Grâce à un hiver doux et lumineux, les célèbres fraises azuréennes ont cette année devancé le calendrier. En attendant les vacances de Pâques et la fête de la fraise de Carros, les producteurs procèdent déjà à la récolte.
Lorsque l'on pénètre dans la serre, la chaleur est saisissante. "C'est vrai qu'il faut qu'il fasse chaud. Mais le plus important, c'est la lumière", explique d'entrée Jean-Pierre Clérissi. Depuis plus de 45 ans, ce producteur cultive les petits fruits rouges sucrées dans son exploitation de Gattières, dans la plaine du Var (Alpes-Maritimes). Et cette année, ils sont légèrement en avance. "De quelques jours", précise Jean-Pierre Clérissi.
Si cette prématurité est incontestablement liée aux conditions météorologiques hivernales, qui ont été particulièrement clémentes, elle ne relève pas non plus tout à fait du hasard.
"Certaines sont bonnes parce qu'on les a un peu poussées", s'amuse Jean-Pierre Clérissi. En effet, le producteur peut influer sur le processus de développement des végétaux en ajustant l'ouverture des toits de ses serres. Cela lui permet de faire entrer plus ou moins de lumière, de gérer les rayons lumineux qui inondent les plans de fraises, et donc de réguler la récolte. "On étale la cueillette parce qu'on n'a pas la main d'œuvre nécessaire pour tout ramasser d'un coup. Et de toute manière, nous devons satisfaire la clientèle dans le temps", étaye-t-il.
La fraise, une affaire de famille
Cette logique ne s'applique pas qu'à la production de fraises. "Nous devons travailler toute l'année", raconte Jean-Pierre Clérissi. C'est ainsi que lorsque la saison des fraises, qui dure du mois de mars au mois de mai, est terminée, place aux légumes ! "De juin à octobre, nous sommes occupés par les aubergines, tomates et courgettes", énumère l'agriculteur. Ensuite vient la culture des produits verts tels que la salade ou les épinards, jusqu'à ce que ce soit à nouveau le temps des fraises. En définitive, "c'est continu", rapporte Jean-Pierre Clérissi.
En ce moment, avec les fraises, c'est presque du 24 h/24 h. On bosse entre 1 h du matin et 19 h. On ne va pas à la salle de sport car on a fait nos 10.000 pas avant midi. On ne va pas non plus jouer nos sous au casino car on ne sait pas si notre production nous permettra encore de vivre demain.
Jean-Pierre Clérissi
Pourtant, Jean-Pierre Clérissi n'a jamais pensé à changer de métier. Lorsqu'on lui pose la question, il ouvre de grands yeux et répond spontanément : "qu'est-ce que vous auriez voulu que je fasse d'autre ?". Le producteur empile plusieurs cagettes en bois et reprend : "dans ma famille, tout le monde est toujours resté ici. Il n'y a que des agriculteurs. Alors pour moi, c'était une évidence". Et la tradition familiale va perdurer.
Deux de ses trois enfants ont décidé de se lancer dans la filière agricole. Avec sa femme Lucie, son fils Raphaël a repris une partie de l'exploitation. Tous travaillent et vivent dedans, avec les cinq salariés qu'ils emploient.
"Plus local que ça tu meurs"
En ce jeudi ensoleillé, tout ce petit monde s'active dans la propriété. Les véhicules de livraison défilent dans la cour. En salopette de travail et casquette sur la tête, Jean-Pierre Clérissi déambule sous la serre fraisière. Il pose son regard sur l'un des 10.000 plans que compte son exploitation. "Ce sont des Cléry", note-t-il, "c'est la variété la plus cultivée dans le sud-est. Ce sont des fraises qui sont tendres et qui ne supportent pas le transport".
L'agriculteur les vend "à qui veut". Soit des grandes surfaces, des restaurateurs, des détaillants... mais toujours localement. Il affirme qu'il ne s'écoule pas 24 heures entre la récolte et la consommation. "Elles font max 40 kilomètres avant d'être mangées. Plus local que ça tu meurs", sourit-il.
La fraise sera fêtée à Carros les 22 et 23 avril
L'agriculteur, qui se définit comme "le plus petit" de la quinzaine de producteurs de fraises de Carros, attend impatiemment la fête de la fraise. Celle-ci se tiendra les 22 et 23 avril sur la place des Plans de Carros, où 12.000 à 15.000 personnes sont attendues. Une occasion de rencontrer les consommateurs, et surtout, de les fidéliser : "on peut échanger avec eux et cela nous permet de les retrouver l'année suivante", indique Jean-Pierre Clérissi. Ce dernier ne manque pourtant pas de clients. En témoigne les nombreux coups de téléphone qui ponctuent sa journée et auxquels il formule souvent la même réponse d'un ton chaleureux : "pour les fraises, il vaut mieux commander car il y a une forte demande".
Confronté à la hausse des prix des matières premières (plans, barquettes...), Jean-Pierre Clérissi ne vend pas ses kilos de fraises à moins de 10 euros. Il le reconnaît lui-même, cela ne lui permet pas d'entrer en concurrence avec les commerçants de certains pays exportateurs - comme l'Espagne - qui profitent d'une main d'œuvre bien moins chère.
Mais c'est sûrement le juste prix pour déguster une fraise décrite par certains comme l'une des meilleures du monde.