Des hôteliers de la Côte d'Azur assignent Airbnb en justice pour "concurrence déloyale"

Six hôteliers de Nice, Cannes, Menton et Villefranche-sur-Mer, ont assigné en justice Airbnb pour "concurrence déloyale". Ils réclament 9,2 millions d'euros de dédommagement à la plateforme. L'assignation devant le tribunal de commerce de Lisieux aura lieu en septembre.

C'est devenu un concurrent sérieux, redouté et de plus en plus professionnel. Une vingtaine d'hôteliers épaulés par l'Umih, premier syndicat patronal du secteur, ont assigné en justice la plateforme Airbnb pour "concurrence déloyale", lui réclamant 9,2 millions d'euros de dédommagement.

La Côte d'Azur est bien représentée dans cette action collective avec 6 hôtels sur 26. Car les bassins niçois et cannois sont concernés, toutes catégories confondues. 

  • Le Cavendish 4 étoiles, l'hôtel de Provence 3 étoiles et l'hôtel Athénée 3 étoiles à Cannes
  • Best western plus Nice cosy, un 4 étoiles à Nice
  • Welcome, 4 étoiles à Villefranche-sur-Mer
  • Ibis budget à Menton

Les 26 hôtels participant à l'action sont situés dans 15 départements et sont de "toutes typologies", avec aussi bien des hôtels indépendants qu'affiliés à des groupes (Ibis, Best Western, Kyriad), selon la liste présentée par l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (Umih) lors d'une conférence de presse.

L'assignation devant le tribunal de commerce de Lisieux (Calvados) a été notifiée à la société Airbnb Ireland, établie à Dublin et siège européen du groupe, ce jeudi 20 juin, a annoncé leur avocat Jonathan Bellaïche, du cabinet d'avocats Goldwin. L'audience est prévue le 6 septembre.

Absence de numéro d'enregistrement 

Les hôteliers reprochent notamment à la plateforme de ne pas respecter ses obligations comme la mention du numéro d'enregistrement sur certaines annonces dans des communes où il est obligatoire, un huissier ayant constaté l'absence de numéro d'enregistrement sur des annonces en Alsace et à Cannes.

Ils estiment aussi que la plateforme "ne supprime pas les annonces de plus de 120 jours pour les résidences principales, ne collecte pas, ne déclare pas et ne paye pas la taxe de séjour".

Pour Me Bellaïche, Airbnb ayant été reconnu éditeur de contenus, "la plateforme a une obligation de vigilance sur la légalité des annonces publiées". "Nous savons que beaucoup de gens louent leur appartement sans autorisation", en sous-louant ou en ne respectant pas la réglementation sur le changement d'usage, soutient Me Bellaïche. 

187 millions d'euros de taxe de séjour

Cette assignation s'inscrit dans une longue série d'actions infructueuses intentées ces dernières années par des lobbies hôteliers

a répondu Airbnb.

La plateforme propose des logements entiers à des tarifs attractifs toute l'année. Les taxes de séjour qui n'étaient pas perçues il y a quelques années, figurent maintenant sur la facture.

Airbnb affirme se conformer à toutes ses obligations "Tandis que ce lobby hôtelier s'évertue à défendre des arguments contraires aux droits français et européen, Airbnb a permis à de nombreuses familles de gagner environ 3.800 euros en moyenne, et aux communes de percevoir 187 millions d'euros de taxe de séjour, sur la seule année 2023."

À Nice, "3.673 annonces non autorisées"

Me Bellaïche, qui mise sur des condamnations antérieures de la plateforme pour faire valoir les préjudices, a également mis en demeure Airbnb de produire les titres de propriété de certaines annonces de logements localisés autour d'hôtels participant à l'assignation. "S'ils ne demandent pas les titres de propriété, ça les rend coresponsables des manquements des hôtes", estime l'avocat.

Eric Abihssira, exploitant d'un hôtel à Nice et participant à l'action, dénonce aussi ces manquements : "À Nice, nous avons trouvé 3.673 annonces non autorisées, sans numéro d'enregistrement", assure-t-il.

Il souhaite mettre fin au "développement exponentiel" car selon lui, un tiers des hébergeurs sont des investisseurs, et pas des particuliers.  Avec la hausse des locations Airbnb autour de lui, cet hôtelier estime que les règles sont différentes. 

