REPLAY. A Nice, la Villa Arson abrite des artistes d'Ukraine, d'Afghanistan ou du Cambodge en résidence

Ecole d'art, centre de recherche et d'exposition, la Villa Arson est aussi une résidence d'artistes du bout du monde. Certains y viennent par choix libre, d'autres contraints par la guerre ou la dictature, le temps de reprendre leur souffle. Une résidence d'artistes... qui est aussi un refuge. Rencontres.

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Dans les magnifiques jardins de la Villa Arson, au détour d'un sentier, un petit batiment avec une enfilade de portes.

Alexandra Khalepa, sourire aux lèvres, nous ouvre l'une d'elles : "Entrez dans mon studio !"

La jeune Ukrainienne est arrivée il y a deux mois. Architecte, chercheuse en art, spécialisée dans le numérique, elle était, le jour du déclenchement de la guerre le 24 février dernier, en voyage de travail à la frontière entre la Syrie et la Turquie.

Dans l'incapacité de rentrer dans son pays, elle a d'abord été hébergée par une amie vivant à Nice, avant de se porter candidate auprès de la Villa Arson pour bénéficier d'une résidence sur place. La Villa l'a accueillie.

Ici, j'ai trouvé de la sérénité. C’est un état très contradictoire quand vous avez une guerre nichée en vous, à l’intérieur de moi j’ai l’Ukraine, et dehors il y a cette belle nature, de belles personnes, la ville. C’est très contradictoire mais ça m’aide à retrouver un équilibre.

Alexandre Khalepa

A Kiev, Alexandra était très impliquée dans le développement des nouvelles formes d'art. Au sein de la la plate-forme d’initiatives culturelles Izolyatsia, installée sur un ancien site industriel de la capitale ukrainienne, elle dirigeait une résidence internationale.

Depuis Nice, elle continue de travailler avec les artistes de son pays. Certains se sont reconvertis dans l'aide humanitaire, d'autres ont pris les armes. Auprès d'eux, elle collecte, à distance, de courtes créations vidéos.

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Vidéo de l'artiste ukrainien Pavlo Gunko, témoignage artistique sur la guerre en Ukraine, collecté par Alexandra Khalepa, en résidence à la Villa Arson à Nice. ©Pavlo Gunko from Carbon community

J’ai lancé ce projet autour de réflexions d’artistes, au sujet de la guerre, de ce qui se passe. C’est un projet au long court. Quand la guerre s’arrêtera, nous aurons ces archives de travaux d’artistes, de réflexions, de témoignages.

Alexandra Khalepa

Studio d'à côté. Son voisin s'appelle Mohsin. Mohsin Taasha. Ce peintre afghan appartient à la minorité hazara, dont il a emprunté les techniques de peinture traditionnelle. Il est aussi l'auteur de plusieurs performances artistiques engagées qui ont eu lieu à travers le pays. Il a quitté Kaboul en catastrophe avec sa femme en août 2021, trois jours avant que les Talibans ne prennent le pouvoir.

J’ai tellement de chance de pouvoir faire face à la situation de cette façon-là. Bien sûr je suis un réfugié, j’ai perdu mon pays et tout ce que j’avais, mais je me sens si bien ici. Je fais de mon mieux pour travailler, faire des efforts, pour que les gens qui m’accueillent soient contents de ce que je fais ici.

Mohsin Taasha

Mohsin a emporté avec lui les rouleaux de papier qu'il fabrique lui-même et sur lesquels il continue maintenant de pratiquer son art, dans l'atelier que la Villa Arson a mis à sa disposition. La couleur rouge s'est imposée dans son travail depuis des années.

La situation en Afghanistan, tout le monde la connait. Ce rouge peut être celui du sang, mais en même temps ce peut être l’amour. Mais pour moi qui travaille cette couleur depuis tellement longtemps, c’est au-delà de la signification, tout dépend en fait de celui qui observe.

L'accueil d'artistes dans l'ADN de la Villa Arson

Depuis son ouverture en 1972 sous l'impulsion d'André Malraux lorsqu'il était ministre de la Culture, la Villa Arson, école d'art, centre de recherche et d'exposition, possède l'accueil d'artistes étrangers dans son ADN.

