Conditions de détention à la caserne Auvare de Nice : l'État condamné à des travaux d'urgence

L'administration doit aussi réaliser le nettoyage quotidien des cellules et renouveler les kits d'hygiène pour les personnes gardées à vue. Une amélioration des conditions de détention à réaliser en urgence, sous peine d'astreintes financières (jusqu'à 600€ par jour de retard).

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Une décision judiciaire courageuse" et "rarissime" car elle est accompagnée de plusieurs astreintes financières à l'encontre du Ministère de l'Intérieur.

Adrien Verrier, le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Nice (Alpes-Maritimes), se réjouit d'une décision du Tribunal administratif "qui prend la mesure de l'ampleur de ce qu'on avait constaté le 15 mars dernier" dans les cellules dédiées aux personnes en garde à vue de la caserne Auvare.

Sur place : quatorze cellules individuelles de moins de 4m², cinq cellules collectives et deux locaux de rétention administrative, sans point d’eau et avec une chasse d’eau reliée aux toilettes qui "ne peut être actionnée que depuis l’extérieur par le personnel de police".

Le ménage n'est jamais fait dans les cellules et les matelas ne sont pas nettoyés ni protégés par une housse jetable.

Adrien Verrier, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nice

"Les couvertures jetables sont réutilisées en permanence par les personnes retenues. Le nombre de kit hygiène n'est pas suffisant pour satisfaire tout le monde", poursuit Me Verrier. Et d'ajouter : "beaucoup de gardés à vue ressortent avec un dossier sans suite. Et quand bien même la personne n'est pas innocente, on peut demander un processus avec des conditions humaines minimales".

Atteintes à la dignité et à l'intégrité physique

Des faits constatés aussi par le tribunal administratif de Nice, qui s'est rendu sur place le 29 mars dernier. Dans ces cellules "insalubres", "décrépies" et "[sans] protège-matelas", "sept [d'entre elles sont] occupées par deux personnes alors que les toilettes sont installées dans un angle de la cellule sans aucun aménagement permettant d’assurer un minimum d’intimité".

Entre 2020 et 2023, seuls 31 matelas et 220 couvertures ont été distribués alors que le lieu "accueille en moyenne 40 personnes par jour", poursuivent les juges des référés. "Cela peut monter jusqu'à 70 ou 80 personnes par jour", précise le bâtonnier de Nice.

Les éléments constatés sur place [...] caractérisent des conditions de détention attentatoires à la dignité humaine.

Juges des référés du Tribunal administratif de Nice

Ces faits "portent atteinte, notamment, à la dignité et à l’intégrité physique des personnes en garde à vue", poursuivent les trois juges des référés dans leur décision.

Trois astreintes

Pour contraindre le ministère de l'Intérieur, le tribunal administratif a fixé des astreintes financières :

  • Pour remédier à l’état de délabrement et de décrépitude des cellules de garde à vue, des travaux de réfection sont exigés sous trois mois, sous peine d'une astreinte de 250€ par jour de retard.
  • L'installation, dans un délai de trois mois, d'une sonnette ou d'un voyant lumineux dans les cellules pour permettre aux occupants d'interpeler le personnel de police lorsqu’ils souhaitent accéder aux toilettes extérieures, sous peine d'une astreinte de 250€ par jour de retard.
  • Assurer un "nettoyage quotidien des cellules de garde à vue, des toilettes situées dans les cellules et du bloc sanitaire commun (douche et toilettes) extérieur aux cellules et des espaces communs du rez-de-chaussée du bâtiment". Une mesure qui s'applique dès la publication de la décision du tribunal administratif, sous peine d'une astreinte 100€ par jour de retard.
  • L'administration doit enfin, sous quinze jours, avoir à disposition des gardés à vue un matelas "dans un état satisfaisant", une couverture à usage unique, un kit d'hygiène et "quantité adaptée d’eau potable".

Enfin, l'État est condamné à verser la somme de 1 500€ à l'Ordre des avocats au barreau de Nice, à l'origine de la procédure.

Ce sont des mesures très coercitives à l'égard de l'administration.

Adrien Verrier, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Nice

"On part de très loin en terme de conditions de vie et de détention", poursuit le bâtonnier de Nice. "Mais on est persuadé que cette décision va permettre d'améliorer les choses et va enfin retirer le voile sur quelque chose qui était su mais qui n'était pas dénoncé."

Conditions déjà dénoncées en 2013

Une décision qui intervient alors qu'un nouvel hôtel des polices est prévu à Nice pour fin 2025. Ce dernier remplacera notamment la caserne Auvare, construite en 1888. "Cela montre qu'il faut le faire dans l'urgence", fait remarquer Me Adrien Verrier car "en général, il n'y a pas d'astreinte prononcée".

Il faut dire que ce n'est pas la première fois que les conditions de détention au sein de la caserne Auvare sont dénoncées. En octobre 2013, le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait rendu un rapport auquel "l'administration n'a pas remédié depuis", précisent les juges des référés.

À l'époque, "c'était déjà infect", assure Dominique Simonnot, l'actuelle contrôleuse, à nos confrères de BFM Côte d'Azur. "On avait écrit au Garde des sceaux de l'époque et au ministre de l'Intérieur, il nous avait été répondu que bientôt il y aurait des couvertures individuelles de survie jetable et bientôt des housses sur les matelas qui pourraient être désinfectées."

Alors le bâtonnier de Nice assure qu'il restera vigilant : "Je vérifierai que les astreintes sont exécutées et que les mesures sont effectivement appliquées".

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