Cela peut faire sourire, mais c'est très sérieux. L'état des sous-vêtements permet de visualiser l'activité biologique des sols. Comment ? On vous explique.

C'est le printemps ce 20 mars... Et si vous plantiez des slips plutôt que des bégonias ?  Pour créer une épaisseur de 1 cm de sol, il faut 300 à 500 ans. Sur la planète, 95 % des aliments viennent des sols et plus de 25 % des espèces animales y vivent. En quelques chiffres, l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, plante le décor. Les sols, c'est vital.

"Plante ton slip"

L'idée vient du Canada : un slip en coton biologique est enfoui dans un sol agricole durant deux mois à une profondeur de 15 à 30 cm ; lorsqu'on le déterre, selon son état de dégradation, on peut mesurer la qualité du sol. Vous ne rêvez pas.

L'objectif est d'appréhender de manière simple et ludique la capacité des sols à décomposer la matière organique et d'évaluer leur activité biologique au regard des différentes pratiques agronomiques : apports de compost, couverts végétaux, etc.

Que se passe-t-il sous la terre ? Tout d'abord, les petits animaux présents dans le sol, comme les vers, "mangent" le tissu en coton, et rejettent des excréments. Ensuite, c'est au tour des bactéries et des champignons microscopiques de dégrader ces déjections. Ils libèrent ensuite des enzymes.

Pourquoi un slip ?

Ou une culotte. Le sous-vêtement comprend un élastique qui reste un témoin, si le tissu devait être complétement détruit. Pour l'expérience, les sous-vêtements doivent être en coton issu de la fabrication biologique. Si d'autres composants sont présents, ils ne seront pas dégradés.

Plus le slip est dégradé, plus le sol est riche 

Le slip comme mesure de l'activité biologique des sols. La Chambre d'Agriculture du Var a lancé une première expérimentation en 2018 sur 30 exploitations : des vignobles, des maraîchages et des oliveraies. Si les résultats étaient intéressants, la météo très pluvieuse avait sensiblement impacté la dégradation des slips. Sous l'effet de pluies torrentielles, la terre est tassée et moins oxygénée. Les microorganismes sont plus rares qu'à la normale.

Les agriculteurs ont trouvé ça drôle, ils ont adhérés. Ils ont voulu pousser plus loin l'expérience.

Clémence Boutfol, ingénieure et conseillère spécialisée en viticulture

L'opération de plantation des slips est alors renouvelée en 2021 dans des conditions météorologiques habituelles.  350 slips ont été enterrés sur 40 exploitations viticoles, déjà suivies dans le cadre de la réduction de l'utilisation de pesticides. 

Les résultats ont montré beaucoup plus de dégradations. L'objectif : sensibiliser les agriculteurs de manière ludique avec un rendu visuel qui marque les esprits.

La structure idéale de la terre est grumeleuse de type graine de couscous.

La santé du sol difficile à évaluer

Fanny Marchal est viticultrice. Elle a démarré en 2002, sur la commune de La Motte dans le Var avec l'acquisition d'un peu plus de 7 hectares issus de l'agriculture traditionnelle.

Cette ingénieure décide de passer sa parcelle en culture biologique. Première étape, l'arrêt du désherbant. Alors, c'est toute une vie qui revient sur sa parcelle, comme le retour des vers de terre. Le passage en bio s'accompagne d'une chute du rendement. Sa production est passée de 55 hectolitres/hectares à 40 hectolitres/hectares. Soit une baisse de près de 30 %. La concentration en phénols, elle, a augmenté, signe d'un vin en bonne santé. Sa conversion en bio est certifiée en 2010.

Elle fait partie des viticulteurs qui se sont vus proposer l'expérience des slips "quand on a vu les slips kangourou, on a bien rigolé".

J'étais agréablement surprise. A seulement 15 cm de profondeur, le sous-vêtement était très dégradé

Fanny , viticultrice

Les analyses de la terre, habituellement réalisées par les agriculteurs, mesurent la présence des matières organiques, potasse, magnésium, argile et limon afin de corriger les apports. "Ce test simple a le mérite de mesurer la capacité du sol à dégrader ces matières organiques. Une mesure impossible à réaliser avec des analyses".

Ce que disent les slips

Les observations ont pu mettre en évidence les effets de pratiques viticoles qui favorisent la fertilité. La dégradation des slips est plus importante sur les parcelles ayant reçu un apport récent de fumier, et celles ayant bénéficié de couverts végétaux, ou enherbées naturellement. 

Sur la photo ci-dessous, on peut voir un exemple de différence liée au tassement du sol. Le vêtement a été placé, à moitié, sur le passage d'un véhicule agricole. La partie du slip situé sous le passage des roues (tassement de la terre)  n'a été que peu "consommé", signe que les microorganismes étaient moins nombreux. L'autre partie du slip a quasiment disparu, signe de la présence de nombreuses bactéries. Une terre aérée est plus riche.

Les viticulteurs du Var ont davantage l'habitude d'effectuer des analyses pour mesurer la fertilisation à apporter en azote, potasse et magnésium, que d'évaluer la présence de micro-organismes. L'expérience, simple à reproduire, peut leur permettre de mesurer les effets de comportements différents, comme la diminution des apports chimiques ou des labours excessifs, et de participer à la résilience de la terre varoise.

Si vous aussi, vous souhaitez faire l'expérience dans votre jardin, l'ADEME vous propose un mode d'emploi très simple.

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