Accusé de radicalisation, un employé musulman de l'aéroport de Nice conteste sa suspension

Un employé de confession musulmane travaillant pour une société d'agents de sûreté aéroportuaire à l'aéroport de Nice a contesté devant la justice la suspension de son habilitation par la préfecture qui lui reproche sa "radicalisation religieuse".

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Tout débute le 13 novembre par un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes, Adolphe Colrat, suspendant pour deux mois l'habilitation de cet employé à circuler en zone réservée de l'aéroport à cause d'un "certain nombre de présomptions", a relaté le directeur de cabinet du préfet, Jehan-Eric Winckler, devant le tribunal administratif de Nice, saisi en référé.

Ce premier arrêté, mal étayé, a été suspendu par le tribunal administratif de Nice le 12 décembre. Mais le préfet en a pris un second allant dans le même ce sens le 17 décembre.
"Nous avons agi à titre conservatoire", la police aux frontières (PAF) ayant été "avisée d'un comportement particulier de l'intéressé", a argué le directeur de cabinet du préfet.
Interrogé sur ce qui pouvait être reproché au plaignant, M. Winckler a évoqué un "renfermement sur lui-même", le fait qu'il ne faisait pas la bise à ses collègues féminines, qu'il "répondait en arabe" à certains interlocuteurs. Le jeune homme, âgé de 25 ans, aurait par ailleurs dit à des collègues qu'il était "bien quand on était musulman d'appliquer les règles strictes d'un islam pur" et n'aurait "pas montré de répulsion" à l'évocation de certains "actes terroristes", a-t-il ajouté.
Le haut responsable n'a pas voulu révéler la source des informations parvenues à la PAF et ayant motivé l'arrêté préfectoral. Mais il a souligné que "la radicalisation n'était pas une vue de l'esprit dans les Alpes-Maritimes", rappelant notamment le démantèlement de 2 cellules islamistes à Cannes ces derniers mois.
Français d'origine algérienne, l'agent de sûreté incriminé est père de famille, délégué syndical CGT et élu au CHSCT de son entreprise, pour laquelle il travaille depuis 2011 au contrôle des bagages en soute.
Pour son avocat, Me Sefen Guez Guez, le dossier contre lui est vide. "Il n'y a aucun élément" corroborant les accusations de prosélytisme et "la préfecture n'a toujours rien produit" pour étayer ses soupçons de "sympathie" à l'égard d'actes terroristes, a-t-il souligné, demandant au tribunal de "stopper la cabale lancée" contre son client. Pour lui, des "jalousies" au sein de la société pourraient être à l'origine de l'affaire.
"C'est vrai, il ne fait pas la bise aux femmes, mais être un peu vieux jeu et réservé est-il un motif suffisant pour se retrouver devant un tribunal?" a demandé le conseil, parlant de "discrimination islamophobe".
"C'est quelqu'un de très intégré, de très courtois, il est très bien perçu" par une "grande majorité" de ses collègues, y compris féminines, a renchéri Laury Bouhachi, délégué central CGT, qui dit avoir en main "25 attestations de salariés qui contrent point par point tout ce qui est reproché" au jeune homme.
Des propos corroborés par une collègue de 29 ans, interrogée sous couvert d'anonymat par l'AFP et qui le connaît depuis 4 ans: "C'est une personne normale, polie, sympathique, ouverte", assure la jeune femme venue le soutenir au tribunal avec de nombreux autres collègues.
Sa hiérarchie n'a pas souhaité commenter l'affaire, mais selon M. Bouhachi, la direction d'ICTS à Nice, se disant "surprise voire choquée" par les accusations à l'encontre de son employé, aurait encouragé la CGT à "tout mettre en branle pour que son honneur soit lavé".
La décision du tribunal a été mise en délibéré. Elle devrait intervenir avant la fin de la semaine.

Reportage : Chantal Fazi, Benoît Loth, Bruno Prou

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