Rendu obligatoire fin 2023 par Gabriel Attal, le nouveau stage d'observation pour les lycéens en classe de seconde est difficile à mettre en œuvre. Une plateforme en ligne pour les aider à trouver un organisme d'accueil a ouvert ce lundi 25 mars, mais l'initiative ne convainc ni les élèves ni les professionnels.
C'est un nouveau casse-tête pour les lycéens en classe de seconde. Pour la première année, un stage obligatoire est instauré pour les 560 000 élèves de seconde générale et technologique entre le 17 et le 28 juin 2024.
"Ce stage d’observation se déroule en entreprise, en administration ou en association et dure deux semaines", précise le gouvernement. Son objectif : que chaque lycéen puisse "approfondir sa découverte des métiers et être aidé à préparer ses choix d’orientation".
Auparavant, les secondes entamaient leurs vacances d'été dès début juin, car les enseignants et l'ensemble du personnel éducatif étaient mobilisés par l'organisation du baccalauréat. Mais l'actuel premier ministre Gabriel Attal avait souhaité, quand il était ministre de l'Éducation, s'atteler à une "véritable reconquête du mois de juin".
@gabriel_attal Un stage obligatoire pour les élèves de seconde générale ou technologique ? Je te résume ce qui change et pourquoi. #Stages #Lycee #foryou #college #politique #ecole ♬ son original - Gabriel Attal
Dans les faits, ce stage obligatoire en classe de seconde s'apparente à un nouveau casse-tête pour les jeunes lycéens qui ont déjà dû se frotter une première fois au manque d'offres de stage en classe de troisième.
Pour faire face à ce problème qui les concerne à nouveau en seconde, le gouvernement a mis en place une plateforme censée faciliter la recherche des lycéens. Celle-ci est hébergée sur le site 1jeune1solution et est disponible ce lundi 25 mars à 14h.
Elle prévoit la possibilité de déposer des offres de stage pour les entreprises et d'y postuler pour les jeunes. Il faut pour cela créer un compte, référer quelques renseignements tels que son âge, son établissement scolaire, ses coordonnées et enfin indiquer, en quelques lignes, ses motivations.
"Je ne la connaissais même pas"
Seulement il y a un hic. Personne ou presque ne semble avoir connaissance de cette plateforme. Lorsque nous l'évoquons auprès d'une personne en charge des ressources humaines dans une grande entreprise, cette dernière prend un air étonné : "je ne la connaissais même pas". Elle reconnaît tout de même "qu'elle a le mérite d'être là et de donner une chance à tout le monde, même si la réalité c'est que les élèves continueront à passer par leurs contacts, pour ceux qui en ont".
Cette RH dit avoir reçu plusieurs dizaines de demandes de stages par mail au mois de mars. Elle en a accepté une dizaine, pour une semaine seulement. "Deux semaines c'est long, c'est la limite pour un stage d'observation... Car il faut trouver des tuteurs, tout le monde n'a pas la fibre ni la volonté de transmettre son métier. Cela réduit le nombre de places", confie-t-elle.
De plus en plus de demandes de stage
D'autant que les demandes de stages se multiplient d'année en année : "en dix ans, on est passé des seules demandes de stage de troisième à des demandes allant de la quatrième à la terminale. Il faudrait qu'on accueille des gens tout le temps, même pendant les vacances scolaires ! Mais cela demande une trop grande implication de l'entreprise".
Selon elle, ce phénomène se justifie par le fait que les élèves veulent avoir des expériences à faire valoir au moment où viendra la fatidique étape - non moins angoissante pour les jeunes - de Parcoursup, porte d'entrée vers les études supérieures.
Concernant le stage de seconde, le problème est qu'il est imposé à la même période pour tout le monde. "Les stages de troisième sont étalés dans l'année... Ceux de seconde sont aux mêmes dates pour tous les lycéens concernés de France, cela complique les choses", déplore cette RH.
Certains jeunes vont rester sur le carreau ou découvrir un domaine qui ne les intéresse pas du tout ! Là, l'intérêt de ce stage est perdu.
Une RH d'une grande entreprise
À noter que beaucoup de grandes entreprises - dont celle en question - disposent de leur propre plateforme de recrutement sur internet et ne proposent par conséquent pas de stage sur le site 1jeune1solution. "Il doit y avoir très peu d'offres", avance justement notre RH. Interrogé par l'AFP, le ministère de l'Éducation n'a pas communiqué le nombre d'offres disponibles sur la plateforme.
Les élèves inquiets
Du côté des élèves, la plateforme mise en place par le gouvernement pour les aider à trouver un stage n'est pas plus populaire. Nous sommes forcés de le constater après avoir contacté Arno, un lycéen en classe de seconde, pendant ses cours (nous avons attendu la pause, évidemment).
Lorsqu'il sonde ses six camarades présents à ses côtés au moment de notre appel, leur réponse est significative : aucun ne connaît la plateforme 1jeune1solution. Et aucun n'est rassuré par rapport à sa recherche de stage, même si Arno déclare que certains "ont déjà trouvé, au moins pour une semaine".
L'inquiétude les gagne peu à peu, sans pour autant qu'ils ne tombent dans le scepticisme. "C'est surtout compliqué parce que tout le monde cherche en même temps", explique Arno, dont les propos rejoignent ceux de la personne mentionnée auparavant.
Si l'idée d'un stage en seconde le séduit, notamment car il n'avait pas pu découvrir un domaine qui lui plaît réellement l'année dernière, l'initiative 1jeune1solution ne sert selon lui "pas à grand-chose, car les entreprises ne connaissent pas la plateforme et ne vont pas se dire d'elles-mêmes j'ai besoin d'un stagiaire".
De plus, "les entreprises cherchent plutôt des gens de niveau supérieur, des gens plus âgés qu'elles auront plus de chances d'employer par la suite", défend Arno, avant de conclure, lucide (et sans mauvais jeu de mot) : "nous les "secondes", on passe au second plan".
Des "solutions en ligne" pour ceux qui ne trouvent pas de stage
Et si un lycéen ne trouve pas de stage ? L'Éducation nationale répond à cette question sur son site internet : "l’élève est accueilli dans son établissement. Il bénéficie de solutions en ligne de découverte des environnements professionnels et y effectue des recherches documentaires pour préciser ou parfaire son projet d’orientation".
"Impossible", répond Karile Richard, syndiquée ID-FO et proviseure du lycée Turgot à Paris, tout ça est un non-sens, c'est une période rouge où tout le lycée est monopolisé sur les examens du bac, avec les épreuves écrites et orales, donc pas de temps pour gérer des secondes sans stage". Les établissements scolaires ont trois mois pour s'organiser...