Dans les Alpes-Maritimes, le taux d'entreprises en situation de défaillance explose avec une hausse de 26 % sur un an. Entre difficultés de remboursement des Prêts garantis par l'État (PGE) et licenciements en cascade, l'avenir est incertain pour les dirigeants et comme pour les salariés.
Installés autour de Thierry Séon, président du Tribunal de commerce de Nice, les juges consulaires épluchent une dizaine de documents.
Ce matin-là, ils examinent des dossiers d'entreprise en difficulté. En Alpes-Maritimes, elles sont de plus en plus à être en situations de défaillance, c'est-à-dire dans l'impossibilité de faire face à ses obligations financières.
Le difficile remboursement des PGE
D'après Thierry Séon, les défaillances ont augmenté de 26 % lors du dernier trimestre de cette année, dans le département. Ce chiffre est supérieur de six points à la moyenne nationale.
Cette hausse est selon lui un effet secondaire de la période Covid, durant laquelle beaucoup d'entreprises ont contracté des Prêts garantis par l'État (PGE). Ce dispositif visait à venir en aide aux sociétés face aux incertitudes économiques due à la pandémie. Sauf que maintenant, il faut les rembourser.
"Mais, entre la baisse d'activité et ces prêts à rembourser sur une courte durée de quatre ans, les chefs d'entreprise n'y arrivent plus. Donc, ils ne payent pas leurs charges sociales, ils ne payent pas leurs crédits, ils ne payent pas leurs charges obligatoires…" détaille le président.
Le remboursement du PGE nous étouffe
Michelle CimelliDirectrice générale de One-Too / Contact-Azur
Michelle Cimelli fait partie de ces cheffes d'entreprise en difficulté. Pourtant, elle est la tête d'une PME se présentant comme le leader mondial de la tension de courroies de distribution et qui réalise un chiffre d'affaires de 4,5 millions d'euros.
Malgré cela, la directrice générale dit ne pas parvenir à rembourser son PGE. "Les années antérieures, 2022 et 2023, ont déjà été difficiles. Mais, l'année 2024 va être la pire, je pense. Et ne parlons pas de 2025, parce que vu politiquement comment ça marche, ça va être très compliqué…" s'inquiète-t-elle.
Vagues de licenciements
Et du côté des grands groupes, le temps n'est pas au beau fixe non plus. En juin dernier, l'entreprise d'électroménager Ubaldi a été placée en procédure de sauvegarde judiciaire par le Tribunal de commerce de Nice. Pour se sauver, elle va devoir licencier 69 personnes.
"Nous sommes en train de sortir la tête de l'eau, nous communiquerons après les fêtes", nous a alors informé le président de l'entreprise, par écrit.
Il y a des plans sur Auchan, Ubaldi et le printemps qui va fermer... Aujourd'hui, on s'inquiète vraiment.
Dominique LaroseDéléguée CGT 06, chargé du commerce
Par ailleurs, les destructions d'emplois ne cessent d'augmenter en Alpes-Maritimes. "L'année dernière, on était à 515 licenciements à la même époque. Aujourd'hui, on en est à 640 et l'année n'est pas encore terminée", chiffre Dominique Larose, déléguée CGT 06, chargée du commerce.
La syndicaliste s'affiche très préoccupée par la situation. D'autant plus que la boutique Printemps de Cagnes-sur-Mer a annoncé la fermeture de ses portes en février 2025. Laissant, ainsi, ses salariés dans l'inquiétude.
Redonner espoir
Grandes entreprises, petits entrepreneurs et commerçants… Tous sont alors touchés par ces difficultés économiques. Et, certains sont à bout.
Laurent Tissinié, fondateur de l'association Entre-Head raconte : "Un jour, un dirigeant m'a contacté. Il vit dans son bureau. Il a un matelas. Les fenêtres sont fermées. Ses salariés, ils sont une dizaine, tapent quelques fois à sa porte pour lui apporter un commandement par voie d'huissier."
"Et, il me disait qu'il regardait le contrat d'assurance qu'il avait signé pour savoir, au cas où il se suiciderait, si sa femme touchait la pension", poursuit-il.
Ainsi, avec son association, composée de chefs d'entreprise et de "coachs", Laurent Tissinié tente de libérer la parole et de redonner espoirs à ces dirigeants au bord du gouffre.
À la moindre difficulté, on mettra toutes les compétences à disposition des chefs d'entreprises de façon à pouvoir les aider
Maxence de LavenèreConseiller à la Chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte d'Azur
Après avoir lui-même connu une faillite en tant que chef d'entreprise, Maxence de Lavenère est désormais conseiller à la Chambre de commerce et d'industrie Nice-Côte d'Azur. Les rôles se sont ainsi inversés : maintenant, c'est lui qui aide.
"Aux moindres difficultés, aux moindres problèmes sur la trésorerie ou pour payer en fin de mois, il faut contacter la CCI. On interviendra", indique-t-il.
D'autant plus que la tendance n'est pas près de s'inverser, selon les professionnels. D'après eux, de nombreuses sociétés devraient encore tomber, entraînant d'autres entreprises dans leur chute.