En plus de la dizaine de studios pour leur hébergement, la Villa met à leur disposition le nécessaire pour qu'ils puissent continuer à produire leur art, qu'il s'agisse de peinture, de photographie, de sculpture ou d'art numérique. Certains peuvent bénéficier d'une bourse de la part du Collège de France, dans le cadre de son programme PAUSE, pour pouvoir vivre et travailler.

Notre mission c'est d'être un lieu qui répond à une situation d'urgence que vivent certains artistes. Pour certains, il s'agit de bâtir un projet en vue d'une installation ici, pour d'autres la Villa Arson est une étape pour reprendre du souffle et rebondir ailleurs.

Sylvain LIZON, directeur de la Villa Arson

Le séjour à la Villa Arson n'est pas toujours la conséquence d'une situation d'urgence pour les artistes. Pour Lyno Vuth, arrivé du Cambodge il y a quelques semaines, c'est un choix délibéré de résidence pour enrichir son parcours artistique. 

Engagé lui aussi dans son pays en faveur du développement de l'art contemporain, il est lauréat de SEA AiR, un programme de résidences développé entre Singapour et l’Union européenne. La Villa Arson est l’un des trois premiers partenaires européens de ce programme.

Ici en France, Lyno peut approfondir un de ses thèmes de prédilection : comment certains espaces publics, et en particulier des parcs et bois, sont utilisés dans l'histoire comme élément constitutif de certaines communautés.

Ses travaux se concentrent notamment sur le bois de Vincennes, l'un des plus grands parcs publics de Paris, qui a accueilli l'Exposition coloniale en 1931. Parmi les vestiges de cette Exposition, la grande pagode est aujourd'hui le siège de l'Union bouddhiste de France, lieu de rendez-vous notamment de la communauté cambodgienne. Mais son intérêt pour le parc va plus loin :

Je suis fasciné par le fait qu'aujourd'hui des migrants ou des communautés marginales comme les travailleurs du sexe, ou encore la communauté homosexuelle, utilisent ce parc. Quelque chose me porte à croire que c’est un endroit où ils peuvent être eux-mêmes.

Lyno Vuth

Les parcs comme refuge pour certaines communautés. Le parallèle est facile avec la Villa Arson et les artistes...

Je séjourne ici pour trois mois, je passe du temps ici. Je suis très inspiré par l’architecture, par l’énergie, je me sens lié aux oliviers centenaires du parc. C’est un endroit très spécial.

La Villa Arson et son parc ont été reconstitués dans leurs moindres détails dans un jeu virtuel conçu par un ancien diplômé de l'école, Ange Delamaure. Lyno Vuth s'est amusé à y insérer, au pied des grands oliviers, la structure d'une maison traditionnelle cambodgienne : une Sala Samnak, maison de repos que les villageois mettent à disposition des voyageurs au bord des routes. Une sorte de refuge. Tout un symbole...

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Le parc de la Villa Arson, reconstitué dans le jeu virtuel conçu par Ange Delamaure, ancien diplômé de l'école d'art, abrite une maison typique cambodgienne placée là par l'artiste en résidence Lyno Vuth. ©Ange Delamaure, with contribution from Vuth Lyno

Les histoires d'Alexandra, Mohsin et Lyno sont bien différentes. Pourtant, le temps de quelques mois, ils vivent ensemble au milieu des étudiants de la Villa Arson, et se retrouvent eux-aussi dans une forme de communauté.

Nous avons tous l’art dans notre vie. Nous vivons des situations très différentes mais on partage nos expériences d’artistes. Qui sait si nous nous serions rencontrés dans d'autres circonstances... mais la Villa Arson l'a rendu possible.

Mohsin Taasha

Nous sommes de cultures différentes mais ça a collé entre nous en tant que personnes. C'est très fort !

Alexandra Khalepa

La Villa Arson, qui accueille également jusqu'au 28 août 2022 les expositions de Carla Filipe, artiste portugaise, et du collectif italien Clusterduck est ouverte au public tous les après-midis de 14h à 18h sauf le mardi.

Vous aurez peut-être la chance de croiser l'un ou l'autre des artistes en résidence, dans son atelier ou au détour d'un chemin du parc, parmi d'autres rencontres artistiques.

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