?". "Non... jamais" dit l'artiste d'une voix douce et presque amusée. Sa réponse finit de vous détendre.

Qui est Jean-Luc Verna ?

Jean-Luc Verna est un immense artiste. Ce que j'appelle un artiste total. Et qui est pleinement lui-même.

Bertrand Baraudou, directeur de l'Espace à vendre

Bertrand Baraudou, qui dirige la galerie l'Espace à vendre dans le centre-ville de Nice, ne cache pas son bonheur d'accueillir cette exposition exceptionnelle, pour laquelle Jean-Luc Verna travaille depuis plus d'un an. "Son art s'exprime à travers tous les médias : dessin, musique, photographie, sculpture, danse, chorégraphie... C'est un personnage très important pour Nice, et il était important pour nous de lui consacrer une vraie exposition monographique, complète, personnelle", explique Bertrand Baraudou, ami de longue date de l'artiste.

Notre première question à Jean-Luc Verna ayant été couronnée d'une réponse souriante, on se met à développer :

Pourquoi ce visage maquillé (non, pas un peu beaucoup !) et ce corps tatoué s'exposent-ils sur les murs de la galerie ? Jean-Luc Verna est photographié, nu, dans des poses qui ne doivent rien au hasard. Cet amoureux et fin connaisseur de l'histoire de l'art célèbre les grands chefs d'œuvre, tels l'Apollon et Daphné, marbre du XVIIe siècle signé Le Bernin, ou encore la Crucifixion de Goya :

"Mon corps n'est pas une pièce d'art. Je ne fais pas du body-art. Je suis tatoué parce que ça me plait", nous explique posément l'artiste.

Je suis un outil pour l'art.

Jean-Luc Verna

Le dessin comme colonne vertébrale

Qu'il pose devant l'objectif d'un photographe, danse ou chante sur scène, donne la réplique dans un film, écrive, sculpte, Jean-Luc Verna y voit le prolongement de son médium d'origine : le dessin.

"Le dessin, c'est la colonne vertébrale de ma vie et de toutes mes autres pratiques. C'est le lieu de la correction : je corrige mes dessins, je corrige mon corps, je corrige mon visage, ma syntaxe, ma posture, je me corrige quand je fais une erreur. Le dessin pour moi ce n'est pas un terrain de liberté mais un terrain de correction". On touche du doigt le niveau d'exigence que s'applique l'artiste.

Sur un autre pan de mur de l'exposition, des visages et des oiseaux. Fruit d'un processus créatif très abouti : Jean-Luc Verna réalise de premières esquisses, nées d'un premier geste, puis les photocopie. "La photocopie tue le dessin. Ce n'est plus que l'image du dessin, et le lieu de sa correction". Cette copie, il va ensuite la dégrader en la passant au trichloréthylène pour la retravailler à la pierre noire, au crayon de couleur ou au fard à paupières.

Que nous disent ces visages ?

"Quelle que soit l'intention de mon dessin, elle est toujours enrichie par ce que les gens y voient. Ce sont des images qui sont un peu comme des bonbons, très doux, légèrement empoisonnés. Ou alors des images frontalement violentes, mais mâtinées de suffisamment d'humour pour que la violence ne soit pas une fin en soi. C'est à chacun de décider."

Cette dualité, c'est peut-être celle avec laquelle Jean-Luc Verna a composé toute sa vie. Parfois, sans aucun doute, pour sa survie.

Nice, j'y ai vécu mes pires années.

Jean-Luc Verna

Verna, quelle vie !

Né sur les rives de la baie des Anges en 1966, Jean-Luc Verna y a eu un début de vie compliqué, difficile. Très vite, le jeune homme détonne dans sa famille traditionnelle. 

"J'ai vécu à Nice des années extrêmement violentes, extrêmement pauvres, extrêmement frustrées", nous explique-t-il.

Violence. Drogue. Prostitution. Le jeune garçon des années 80, au look gothique, se sauve d'abord par la musique puis par l'art, qu'il pratique au sein de l'école municipale de la Villa Thiole, puis à la Villa Arson, école nationale supérieure d'art.

Il y est d'abord élève, puis professeur de dessin pendant 23 ans, avant de quitter Nice pour vivre sa carrière à Paris et à l'international.

Là encore, l'état d'esprit dans lequel Jean-Luc Verna retrouve Nice est tout en nuances et en ambiguïtés. "C'est un plaisir que j'ai beaucoup attendu. Nice, c'est aussi la ville de feu ma grand-mère, qui a été une des seules de ma famille à m'aimer. Maintenant, j'essaie de la rendre fière. Comme si je voulais réparer quelque chose."

C'est donc un Jean-Luc Verna apaisé qui revient à Nice. Un homme dont le parcours chaotique, puis la réussite, lui autorisent tous les discours. Un homme prêt à partager son art et son univers, fascinant.

L'exposition "Vous n'êtes pas un peu beaucoup maquillé ? - Non." se poursuit jusqu'au 7 janvier 2023, à l'Espace à vendre à Nice.

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