On est sur un terrain de foot avec deux équipes qui n'ont pas les mêmes règles. C'est comme si j'avais un hôtel de 60 chambres autour de moi qui me fait concurrence sans les mêmes obligations.

Eric Abihssira, patron de l'hôtel Best Western plus Nice Cosy.

Jusqu'à 220 nuitées par an pour des logements Airbnb

Il ne vise d'ailleurs pas les petits profits des propriétaires qui louent quelques semaines par an leur résidence principale pour pouvoir partir en vacances."La cible, c'est de mettre un terme à cette spirale infernale des logements Airbnb qui sont sous le giron des investisseurs, des SCI qui en ont fait un moyen de générer des revenus", affirme-t-il.

En cinq ans, Airbnb est devenu un concurrent direct.

L'hôtelier fait les comptes : en 2023, il y a eu + 36 % d'annonces Airbnb sur la ville de Nice, de 2020 à 2022 : + 114% d'augmentation de nuitées. En 2019 : la collecte de la taxe de séjour était d'environ 200.000 euros, aujourd'hui, elle est à 4 millions et demi d'euros. Il précise que certains propriétaires en font un business, ils réalisent jusqu'à 220 nuitées par an. Au plus haut de la saison touristique, il recense deux fois plus d'offres sur Airbnb que pour un hôtel traditionnel.

Oubliez l'origine de la fondation d'Airbnb fondée en 2008 en Californie ! Il s'agissait alors de louer un canapé, une chambre disponible ou son logement pendant les vacances pour en faire profiter d'autres. 

D'autres plateformes proposent d'ailleurs des échanges de logements sur un système de points. 

Eric Abihssira pense qu'à terme, Airbnb ne voudra que des professionnels en ligne pour avoir la même qualité de service que pour des chambres d'hôtels du groupe Accor ou Best Western.

Montée en gamme

L'offre d'Airbnb est variée et monte en gamme. Actuellement, peu de logements proposent un simple matelas gonflable et un petit-déjeuner, ce qui était l'idée de départ du site américain.

À Villefranche-sur-Mer, c'est l'hôtel Welcome, un 4 étoiles avec une vue magnifique sur la Méditerranée qui estime être, lui aussi, concurrencé par l'offre Airbnb. Même chose pour le Cavendish à Cannes, un établissement 4 étoiles également. 

Christine Welter, patronne de l'hôtel Cavendish à Cannes et responsable de l'Umih pour le bassin cannois, trouve aussi que les règles ne sont pas les mêmes. Sur France Bleu Azur, elle dénonce l'absence de sécurité dans les logements Airbnb :

Il n’y pas de présence sécuritaire 24h/24 dans des immeubles entiers à Cannes qui sont loués à la nuitée. Dans un hôtel, vous avez une réception en bas 7j/7 et 24h/24. Ça veut dire un salarié tous les jours et toutes les nuits. C’est dans la loi et ça coûte très cher !

Christine Welter, patronne de l'hôtel Cavendish à Cannes et responsable de l'Umih pour le bassin cannois.

À Cannes, sur 72 000 habitants, il y a 38 000 résidences principales, 32 000 résidences secondaires dont 10 000 appartements sur Airbnb. Un enjeu de taille dans le secteur de l'hôtellerie.

Christine Welter considère qu’un immeuble avec des appartements à la nuitée, c’est un Établissement Recevant du Public (ERP) avec toutes les normes que cela implique.

Airbnb reste aussi un concurrent en basse saison, quand l'offre n'est plus saturée. Les loueurs des meublés touristiques chez Airbnb s'adaptent et n'hésitent pas à casser leurs prix l'hiver.

Loi en attente à cause de la dissolution de l'Assemblée

L'assignation des hôteliers intervient au moment où une loi sur les meublés touristiques est en suspens du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale. Elle est très attendue par la profession car elle devait davantage réguler le secteur et rééquilibrer la fiscalité.

Sur la loi, "on devrait pouvoir repartir au même point", espère Véronique Siegel, présidente de la branche hôtellerie de l'Umih, relevant l'urgence de ce dossier qui doit répondre au problème de pénuries de logement en France, de surtourisme et de logement des saisonniers. Car l'absence de logements disponibles à l'année perturbe aussi le recrutement des employés dans les hôtels. 

(avec AFP)

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